crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin
Brad Mehldau

Festival de Jazz de Montréal 2023 | Brad Mehldau confirme son statut de légende vivante

Après quatre ans sans passer par Montréal, Brad Mehldau revient en trio pour nous livrer un de ses concerts dont il a le secret. Sa série The Art of the Trio reste une référence du jazz et même après toutes ces années, Brad Mehldau en trio met encore tout le monde d’accord. C’est du jazz de très haute volée auquel on a eu droit lors de ce concert.

À ses débuts, Brad Mehldau était considéré comme le mauvais garçon du jazz. À la fin du siècle dernier, c’était rebelle pour vrai d’avoir les bras couverts de tatouages, surtout dans le jazz. En plus d’un petit caractère vraisemblablement influencé par sa consommation de drogues à l’époque. Ajoutez à cela un talent certain de pianiste et sa série d’albums de référence The Art of the Trio (cinq albums parus de 1996 à 2001). Tout pour faire jaser et construire une légende.

Rendu en 2023, rien de plus normal qu’une série de tatouages. De toute façon, Brad est toujours en manches longues maintenant… Les cheveux ont blanchis et se sont clairsemés. Il est devenu un bon père de famille. Mais derrière son piano, Brad reste un musicien à part et passionnant qui soulève toujours le public du Théâtre Maisonneuve. La légende est toujours bien présente.

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

Les trois musiciens sont resserrés, au centre de la scène, pour une meilleure communication, même si peu de regards sont finalement échangés.

On remarque le kit de batterie plutôt sobre dans sa composition et d’un horrible vert pastel.

La formation en trio est celle privilégiée par Brad Mehldau et on retrouve ce soir à ses côtés le contrebassiste de toujours Larry Grenadier et le batteur Jeff Ballard qui a pris la relève de Jorge Rossy depuis 2006. Une équipe très stable et qui se connaît bien : ça paraît tant la chimie est présente dès le premier titre.

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

L’éclairage de la scène est une splendide composition très travaillée mais qui restera tel quel, immuable et immobile toute la soirée… C’est surprenant mais c’est beau! Peut-être est-ce dû au fait que le concert est filmé par la chaîne musicale Mezzo? C’est vraisemblablement aussi la raison qui fait qu’aucun photographe de presse n’était présent (heureusement, la photographe maison du FIJM y a eu accès).

 

Un style caractéristique

Sur scène, Mehldau est assis face à son piano sur son siège réglé très bas à la Glenn Gould et avec sa posture habituelle, tête penchée sur la droite, corps décentré par rapport aux mains posés sur le clavier, comme s’il était sur le bord de se lever.

Le jeu inventif et personnel de Mehldau restent un énorme plaisir à écouter. L’interaction entre les trois hommes est toujours très grande avec des sourires qui paraissent après un solo plus marquant que les autres ou une rapide citation. C’est toujours agréable et même un peu surprenant de conserver ce niveau plaisir et de jeu alors que certains passent au pilote automatique bien avant ces 30 ans de concerts communs pour le cas du contrebassiste Larry Grenadier.

Et d’ailleurs ce dernier nous livre quelques solos de contrebasse à tomber par terre, toujours avec décontraction et sans avoir l’air d’y paraître, il termine la soirée en feu en se déchaînant dans le registre plus aigu de son volumineux instrument. Jeff Ballard n’est pas en reste, notamment au cours de séries d’échanges alternés entre le piano et la batterie au début et à la toute fin du concert, où les rires et sourires du batteur laisse peu de doute sur sa joie de converser avec Mehldau.

Brad Mehldau est encore au meilleur de sa forme avec toujours une belle inventivité dans son jeu et une relecture à chaque fois renouvelée, comme avec le titre Resignation, souvent joué mais toujours avec un regard nouveau. Et comment ne pas tomber sous le charme du personnage, même lorsqu’il se trompe de partie au cours d’un des derniers titres et lâche un sonore « Sorry! » en direction du public avant de rattraper l’erreur d’une rapide pirouette, le tout sous l’œil rieur de ses accompagnateurs.

Son dernier disque en solo Your Mother Should Know: Brad Mehldau Plays the Beatles sorti cette année est un hommage au Beatles et j’aurais bien aimé entendre une des pièces du groupe dans le répertoire de ce soir, parce qu’on ne se lasse jamais des Beatles. Mais c’est vraiment pour trouver de quoi à redire…

Le temps passe vite avec Mehldau, quelques morceaux plus tard et on est surpris de le voir quitter la scène. Le public ovationne les musiciens dès qu’ils saluent et quittent la scène. On en redemande et le trio en redonne au cours de trois rappels. Le trio revient saluer une quatrième fois et quitte la scène définitivement sous le public du théâtre Maisonneuve toujours debout et qui s’essaie encore un temps, même si les lumières sont rallumées.

Brad Mehldau nous a livré un de ces grands concerts et son statut de légende reste encore bien justifié avec encore plus de maturité dans son jeu. Et le cadre du trio reste encore et toujours son meilleur véhicule, d’autant plus quand c’est avec les complices chevronnés Larry Grenadier et Jeff Ballard.

Vos commentaires