Francouvertes 2024 – Soir 5 | Sandra Contour, Sakay Ottawa et Patrick Bourdon : Les multiples variations de la guitare

Troisième et dernière semaine de la ronde préliminaire des Francouvertes 2024 : on ouvre le bal de ce lundi avec trois projets folk, soit Sandra Contour, Sakay Ottawa et Patrick Bourdon. Les artistes, misant généralement plus sur les textes que sur la musique, se sont démarqués chacun à leur manière en revisitant en chanson des thèmes chers à leurs yeux. Sandra Contour et Patrick Bourdon sont parvenus à aller gratter une place dans le palmarès.

L’hiver est officiellement derrière nous, bien que le printemps ne s’est pas encore installé complètement. Après quelques yo-yos climatiques ces dernières semaines, peut-être que ce sera la bonne cette fois-ci.

Sandra Contour 🎵 🎵 🎵

Sandra Contour se paye une visite chez le psychologue. C’est de cette manière que l’auteure-compositrice-interprète originaire d’Alma décide de percevoir son passage aux Francouvertes. Le public sait tout d’elle, elle ne sait rien de lui. Il faudra bien inverser les rôles un jour.

Sandra Contour, qui est d’ailleurs fraîchement lauréate du concours Ma Première Place des Arts, débute sa performance avec La maison est d’travers, en duo avec un contrebassiste. Les suites d’accords sont belles et surprennent souvent, un apport considérable vu que le folk ne mise pas seulement sur la musicalité. La musique de Contour est avant tout folk, mais tricote également dans le country, le manouche et même la chanson française. On jurerait entendre un Brassens ayant passé quelques années au Québec sur La folle aux chats de Baie-St-Pouel (le jeu de mots est mignon, et fera réagir le public quand il l’entendra), que ce soit à travers le texte, le débit ou la façon de jouer la guitare.

Sandra Contour aime utiliser le terme « pleurire », et ça se comprend : les paroles de ses morceaux sont à la fois dramatiques et drôles, mais surtout introspectives. Contour ne marque pas par l’excentricité et la fougue d’un Loïc Lafrance. Au contraire, son côté introverti, presque renfermé, convainc par une proposition simple, mais terriblement humaine. L’artiste termine avec un rap intentionnellement gênant, où elle assume son ridicule à la manière d’un sketch des Appendices.

Sans nécessairement atteindre le podium, Sandra Contour aurait mérité une meilleure place au palmarès, aux alentours de la cinquième position.

La meilleure performance de la soirée, d’un avis personnel.

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

Sakay Ottawa 🎵 🎵

Si tous partageaient la même pureté d’âme que Sakay Ottawa, les guerres n’existeraient simplement pas. Sakay (prononcé « Sagui ») Ottawa, artiste Atikamekw, débute sa performance avec la chanson Anotc e mikwian.

Le musicien, qui chante en atikamekw, est entouré sur scène de son groupe, mais aussi d’objets rappelant les cultures des Premières Nations comme un capteur de rêves, un tambour ou une réplique miniature de kayak.

Le projet d’Ottawa s’inspire de la nature, du respect envers les aînés et de ses proches : la chanson E mikwerimakik est dédiée à son jeune frère soudainement disparu en 2010, alors que Nikosak s’adresse à ses garçons. Inutile pour Sakay Ottawa de préciser qu’il était père. Le public l’aurait deviné quoi qu’il arrive, la bienveillance qu’il rayonne est trop forte. Chaque intervention de Sakay Ottawa donne le sourire.

La portion musicale de ses chansons ne surprend toutefois pas assez, on semble déjà avoir entendu ces airs ailleurs plusieurs fois. Sans la géniale théâtralité d’une Soleil Launière, c’est plus compliqué de séduire le Lion d’Or quand il ne saisit pas toute la profondeur des textes d’Ottawa sur le moment.

Les paroles des chansons traduites de l’atikamekw au français sont accessibles à partir d’un QR code disposé sur la feuille de vote, mais peu de gens semblent en profiter durant la performance.

Il sera intéressant de voir comment Les Francouvertes décideront d’améliorer l’accessibilité à la musique autochtone pour un public majoritairement francophone.

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

Patrick Bourdon 🎵 🎵 🎵

La soirée va en crescendo. Contour débute lentement, Ottawa augmente les décibels, tandis que Patrick Bourdon décide simplement d’exploser le plafond.

« Salut, tabarnak », hurle Patrick Bourdon quelques secondes après avoir entamé Claudie avec le reste de son groupe, suggérant également que le public va « tripper » comme « des ostis de chiens ».

Alors non, Patrick Bourdon ne vient pas chercher le public comme les deux artistes précédents, il n’est pas réellement touchant. Mais il est diablement divertissant et énergique. L’artiste est souriant, et donnerait envie à quiconque de boire une pinte et de discuter de tout et de rien avec lui. L’artiste a d’ailleurs l’air un peu « chaud » pendant sa performance, il feel le moment, disons.

L’artiste joue notamment des pièces de son album Temps partiel comme Stanley Park, C’est vrai ou 116. Les chansons sont assez répétitives, mais l’attitude de Bourdon est imprévisible et vient apporter cette superbe touche de folie. Sur Adroitement Gauche, sa chanson la plus engagée d’après lui, Bourdon abandonne sa guitare et s’improvise chanteur de charme. Mais à la manière Patrick Bourdon : cynique et sans prise de tête. Il suffit de regarder la capsule de la série Les 21 ou certaines réponses données par l’artiste à Sors-tu? pour réellement saisir le personnage.

Pendant les dernières secondes de Brune, Patrick Bourdon quitte la scène, des verres à la main, et vient faire des high fives à des membres du public et du jury.

Un bon vivant, comme il en faut plus dans ce monde pour faire sourire son prochain.

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

Pour débuter la soirée, l’artiste Samuele, qui a participé à la 19e édition des Francouvertes, a d’abord foulé la scène du Lion d’Or. Iel chante La fête, «Non» est une phrase complète et une chanson inédite. Les chansons sont belles et les arrangements à la guitare sont intéressants, bien que l’on a l’impression que l’artiste décide de reléguer sa musique au second plan durant sa performance. Samuele passe presque la moitié du temps alloué à énoncer un discours abordant la réalité trans, les défis d’acceptation de sa famille à la suite de sa transition ou l’extrême droite.

Si les opinions énoncées par Samuele valent le coup d’être défendues, comme toutes les opinions de ce monde, le passage de l’artiste ne semble pas totalement s’accorder avec le mandat de la série J’aime mes ex, cherchant simplement à réchauffer le public. Pendant un concert personnel c’est une autre histoire, mais un concours visant à mettre la lumière sur la relève musicale québécoise n’est peut-être pas l’endroit pour s’adonner à un si long discours engagé, surtout en première partie de l’événement.

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

Verdict

Suivant sa performance, Sandra Contour est parvenue à aller chercher in extremis une place dans le palmarès, se logeant à la neuvième position. Sakay Ottawa n’a quant à lui pas accédé au top 9. Patrick Bourdon a une réelle chance d’accéder aux demi-finales après une prestation qui lui a valu la cinquième place du palmarès. Nous connaissons désormais nos trois premiers qualifiés pour la prochaine étape du concours.

Classement après le Soir 5

1. Soleil Launière (qualifiée pour les demi-finales)
2. PRINCESSES (qualifiées pour les demi-finales)
3. Loïc Lafrance (qualifié pour les demi-finales)
4. Karolan Boily
5. Patrick Bourdon
6. Nectar Palace
7. Corail
8. Paruline
9. Sandra Contour

Éliminés : Collation, Folaube, Maud Evelyne, Sakay Ottawa et Vincent Khouni

Grille de chansons (Sandra Contour)

1. La maison est d’travers
2. Onégile
3. Bienheureux sont les ignorants
4. Tu peux garder l’divan
5. La folle aux chats de Baie-St-Pouel
6. J’ai pas d’visite

Grille de chansons (Sakay Ottawa)

1. Anotc e mikwian
2. Nikosak
3. Viens me rejoindre
4. E mikwerimakik
5. Mamo mickatan
6. Mikwetc

Grille de chansons (Patrick Bourdon)

1. Claudie
2. Stanley Park
3. C’est vrai
4. 116
5. Adroitement Gauche
6. Brune