Gros mené

Entrevue avec Gros Mené : Une résurrection par décennie

Surprise : Gros Mené sort un nouvel album, sans crier gare ! Pax et Bonum, ainsi se nomme ce nouvel opus de la formation qui sort, semblerait-il, un album par décennie. Véritable groupe culte du rock québécois, la formation menée par Fred Fortin est presque mythique: elle compte maintenant trois albums à son portfolio qu’elle sort périodiquement, sans se mettre de pression. L’aspect occulte de l’oeuvre du groupe est renforcé par ces résurrections imprévisibles. Pourtant, la vérité derrière ses apparitions est beaucoup plus simple: elle réside simplement dans le processus de création du musicien.

Le projet Gros Mené, sur lequel Fred Fortin travaille avec Olivier Langevin, « c’est un exutoire », nous raconte le premier au bout du fil. « Ça me permet de toucher à des styles qui sont plus abrasifs », ajoute-t-il.

L’évolution du groupe ne se fait donc pas en raccord avec l’évolution temporelle des codes musicaux. Fred Fortin crée quand il est inspiré à la manière Gros Mené.

Car les deux piliers du groupe ont d’autres projets, personnels et en groupe. « C’est une question de timing pour coordonner nos nombreux projets, raconte simplement Fred Fortin. Ça s’accumule, pis un moment donné, ben ça sort ! »

Fred Fortin utilise donc Gros Mené comme exutoire libérateur où il donne libre cours à ses pulsions d’écriture sans se censurer. Pas de pression pour la publication, voilà pourquoi l’album est brandé comme un album-surprise: il est plus facile de repousser une date de sortie lorsqu’elle n’est pas annoncée ! Depuis dix ans, il travaille donc sur le projet par ci et par là, quand envie il y a.

Sur le premier album, sorti en 1999, Tue ce drum Pierre Bouchard, Gros Mené présentait du gros stoner rock. Sur Agnus Dei, la seconde sortie du groupe datant de 2012, les sonorités sont plutôt garage, moins denses. On y retrouvait tout de même l’identité oculte-vodoo de la formation et le rock puissant qu’on leur connaissait. On garde évidemment cette identité avec ce troisième opus : on s’y attendait avec ce titre en latin. Pax signifie « paix » alors que Bonum signifie « le bien »: la chanson Dabidou est l’exemple parfait de ce rock de l’occulte.

En veux-tu de la distorsion, en v’la

Selon Fred Fortin, le style de cet album se situe quelque part entre celui de Tue ce drum Pierre Bouchard et d’Agnus Dei. Les riffs de guitares sont infusés au blues et le rock est à cheval entre le stoner rock et le garage. Le fuzz et la distorsion viennent salir les chansons avec goût: le projet est aussi sale musicalement que dans les thématiques abordées.

Encore une fois, l’artiste exploite l’anonymat que lui permet d’avoir un projet de groupe: ses chansons sont celles des personnages qu’il incarne, il joue des rôles. L’auteur-compositeur-interprète raconte parfois l’histoire d’un nain acteur porno dans Bonsaï, ou incarne un motard un peu cassé en voyage dans Hollywood.

Quand j’écris, il ne faut pas que ce soit moi. Dans le fond, il faut que ce soit des personnages qui transportent un peu un message, et des fois, c’est pas nécessairement gentil. Fait qu’il ne faut pas que moi, je vienne tout filtrer.

Ce que le projet de Gros Mené raconte, « c’est un peu de la folie », selon le multi-instrumentiste. « Il n’y a pas d’engagement moral sur l’album », dit-il, catégorique. Si l’histoire et le personnage qu’il incarne lors de l’écriture l’amènent vers quelque chose, « bien je vais y aller, même si ce n’est pas ce que je suis, moi ». S’il en faisait autrement, s’il filtrait ses propos pour les aligner avec sa personne, « ça ne serait pas aligné avec le projet ».

L’image mythique du batteur Pierre Bouchard, qui a donné son nom au premier album de la formation (et qui y jouait la batterie sur l’enregistrement que quelques pièces) est toujours présente sur la pochette de l’album.

Retour sur le paysage musical

À la sortie d’Agnus Dei, Fred Fortin s’était confié à La Presse sur sa vision du paysage musical québécois de l’époque. « Il y a un format français au Québec en ce moment, tout le monde se dirige dans la même direction: le folk ou l’électro-pop », avait-il dit, critique.

J’ai relu cette citation au musicien, question de savoir comment ces opinions se transposent aujourd’hui. Ça fait du bien de l’entendre parler de musique d’ici avec optimisme: il y a « quand même pas mal plus de variété aujourd’hui », selon lui.

« Le talent des jeunes est vraiment incroyable, plus peut-être que ce qu’on voyait pendant un bout de temps. Il y a des artistes qui suivent plus leur instinct […] et le talent est là, il y a une belle diversité qui pousse », affirme-t-il. Le présent et le futur musical sont excitants, selon Fred Fortin.

Pax et Bonum, troisième album de Gros Mené, est disponible dès maintenant, produit sous l’étiquette Lazy at Work. La formation menée par Fred Fortin et son acolyte Olivier Langevin présentera ce projet sur quelques scènes cet été. Leur présence a déjà été annoncée dans quelques festivals déjà, dont à La Noce à Chicoutimi ainsi qu’aux Francos de Montréal.

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