6 & 9

FTA 2018 – Tao Dance Theater de Beijing | Sages et pudiques les Chinois

Figure de proue de la danse contemporaine en Chine, le jeune chorégraphe Tao Ye vient présenter son diptyque « 6 & 9 » au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts dans le cadre du FTA. Il n’aime pas les titres narratifs, et c’est pourquoi il a entrepris depuis 2009 une suite numérique qui correspond au nombre de danseurs sur scène sous la forme répétitive caractéristique qui a fait sa renommée dans le monde.

La première partie de la soirée, 6, s’opère avec une très longue ouverture dans le noir presque total. Seule la musique est concrète dans un environnement dépouillé se prêtant à la pratique du clair-obscur comme en peinture les maîtres anciens.

Apparaît enfin une fine lueur sur les six danseurs alignés en diagonale. Un filet de lumière se reflète seulement sur les visages, les mains et les pieds nus des danseurs, leur corps entier étant recouvert d’une sorte de lourde tunique sombre.

Selon la volonté du chorégraphe, on distingue à peine le genre des exécutants, car ils sont tous pareils. Il n’y a pas de différence entre les sexes, comme le veulent les enseignements de la religion taoïste chinoise que met en pratique Tao Ye dans sa chorégraphie.

Les six danseurs bougent dans un synchronisme parfait de tout leur corps, mais en restant les pieds bien ancrés sur le plancher de la scène. Il faut voir le caractère répétitif de leurs mouvements comme le « symbole d’une circulation éternelle », selon Tao Ye qui semble accorder plus de sens à l’esprit qu’au matériel que représentent les corps des danseurs en action.

* Photo par Fan Xi.

L’élément fort de 6 vient de l’accompagnement de la musique, tourmentée, hypnotique, voire obsessionnelle. Car on ne trouvera pas ici de performances athlétiques, d’acrobaties fulgurantes, de dépassement de soi et des limites du corps qui donneraient à voir des danseurs en sueurs. Nous sommes plutôt devant un minimalisme voulu de première main. Le résultat finit par être beau, mais reste inoffensif et sans émotions.

Après un entracte durant aussi longtemps que la première partie du spectacle, on découvre un univers radicalement différent avec 9. Sur un immense plateau blanc et bien éclairé, les neuf danseurs se meuvent de façon erratique en apparence seulement. La technique utilisée est celle de la contorsion maîtrisée, mais sans dépassement là non plus.

Les danseurs sont tous habillés pareil, dans la plus grande pudeur, avec un pantalon foncé tellement ample qu’on dirait une jupe longue, et le haut du costume en gris. Ils sont neuf, mais en même temps ils sont seuls, chacun répondant à une déferlante de mouvements exécutée en solo, tout en étant semblable aux autres. En aucun moment les danseurs ne se toucheront. Il n’y aura aucun contact physique entre eux.

Soumis à un mantra chanté répétitif, avec parfois des sons gutturaux ou encore une envolée apaisante de chants monastiques, les danseurs pieds nus évoluent en un style libre qui fait penser à des exercices de réchauffement, à un chaos extrêmement bien organisé.

L’esthétisme des mouvements et l’écriture chorégraphique minimaliste contraignent encore là à la répétition, plutôt que d’être un aboutissement souhaité vers l’ouverture et la liberté. Il n’y a ici rien qui étonne, qui innove, qui émeut, qui dérange ou qui séduit.

La compagnie TAO Dance Theater, fondée en 2008, en est à sa deuxième présence à Montréal, pour être venue offrir en 2012 un autre programme double dans le cadre de Danse Danse à la Place des Arts où elle avait fait salle comble. Mais l’actuelle visite rare des Chinois n’a peut-être pas toute l’ampleur à laquelle on s’attendrait pour l’ouverture d’une célébration des arts vivants aussi peu minimaliste et pudique que le Festival TransAmériques.

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