Five Kings – L’histoire de notre chute | Entrevue avec Patrice Dubois

L’Espace GO (Montréal) et le Centre National des Arts (Ottawa) se préparent à accueillir une œuvre d’envergure : Five Kings – L’histoire de notre chute, inspiré d’un projet d’Orson Welles. Pendant 5 heures, le public sera convié à assister au cycle des rois de Shakespeare que l’auteur Olivier Kemeid a réuni dans un spectacle-fleuve et mis en scène par Frédéric Dubois. Nous avons rencontré Patrice Dubois, directeur artistique du théâtre PÀP et instigateur du projet. Voici le récit d’un long voyage.

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Patrice Dubois n’en est pas à sa première expérience avec Orson Welles. Au début des années 2000, lui et son comparse Martin Labrecque, avaient présenté Everybody’s Welles pour tous, un docu-théâtre sur le célèbre créateur de Citizen Kane, qu’il avait mis en scène et interprété.

Il avoue être attiré par le rapport au maître et à l’importance de la tradition présente chez Welles. D’un point de vue plus personnel, il voit en lui un modèle, tous deux étant des hommes multitâches aux divers talents.

 

Une aventure qui durerait 5 ans

Five Kings – L’histoire de notre chute a commencé à prendre forme lorsque Dubois et Labrecque préparaient un spectacle sur la vie et l’oeuvre d’Orson Welles ils sont tombés sur un livre contenant trois pièces de Shakespeare retravaillées par Welles, dont une ébauche de Five Kings. Ils ont tout de suite eu envie d’explorer un peu plus et de creuser ce texte. Ils avaient un nouveau défi : réaliser ce projet et, surtout, le finir.

Puis en 2010, Patrice Dubois approche Frédéric Dubois pour la mise en scène, ce dernier ayant déjà une bonne expérience avec le travail de longue haleine et les pièces épiques après avoir mis en scène Vie et mort du roi boiteux de Jean-Pierre Ronfard.

Pour le texte, son choix s’est porté sur Olivier Kemeid (qui s’est fait remarquer dernièrement pour sa pièce Moi, dans les ruines rouges du siècle). L’auteur l’a charmé par sa capacité d’adapter une œuvre, de se l’approprier pour en faire une nouvelle œuvre.

Ils avaient tous en commun une même envie : se mesurer à cette œuvre et surtout en faire partie. Voilà le noyau d’artistes qui allait réfléchir, le projet était créé. Ils s’embarquaient dans une aventure qui durerait cinq ans.

Une fois ce groupe de créateurs rassemblé, comment aborde-t-on un tel projet si colossal? C’est avec passion et entrain que Patrice Dubois nous raconte la création de ce spectacle qu’il porte depuis tant d’années. Le travail qu’il a fallu découper pièce par pièce, thème par thème; les ateliers de créations qui les ont menés jusqu’en France pour une résidence. À chaque étape, réunir une nouvelle équipe de comédiens de différentes provenances pour explorer d’autres voix, d’autres apports culturels. Pour chaque étape, aller chercher les meilleurs outils pour pouvoir travailler la matière.

Tout au long du travail de création, l’auteur Olivier Kemeid a lui aussi une tâche imposante à accomplir : assembler 8 pièces de théâtre (Henri IV partie 1 et 2, Henri V, la trilogie d’Henri VI, Richard II, Richard III) qui n’ont pas été créées pour être jouées ensemble ni écrites dans un ordre chronologique. Pour y arriver, Kemeid a dû reconstituer l’arbre généalogique de ces rois. Ce travail de filiation devenait la base de son écriture, le spectateur se trouve maintenant à suivre des générations qui appartiennent à une même famille, qui ont un héritage, qui se battent pour cet héritage.

Une nouvelle transposition

Pourquoi avoir choisi de transposer ces rois dans une époque moderne? C’est pendant le travail d’écriture et de création que leur est apparu de façon très limpide cette idée : la pièce devait parler de nous, de notre propre génération, de nos propres parents et enfants. Puis c’est tout naturellement que chacun des rois s’est imposé à une décennie. Richard II amorcera la pièce dans les années 60, puis suivront Henri IV, Henri V, et Henri VI pour se conclure avec Richard III en 2015.

Five Kings sur scène, ça rassemble à quoi? À ce moment Patrice Dubois se fait philosophe, on le sent même être touché en pensant à ce qu’est ce projet. Pour lui, Five Kings, ça ressemble à la fois à un magnifique portrait de nos 50 dernières années, ça ressemble aussi à toutes nos volontés de pouvoir, nos incapacités, nos capacités d’agir. Bref ça ressemble à un grand rendez-vous humain où l’on passe 5 heures ensemble. Fait intéressant, plus la pièce avance et plus on s’approche de 2015, le show fini même à l’heure précise de la représentation.

Pour ceux qui s’inquiètent de la durée du spectacle, c’est avec un grand éclat de rire que le comédien vous répond : « C’est même pas long, c’est comme aller à Kamouraska, la route est belle! »

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* Five Kings sera présenté du 20 octobre au 8 novembre 2015 à l’Espace Go, à Montréal, ainsi que du 19 au 22 novembre 2015 au Centre National des Arts, à Ottawa.