Festival Suoni Per Il Popolo 2023 | Une longue pièce radiophonique de William Parker

La soirée s’annonçait intéressante avec la présence du contrebassiste William Parker à la riche carrière. Mais nous avons eu droit à une représentation très statique avec la musique en arrière-plan pour accompagner le texte des acteurs. ⛈🛰⛈ (prononcé Weather Satellite) a su cependant tirer son épingle du jeu en ouverture avec une performance de pur free jazz, particulièrement riche et inspirée.

 

Music and the Shadow People, une pièce radiophonique de William Parker

William Parker est un contrebassiste de légende qui a enregistré sur plus de 150 albums et a joué avec Cecil Taylor, Peter Brötzmann, Roscoe Mitchell et Hamid Drake (que l’on retrouvera pour la clôture du festival le dimanche 25 juin à la Sala Rossa)

Ce soir, dans la belle église Saint-Denis à moitié remplie, Parker nous propose sa pièce radiophonique Music and the Shadow People, créée en 1995 sur une radio autrichienne. Accompagnée de trois musiciennes et cinq acteurs et actrices, la pièce n’a pas été adaptée pour la scène et la représentation est particulièrement statique, chacun livrant sa partie devant son micro sans mouvement ni aucune mise en scène.

Heureusement, il y a au moins un attrait visuel sur scène : un gros ballon gonflable fait office d’écran et reçoit les images concoctées en direct par Gary Kirkham. À l’aide d’une caméra macroscopique, il filme la surface de différents objets et les résultats sont étonnants : c’est comme si l’on regardait des images de planètes, comme la Terre, la Lune ou Jupiter. Les mouvements d’éclairage introduisent une impression de mouvement qui ajoute au côté onirique des images. Assurément, la belle réussite de l’ensemble.

Le spectacle est particulièrement bavard, avec l’histoire d’un monde autocratique où certains personnages tentent de lutter et d’ouvrir de nouveaux horizons. Après, entre autres, The Wall de Pink Floyd ou le Joe’s Garage de Frank Zappa, mettons que l’on n’est pas particulièrement impressionné par la fraîcheur de la proposition. D’autant que l’utilisation du mégaphone n’est pas sans évoquer le Central Scrutinizer de Zappa, le côté cynique en moins.

La musique est principalement là pour accompagner les textes et on regrette de ne pas profiter pleinement de la richesse de l’orchestration, composée d’instruments originaux comme les tablas, les flûtes fujara et Shakuhachi.

Autre point de mécontentement, j’étais impatient de profiter de la spatialisation générée par les huit haut-parleurs disposés en cercle autour de l’auditoire. Peut-être étais-je trop proche d’un haut-parleur, mais je n’ai pas ressenti d’effets particuliers qui aient exploité pleinement les capacités du dispositif, à part pour quelques rares sons enregistrés d’avance.

Nous étions plusieurs à attendre un spectacle musical plutôt qu’une longue représentation d’une pièce radiophonique livrée sans artifice, outre les projections sur ballon. Et c’est plutôt déçus que nous sommes sortis de l’église avec un goût d’inachevé.

 

Formation :

  • William Parker : Contrebasse, Fujara, Shakuhachi, Guembri
  • Bea Labikova : Saxophone, Fujara, Vibraphone
  • Kayla Milmine : Saxophone
  • Anita Katakkar : Tablas, Percussions
  • Rosina Kazi :Narratrice
  • Gord Bolan, Trent Pardy : acteurs
  • Julie Richard, Deanna Radford : actrices
  • Gary Kirkham : Projections vidéo en direct
  • Andrew O’connor : Mixage sonore multicanal en direct

 

Belle session de free jazz avec ⛈🛰⛈ (Weather Satellite)

Pour ouvrir la soirée, c’est le projet du saxophoniste montréalais James Goddard, ⛈🛰⛈ (Weather Satellite) qui offre du free jazz avec des collaborateurs différents à chaque performance. James Goddard, que l’on a vu quelques jours plus tôt avec le groupe Ky, est accompagné ce soir des saxophonistes Fred Bazil de Montréal et Nick Dourado (BuDi) de Toronto.

Le premier titre commence avec une voix harmonisée électroniquement qui sert de nappe aux improvisations du trio. Dans la pure tradition free jazz, les moments d’intensité succèdent aux parties calmes et les improvisations sont riches, construites et intéressantes.

Nick Dourado est particulièrement intense et investi, on le retrouve même à genoux dans l’allée centrale. De son côté, Fred Bazil est stoïque, quasiment immobile tandis que James Goddard est plus déchaîné, jouant d’effets et d’un orgue à pouce qui sert de trame rythmique à la deuxième pièce.

Le trio a la bonne idée de profiter du grand espace disponible dans l’église et en profite pour se promener chacun de son bord et nous offrir une belle spatialisation naturelle avec une mise en scène agréable qui nous mène au-delà de la scène étriquée.

Avec des improvisations originales et une belle cohésion d’ensemble, le free jazz de la formation est de qualité, inventif et intéressant. Une réussite dans le genre.

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