crédit photo: Pascal Leduc
Robert Charlebois

Francos de Montréal 2023 | Une finale folle Brach, toute en CharleboisScope

Après avoir privé Les Louanges de quelques milliers de spectateurs en raison de ses humeurs orageuses, Dame nature a continué à faire la vie dure aux Francos jusqu’au bout du dernier week-end. Mais on n’est pas faits en chocolat, et les absents qui ont craint la pluie auront manqué un Charlebois en grande forme et un Philippe Brach de retour en selle pour la conclusion de cette édition fort réussie.

À 78 ans, le grand Robert Charlebois n’a plus besoin de présentation.

Son spectacle Robert en CharleboisScope roule aux quatre coins du Québec depuis quelques années déjà, récoltant les éloges, et même un Félix du Spectacle de l’année au passage, en 2020. Et pour cause. C’est à la fois une rétrospective d’une oeuvre monumentale, mais aussi un puissant plaidoyer pour l’immortalité de l’artiste et sa pertinence renouvelée.

« Bonsoir, public de folie(s)! Êtes-vous en vie? », demande-t-il aux milliers de spectateurs ayant bravé la flotte pour le voir à l’oeuvre.  Ça refoulait assez loin sur la Place des Festivals. Rien de comparable aux foules de Fouki, Loud ou Lisa Leblanc, mais météo oblige, il fallait se contenter de moins. On peut deviner que la zone du quartier des spectacles aurait été littéralement envahie, n’eût été des conditions difficiles.

Qu’à cela ne tienne, rien ne freine Robert Charlebois. Toujours en voix et en forme, il enchaîne les succès fédérateurs et les compositions marquantes dans l’histoire du Québec à un rythme à faire rougir les jeunes premiers. DolorèsLes ailes d’un ange, Ent’ deux joins, Tout écartillé : tout ce matériel vieillit comme le bon vin!

Il faut dire qu’en termes de production, le spectacle est traité comme une création moderne. La mise en scène, les éclairages et la magnifique production visuelle contribuent à dépoussiérer un univers qui n’a pourtant pas vraiment cumulé la moindre couche de poussière. Les images d’archives, les éléments graphiques créés pour la tournée et les animations s’épousent parfaitement pour créer un contexte visuel à l’image de l’artiste, c’est-à-dire riche en bagage, mais toujours bien vivant.

Mais ce qui prime, c’est l’interprétation des chansons marquantes avec le mordant qu’on lui connaît. Et alors qu’on s’amuse déjà ferme avec Charlebois et sa dizaine de musiciens, voilà que surgit la complice Louise Forestier pour California et Lindberg, engendrant un moment de belle folie, y compris des vocalises tripatives à la fin de Lindberg. On souhaite tous vieillir comme ces deux-là!  Elle reviendra d’ailleurs plus tard pour un duo sur La fin du monde. Deux occasions de l’ovationner, ce que le public ne manquera pas de faire.

Sans surprise, le moment le plus intense du spectacle survient lorsqu’il interprète Ordinaire. On ressent alors toute la puissance de son imposant band, qui appuie son interprétation vocale inspirée, en force. Les paroles de ce My Way québécois prennent aussi un nouveau sens avec les années.

Le plaisir reprend assez vite avec son hit un peu plus léger des années 1980, J’t’aime comme un fou, sur laquelle Charlebois — 78 ans, on vous le rappelle! — se permet même de jouer de la batterie, serviette blanche autour du cou, avant de jogger presque tout au long de l’interprétation de la chanson. « Tu m’donnes de l’énergie comme j’en n’ai jamais eu », chante-t-il alors à son public.  Ça se voit!

« Il faut garder espoir que Montréal redevienne un jour la ville la plus immense, la plus colorée, la plus incroyable, et j’y crois! », lance-t-il avant d’interpréter Je reviendrai à Montréal au rappel, un moment évidemment sublime, et de compléter avec la « berceuse en mi majeur»… Te v’là!

Une finale endiablée pour ce qui devait être le show de clôture de ces Francos de Montréal 2023…

 

Le retour de Brach en show surprise

… sauf que les Francos nous réservaient une surprise pour la toute toute toute fin du festival. Jamais annoncé à la programmation, Philippe Brach effectuait son grand retour sur scène à 23h30 sur l’Esplanade de la Place des Arts. Les fans bien renseignés ont répondu présent à l’appel. Il y avait du monde à messe pour ce petit happening.

« Yé presque minuit… Comment ça que vous êtes pas couchés?  Comment ça que vous êtes pas à la F1? », demandait Brach à sa foule, qu’il retrouvait après près de cinq ans d’absence.

Plus tôt ce printemps, il lançait un nouvel album inopiné intitulé Les gens qu’on aime et confirmait des spectacles… à l’automne!  On ne croyait pas pouvoir le revoir si tôt!

Pour l’occasion, pas de fla fla, pas de concept loufoque, juste un excellent show axé sur la musique avec un band de course : le bon vieux complice Gabriel Desjardins aux claviers, Étienne Dupré (Duu, Mon doux saigneur) à la basse, Marie-Anne Tessier (moitié de Moka) à la batterie, et deux excellents guitaristes en Guillaume Bourque et Simon Trottier (Timber Timbre).

Ça sonne en ta, et on sera vite séduits autant par les nouvelles chansons (Les gens qu’on aime, Last Call, Soleils d’automne) que par ses classiques (Alice, Crystel, Nés pour être sauvages, Héroïne, Mes mains blanches, La fin du monde).

Vêtu d’abord d’une chienne orangée, puis d’un costume de Ronald McDonald, on a retrouvé avec grande joie le côté éclaté et sympathique de Brach, mais aussi son côté baveux lorsqu’il invitait la foule à « faire du bruit, on veut des plaintes » en déplorant à maintes reprises la présence d’immenses tours à condos qui se construisent à même le quartier des spectacles.

« On se revoit le 18 novembre au Métropolis! » lancera-t-il après avoir conclu sur Bonne journée. Bonne idée, c’est un rendez-vous!  Plusieurs autres dates sont prévues partout au Québec, dès la fin septembre, et jusqu’à l’été 2024.

 

Hauterive à la pluie, Les Hôtesses d’Hilaire à l’abri

Plus tôt en soirée, on a assisté au tout premier spectacle de Hauterive, projet conjoint de Mara Tremblay et Catherine Durand. Ensemble, elles exploitent un filon un peu plus country-folk, qui a d’ailleurs donné lieu à un très joli album paru en mai dernier.

Leurs chansons créées ensemble comme Le temps d’avance, Dolly ou Mille feux ont séduit le public, quelque peu clairsemé en raison de la météo, mais tout de même réceptif.

Catherine Durand et Mara Tremblay ont évidemment tout avantage à intégrer quelques chansons de leur répertoire respectif, comme Les Aurores de Mara (durant laquelle elle nous a invités à faire valser les parapluies) et Le temps presse de Catherine.

Les deux complices se sont permis une petite incartade anglophone avec leur reprise de la chanson Woman In Love de Barbra Streisand, un petit impair facilement pardonné notamment grâce à la traduction française de One Last Look, magnifique chanson de Tom Waits, écrite (et uniquement interprétée) pour souligner le départ de David Letterman lors de sa dernière présence à la barre du Late Show. Paraît que Tom Waits lui-même aurait approuvé cette relecture traduite.

Les deux artistes étaient accompagnées du batteur Pierre Fortin (des Dales Hawerchuk, Galaxie, Les Cowboys Fringants), de la bassiste Marie-Anne Arsenault, et de Daniel Lacoste qui alternait au dobro, lapsteel et guitare. Ce dernier était d’ailleurs de retour sur scène plus tard, en tant que guitariste et chef d’orchestre (!) de Charlebois.

À 19h, à l’abri dans l’antre du Studio TD, un doublé de rock acadien nous attendait. La troupe pop-punk néo-écossaise Peanut Butter Sunday lançait le bal avec une performance encore une fois sympathique et énergique, qui nous rappelle notre adolescence… une époque qu’elle n’a pas connue, mais revisite avec grande joie, visiblement.

Cette fois vêtus en combos chemise-cravate, les quatre comparses ont joué leurs chansons Howard (dédiée au père apparemment hot du bassiste Jacques Blinn, une belle touche à la veille de la fête des Pères), C’est la vie, Les chums, leur tonitruante reprise punk de Depuis que la neige a fondu de P’tit Belliveau, et leur grosse toune, Soleil. Le public des Hôtesses a semblé apprécié. Avec raison.

Puis les Hôtesses d’Hilaire a fait ce qu’il fait de mieux : semer le party avec ses chansons rock’n’roll-prog-psyché aux textes sarcastiques, comme Washed Up Rock BandPost ta shit (et sa colère contre les réseaux sociaux), Safe to Say, et même This is My Pencil, chanson écrite pour un crayon à plomb. Ça justifiait la présence d’un taille-crayon au devant de la scène, que Serge Brideau a vigoureusement utilisé durant un moment instrumental.

Le toujours charismatique Serge Brideau s’est montré une fois de plus convaincant comme frontman, drôle, baveux, engagé. Fidèles à ses habitudes, ça ne manquait pas d’autodérision ni de grands jams enivrants, comme sur MDMA juste avant qu’on quitte pour Charlebois.

 

Retour en images

Robert Charlebois

Philippe Brach

Hauterive

Peanut Butter Sunday

Les Hôtesses d’Hilaire

 

Grille de chansons (Charlebois)

  1. Le manque de confiance en soi
  2. Dolorès
  3. Les ailes d’un ange
  4. Ent’deux joints
  5. Musique de chambre
  6. Tout écartillé
  7. Mon pays
  8. Fu Man Chu
  9. California (avec Louise Forestier)
  10. Lindberg (avec Louise Forestier)
  11. Ordinaire
  12. J’t’aime comme un fou
  13. La fin du monde (avec Louise Forestier)

    Rappel

  14. Je reviendrai à Montréal
  15. Te v’là

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