crédit photo: Jérôme Daviau
FYEAR

FYEAR à la Sala Rossa | Un coup de maître et un gros bonheur jazz

Projet ambitieux du saxophoniste montréalais Jason Sharp, FYEAR est un octuor original dont le jazz impressionne par sa qualité d’exécution et par sa puissance évocatrice.

Croisement entre la musique d’un John Zorn en moins dispersé et un Gil Scott-Heron moins politisé, le saxophoniste Jason Sharp nous présente une musique enlevante jouée par les huit membres de la formation. Ils sont installés au pied de la scène et prennent toute la largeur de la salle. Ils transforment la Sala Rossa, déjà pleine à craquer, en un happening unique dont la proximité avec le public amplifie l’expérience et la chaleur d’un répertoire pourtant audacieux.

Le groupe est composé de Jason Sharp (compositions, électronique, saxophone basse), Kaie Kellough (texte, voix), Tawhida Tanya Evanson (voix), Joshua Zubot (violon), Jesse Zubot (violon), Joe Grass (pedal steel), Stefan Schneider (batterie), JahSun (batterie) et Kevin Yuen Kit Lo (typographie et conception visuelle).

Oui vous avez bien lu : deux chanteurs, deux violons, deux batteurs!

J’ajouterais aussi que Jesse Zubot est une légende canadienne présent sur de nombreux albums en tant que musicien ou producteur et que Joe Grass est une autre légende Montréalaise présent à la guitare ou au lapsteel sur de trop nombreux enregistrements pour n’en citer que quelques uns et membre, entre autres, de Patrick Watson, Klaus et Little Animal, le dernier projet de Morgan Moore dont j’ai bien hâte d’écouter l’album à sortir prochainement.

Avec des compositions exigeantes dont les voix et les textes sont les piliers, les musiciens nous amènent à nous interroger sur notre monde, tout cela ponctué par les projections percutantes et toujours pertinentes de Kevin Yuen Kit Lo. Moi qui commence à en avoir vraiment plein mon casse des projections de plus en plus systématiques dans trop de shows et plus ou moins opportunes, je dois admettre que ce soir, elles ont été d’une justesse rarement vues. Tantôt simples, comme l’exposition de phrase du texte chanté, tantôt des projections type diapos coloré à la fujichrome, elles nous emmenaient une coche au-dessus dans notre expérience de ce concert.

Les performances vocales ont été spectaculaires avec des enchevêtrements de voix et de textes, voir le partage des syllabes dans des phrases. Intense, spectaculaire et réussie. Le flow de Kaie Kellough ferait rougir d’envie un Machine Gun Kelly. Et que dire de la présence lumineuse de Tawhida Tanya Evanson à l’autre voix. C’est définitivement un tour de force vocale auquel on a assisté ce soir.

« Everyone matter »

Également à noter, la complémentarité des batteurs qui s’échangent les parties et se répondent avec virtuosité sur des compositions complexes. Les deux violonistes, face à face, s’envoient des coups d’archet et s’échangent les solos. Plus effacé ce soir, Joe Grass avec son lapsteel tapisse les morceaux de nappes sur lesquels s’épanchent les autres instrumentistes. À l’énorme saxophone basse et au clavier, Jason Sharp dirige l’ensemble de main de maître avec ces compositions complexes et impose le respect et m’aura apporté un immense plaisir.

Bon, puisqu’il faut bien se plaindre un peu, avions-nous vraiment besoin d’une sonorisation aussi puissante, de nombreuses personnes se bouchaient les oreilles alors que retentissaient les coups de grosses caisses à la fois si proches de nous et copieusement sonorisées de surcroît.

Malgré, je le répète à nouveau, un répertoire exigeant et complexe, la soirée a complètement rempli son contrat et aura été un franc succès, J’aurait tendance à croire que ce genre de jazz ardu d’approche n’intéresse qu’un public averti, et bien, il était bien là ce soir et fortement divertit, avec un chaleureuse ovation finale bien méritée. Ce soir aura été vraisemblablement un des mes meilleurs concerts jazz de ces dernières années. On ne remerciera donc pas assez le festival Suoni Per Il Popolo de nous avoir permis de vivre cette immense expérience à soir.

Je ne quitterais pas la salle sans m’interroger sur ce qui fait qu’une telle production de Jason Sharp, aussi ambitieuse et réussie, tout comme celle du Jean-Nicolas Trottier 10tet lors de l’Off Jazz 2021, ne bénéficient pas de l’appui et de l’exposition de la grosse machine locale qu’est le Festival International de Jazz de Montréal. Je dis ça, je dis rien, mais au lieu de nous asséner Pink Martini à la Salle Wilfrid-Pelletier pour la 25e année consécutive…

La soirée avec le festival Suoni Per Il Popolo n’est pas terminée pour autant. On traverse le boulevard Saint-Laurent pour aller écouter…

 

JOYFULTALK à la Casa Del Popolo : Un trio qui nous ramènent dans les errances jazz expérimentales des années 80

JOYFULTALK est le projet du guitariste néo-écossais, Jay Crocker, complété ce soir par un batteur et un clavier. À la Casa Del Popolo, le public est clairsemé et la climatisation bien trop présente. On se rapproche d’une ambiance frigo de boucherie…

Je ne m’enfargerais pas dans les fleurs du tapis, avec ce groupe, j’ai eu l’impression de revenir dans les années 80, pas de quoi réchauffer l’atmosphère. Ces sons de guitares type synthés des 80’s me rappellent le SynthAxe d’Allan Holdsworth ou la Roland GR-300 de Pat Metheny, ce qui est bien éloigné de ce que j’apprécie le plus dans la guitare. De plus, on n’échappera pas aux clichés du genre avec des solos de guitare étirés, répétitifs et déconstruits voir bruitistes. Le peu de latitude laissé aux deux autres musiciens n’aidera pas à attirer davantage mon attention. Il y aura bien deux ou trois morceaux plus mélodiques mais là, je ne sais pas si c’est moi qui décidément ne rentre pas dans leur musique, mais j’ai l’impression d’écouter du Santana des années 80 avec ses mélodies acidulées qui tirent au cœur…

Non, JOYFULTALK n’est décidément pas ma tasse de thé.

Et c’est quoi cette nouvelle tendance que l’on retrouve chez de nombreux musiciens de jouer en pied de bas?

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