Entrevue avec Navet Confit | Rester soi-même pour assurer sa longévité
L’auteur-compositeur-interprète et multi-instrumentiste Jean-Philippe Fréchette, alias Navet Confit, sortira un nouvel album intitulé Désolé mouvement geste le 26 avril 2024. La pièce Il a plu il a neigé en collaboration avec Douance est sortie un peu plus tôt cette année et figurera sur l’album. Le lancement aura lieu le 10 mai au cabaret Lion d’Or dans le cadre des Nuits Fauves, une série de concerts maison axée sur la découverte et la mise en valeur de sons braves et sauvages. Pour l’occasion, Sors-tu? s’est entretenu avec l’artiste pour parler de la sortie de son nouvel opus.
Navet Confit est actif sur la scène musicale depuis 2001, et célèbre le 20e anniversaire du lancement de son premier EP intitulé EP1. Désolé mouvement geste est son 10e album en carrière. Peu de projets artistiques se rendent à ce nombre honorable. En plus, Navet Confit détient cinq EP et participe à divers projets. Par exemple, on peut entendre Navet Confit à la guitare dans le groupe post-punk et noise rock Nüshu.
Malgré sa longue carrière, il reste encore peu connu du grand public et garde un statut considéré comme « émergent ». Il gagne sa vie avec la musique, mais ça reste difficile. Il faut que les artistes aient la chance de jouer à la radio pour avoir des revenus intéressants. « Moi, je n’arrive pas à tourner, car ça coûte extrêmement cher. Je suis producteur de mes spectacles. Si je n’ai pas de subvention, je ne m’en sors pas ». » S’il y a quelque chose qui ne change pas, ce sont bien les salaires, et sa chanson Tu me demandes souvent pourquoi je ne fais pas beaucoup de spectacles parle justement de cette réalité.
Au fil du temps, il a vu l’évolution du milieu de la musique. « Quand j’ai commencé en 2004, il y avait plusieurs médias culturels imprimés qui parlaient de culture et il y a toute cette dématérialisation de la musique qui se passe, comme la disparition de l’objet qu’est le disque, mais aussi le retour du vinyle. C’est intéressant d’observer ces changements. » Il continue en parlant de l’industrie en tant que telle : « À travers tout ça, j’ai quand même l’impression que les principaux acteurs de l’industrie ont pris des mauvaises décisions et que ça continue juste de s’engouffrer. »
Désolé mouvement geste : une réflexion sur l’impermanence
L’écriture de son album s’inscrit dans un processus philosophique et poétique. Navet Confit cherche surtout à avoir du recul. « C’est une crise existentielle, ça a l’air un peu dramatique dit comme ça, mais c’est une réflexion sur la matérialité et l’impermanence dans laquelle on vit. » Même s’il traite de sujets sérieux, ses textes sont infusés d’un humour subtil. « J’ai été inspiré par la vacuité, par le côté très futile de l’existence et sur comment les gens mettent de l’importance sur des choses inutiles », continue-t-il.
L’exposition à différentes formes d’art nourrit sa créativité. Depuis 2011, il a signé les conceptions sonores de plus d’une vingtaine de pièces de théâtre (dont celles du Théâtre du Futur, compagnie qu’il a co-fondée). « Je suis tombé sur plein de contrats de théâtre qui parlaient de la mort, de toutes sortes de façons. C’est sûr qu’à un moment donné, ça finit par m’habiter. »
Après avoir écrit et produit Désolé mouvement geste de A à Z, il va maintenant le jouer avec ses musiciens. L’album aura une nouvelle vie. « Je pense qu’il va bien se transposer à la scène, c’était un des buts de faire ces chansons-là dans ce genre-là, qui est beaucoup plus rythmé et plus shoegaze. C’est toujours aussi méditatif, mais avec plus de bruits. »
Un artiste aux influences hétéroclites
« C’est un peu une fin de trilogie avec mes trois derniers albums qui sont sortis. Il y a eu Engagement, lutte, clan et respect, il y a eu Bonjour après, et là c’est Désolé mouvement geste. Je ne sais pas exactement où je vais m’en aller après musicalement parlant ». Il va le découvrir en explorant : Navet Confit est ouvert à une nouvelle phase de création.
Son nouvel album, en tout cas, est une proposition un peu décalée, mais dans une forme qui l’est moins. « J’ai quand même gardé des structures pop conventionnelles, c’est ce que j’ai mis dedans qui l’est moins. J’essaie de faire entendre aux auditeurs des sonorités qu’on est moins habitués d’entendre. » Son album est d’une certaine façon un amalgame de ses propres influences musicales. « J’écoute beaucoup de musique expérimentale, ambiante, noise rock et ça vient nourrir des sonorités que j’ai envie de produire dans des chansons qui ont des textes, qui ont des formes. Dans tout ce qui est ambiant, au théâtre, je me fais plaisir, car je fais des trames expérimentales. »
Pour expliquer sa longévité, il élabore : « Je ne vois pas ce que je ferais d’autre dans la vie, je fais ce que j’ai envie de faire. Je peux prendre des pauses et y revenir. Mon but serait d’être comme Kim Gordon de Sonic Youth à 70 ans et de faire des albums super trash. »
Collaborations et passation du flambeau de la musique marginale
« J’aime beaucoup travailler tout seul, j’ai joué tous les instruments, j’ai tout mixé moi-même. […] Ce que j’ai préféré dans toutes les sessions a été de recevoir des invités et faire des collaborations. » Justement, pour ajouter du relief à son nouvel album, on peut entendre la voix de Sheenah Ko, qu’il connaît depuis longtemps, et celle de Chloé Jara-Buto, qu’il vient de découvrir et dont l’angle artistique est similaire au sien.
On peut également entendre Douance. Navet Confit sera également en plateau double avec cette dernière au cabaret Lion d’Or, et il n’en est pas à sa première collaboration avec cette artiste qui s’inspire du grunge. « Pour la sortie de son album Monstre, elle m’avait demandé de faire la mise en scène de son show. C’est là qu’on s’est plus rencontrés, et je lui ai demandé de venir chanter sur mon album. Je trouve ça cool de collaborer avec une autre génération d’auteures-compositrices-interprètes. »
La chanson avec Douance est partie d’une idée de relais, ou de leg dans le texte, qui peut parler d’une certaine fatigue, d’une accumulation ressentie par quelqu’un qui fait partie du milieu de la musique indépendante depuis plus de 20 ans. Ça peut parfois devenir difficile. « De voir Douance, qui est plus jeune, qui arrive avec un nouvel album et qui a quand même choisi un chemin difficile, celui d’aller vers une musique plus loud, grunge, indie, pour moi, c’est comme une certaine passation de flambeau. »
Transformation de sa vision de la création par l’autoproduction
Navet Confit s’autoproduit et n’a pas à attendre de subvention ni de trouver du financement pour pouvoir sortir son album. Son approche actuelle est différente de celle de ses débuts. Se produire lui-même a changé sa façon de faire. Son rythme de travail a également changé avec les années : maintenant qu’il produit et mixe la musique d’autres artistes, il doit maintenant réserver du temps pour travailler sur ses propres projets. « Après, une journée de mixage, je n’ai pas nécessairement envie de prendre ma guitare », glisse-t-il.
Le bon côté des choses : il connaît l’envers du décor, et ça a rendu sa création plus efficace. « J’ai maintenant une vision plus précise de ce que je voyais de l’autre côté. Je prends moins de détours. » Il ne fait pas de démo, son premier enregistrement peut être le produit final, car il sait sur quoi se concentrer. Dès le début de l’écriture de l’album, il savait vers quelle direction il voulait aller. « Je savais que je voulais utiliser les guitares électriques et les saturer un peu plus, pour avoir des rythmes un peu plus up tempo », avoue l’artiste.
« J’écris en même temps que j’enregistre la plupart du temps. Je découvre. J’ai des idées en tête que je note, des phrases, des bouts de mélodie, tout ça. Je vais au studio quand j’ai le temps de le faire, puis je sors tout ce que je peux en deux semaines. » L’enregistrement s’étale sur quelques semaines. Navet Confit a une certaine forme d’urgence de créer, mais la réflexion en amont est beaucoup plus longue. Il essaie toutes sortes de choses, et ce n’est pas tout qui se retrouve sur son album.
Navet Confit lancera son album à Montréal le 10 mai au cabaret Lion d’Or. Pour vous procurer des billets pour l’événement, c’est par ici.
Il sera également de passage à Québec le 20 juin au Pantoum. Pour des billets, c’est par ici.
- Artiste(s)
- Chloé Jara-Buto, Douance, Navet Confit, Sheenah Ko
- Ville(s)
- Montréal, Québec
- Salle(s)
- Cabaret Lion d'Or, Pantoum
- Catégorie(s)
- Alternatif, Experimental, Grunge, Noise, Rock, Shoegaze,
Événements à venir
-
jeudi
-
jeudi
Vos commentaires