crédit photo: David Wong
Fables

Fables au Théâtre Maisonneuve | Virginie Brunelle et son armée de femmes-fables

Après une première mondiale en Suisse plus tôt cette année, la pièce-choc Fables présentée par Danse Danse s’invite au Théâtre Maisonneuve du 30 novembre au 3 décembre. Virginie Brunelle et sa compagnie éponyme font usage d’un langage physique et cru, fidèles à leurs habitudes, mais foulent aussi de nouveaux terrains, pour un résultat qui marque l’esprit longtemps après la tombée du rideau.

« Le thème du féminisme me faisait un peu peur. Je n’ai pas l’habitude de faire des statements », admet la chorégraphe en discussion post-spectacle avec ses interprètes, son pianiste live et les nombreux membres du public qui restent pour en savoir plus. Recevoir cette confession à la suite de la performance est surprenant. C’est qu’on vient d’assister à une oeuvre résolument progressiste, où la femme est forte et centrale et où les limites entre les genres tendent vers l’effacement.

* Crédit photo: Raphaël Ouellet.

De la restriction à la libération

Comme le détaille la chorégraphe, toujours en discussion avec le public, Fables s’articule autour de trois grands tableaux, assez faciles à discerner sur scène.

La performance s’ouvre sur cette « société malade », les mots que Brunelle utilise pour dépeindre l’énergie tendue et fortement contrastée de sa gestuelle. Déjà, la signature de celle qui a fondé sa compagnie en 2009 est montrée sans filtre. Le rendu est physique, presque violent. Les danseurs et danseuses s’aiment parfois, mais se confrontent et se battent surtout, tantôt en duos, tantôt en trios. Les transitions sont fluides et pour le moins impressionnantes. Nu·es sous des pantalons propres et des vestons grand ouverts, les interprètes incarnent un microcosme emprisonné dans un rythme effréné et compétitif duquel il semble impossible de s’extirper.

Vient ensuite la première preuve claire que l’heure à suivre sera tout sauf ennuyante. Un des membres de cette « société », qui n’endossait alors que le rôle de preneur de son, sa longue perche tendue tout près des interprètes pour amplifier les bruits claquants de leurs gestes, offre un solo déroutant. Comment l’expliquer, sinon de dire qu’il clôt son acte (parce qu’il est ici question de danse-théâtre) seul sous les projecteurs, vêtu d’une robe à paillettes, après avoir passé à travers une crise indescriptible de plusieurs minutes?

Le second tableau donne tout son sens au titre de l’oeuvre. Virginie Brunelle met en scène différentes fables féministes, sans doute pour montrer un désir d’émancipation du cadre précédent. Y passent la femme-monument, la femme-regard, la femme-animal et la femme déchaînée, où cris, rires et gémissements ont leur place de choix. Des solos, tous plus audacieux les uns que les autres, soutiennent ces figures empreintes de sensualité ou de résistance (ou des deux). Les costumes sont flamboyants et d’une grande complexité : une robe large comme la scène, un habit à harnais manipulé par six danseurs… La chorégraphe ne s’est pas donné de simplets objectifs. Pourtant, le résultat est convaincant, précis et percutant.

* Crédit photo: Vanessa Fortin.

La chimie entre les artistes, pointée à plusieurs reprises en discussion post-performance, y joue probablement un rôle. Le processus créatif semble s’être mené conjointement, en laissant à tous et à toutes la chance d’exprimer sa vision. Tout un défi pour un groupe de 12 interprètes, la plus grande équipe qu’a dirigée Virginie Brunelle.

Les paillettes reviennent en force pour le troisième et dernier tableau. Pour la première fois de la représentation, le numéro inclut tout le monde. L’effet d’ensemble est décuplé par les costumes étincelants et non genrés. Les mouvements sont aérés, semblent salvateurs. Les sauts sont légers, les torses levés vers le ciel. Brunelle nous présente sa société idéale, quoiqu’utopique, où la liberté et l’égalité sont reines et ne sont plus les objets de débats.

* Crédit photo: Vanessa Fortin.

Fables s’est construit sur les bases du récit de Monte Verità, colline suisse connue pour avoir hébergé depuis le début du 20e siècle des groupes hippies véganes et féministes. Une influence tout à fait appropriée qui ose proposer des façons parallèles de vivre en société. La danse, ici chargée et libératrice, devient vecteur.

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