Ihsane du Ballet du Grand Théâtre de Genève + Eastman | Sidi Larbi Cherkaoui rend hommage à ses racines avec Ihsane
Du 1er au 4 octobre 2025, le Ballet du Grand Théâtre de Genève, dirigé par Sidi Larbi Cherkaoui, présente Ihsane au Théâtre Maisonneuve, dans le cadre de la programmation Danse Danse. D’une durée de 1 h 45, l’œuvre déploie une mosaïque chorégraphique réunissant dix-neuf danseurs·ses, un quatuor de musiciens·nes et un duo vocal.
Après Vlaemsch (2022), inspiré des racines flamandes de sa mère, Cherkaoui poursuit son exploration identitaire avec Ihsane. Le compositeur tunisien Jasser Haj Youssef signe une partition immersive aux accents orientaux, portée par la viole d’amour, le oud et le piano, enrichie par les voix de Fadia Tomb-El-Hage et Mohammed El Arabi-Serghini.
Signifiant « bonté » et « bienveillance » en arabe, Ihsane s’inspire de la figure paternelle et de l’histoire de l’exil, mais aussi d’un drame contemporain : le meurtre homophobe d’un jeune Belgo-Marocain prénommé Ihsane en 2012. Entre mémoire familiale et hommage universel, l’œuvre tisse un récit traversé par l’amour et l’espoir.
Une scénographie somptueuse
La scénographie imaginée par Amine Amharech, magnifiée par les lumières de Fabiana Piccioli, compose un écrin de couleurs dorées et tamisées. Une porte traditionnelle, des paravents aux motifs orientaux et des tapis ambrés structurent l’espace, tandis que quatre écrans disposés sur la scène diffusent des images qui prolongent le texte chanté. Les musiciens·nes et chanteurs·ses, installés·es en hauteur, participent à ce paysage visuel et sonore en constante métamorphose.
Les costumes mêlent vêtements contemporains chinés, justaucorps ornés d’arabesques, chapeaux traditionnels et babouches jaunes. Ce mélange compose un univers où héritage et modernité dialoguent subtilement. Les interprètes explorent une gestuelle qui puise autant dans la calligraphie arabe que dans les danses urbaines comme le tutting, dessinant sur scène des fresques mouvantes et vibrantes.
Entre fulgurance et fragilités
Ihsane oscille entre éclats de grâce et passages plus démonstratifs. Les ensembles collectifs se déploient en mosaïques vivantes, tandis que les solos conjuguent la délicatesse de la danse contemporaine et l’énergie du hip hop. Plusieurs tableaux frappent l’imaginaire : jeux sémantiques autour de la langue arabe, écritures tracées sur des toiles blanches, évocation de la mort d’un jeune homosexuel, définitions du deuil, célébrations de l’Aïd, traces de la figure paternelle. Le tombé magistral de rideaux blancs, refermant la scène en un huis clos, s’impose comme l’une des images les plus saisissantes, au même titre que le sable s’écoulant dans la scène finale.
Deux danseuses assurent une traduction simultanée en français et en anglais, apportant une clé d’accès à une narration dense. Pourtant, la profusion de registres, du tragique à l’humour, et l’accumulation de symboles et de dispositifs tendent à brouiller le fil narratif. La dramaturgie se dilue parfois dans des longueurs, en particulier dans une conclusion qui s’étire. L’absence de surtitres pour les poèmes chantés accentue encore cette perte de repères, privant le public d’une part essentielle de la portée textuelle et poétique de l’œuvre.
Une expérience rare
Malgré ses fragilités, Ihsane s’impose comme une expérience artistique et humaine d’une intensité singulière. À travers l’entrelacement de la danse, de la musique, du chant et de la poésie, l’œuvre célèbre la mémoire, l’identité et le dialogue entre les cultures. Ample et foisonnante, elle offre au public montréalais un moment de communion, où l’intime rejoint l’universel. Portée par une distribution impressionnante, la pièce atteint par instants une dimension magistrale.
À voir jusqu’à samedi à la Place des Arts. Détails et billets par ici.
Lecteurs d’Ottawa, Ihsane sera également présenté au Centre National des Arts les 9 et 10 octobre 2025.
- Artiste(s)
- Ihsane, Sidi Larbi Cherkaoui
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Maisonneuve
- Catégorie(s)
- Ballet, Danse,


Vos commentaires