crédit photo: Niall Lea
Johnny Marr

Entrevue avec Johnny Marr | La revanche du rock à guitares de Manchester

À quelques jours du début de sa tournée nord-américaine — qui s’arrêtera au MTelus le dimanche 13 octobre 2024 — et de la réédition de son premier album solo (avec The Healers) de 2003, Boomslang, l’ex-guitariste de The Smiths, Johnny Marr, nous accordait une vingtaine de minutes de son temps au téléphone. Le hasard a voulu que la discussion ait lieu au début d’une semaine où le rock de Manchester (re)devenait le sujet hot de l’heure…

Difficile de ne pas aborder le sujet avec Marr : les frères Gallagher annonçaient cette semaine la réunion improbable, mais tant attendue de leur mythique groupe Oasis.

Si Oasis représente sans doute le groupe mancunien le plus populaire de tous les temps, l’influence de The Smiths environ une dizaine d’années avant est tout aussi indéniable, sinon plus. Même si le groupe n’a existé que pendant cinq courtes années, les quatre albums qu’ils ont produits ont marqué les esprits et influencé d’innombrables artistes, dont Oasis eux-mêmes.

Qui plus est, Marr a côtoyé les frères Gallagher, travaillant brièvement avec eux sur l’album Heathen Chemistry en 2002, en plus des nombreuses anecdotes qui les lient depuis des années (dont celle-ci, savoureuse, voulant que le don d’une guitare à Noel Gallagher aurait poussé Marr à interrompre sa consommation d’alcool!).

« J’ai très bien connu Liam et Noel. Et en tant qu’ami, sur le plan humain, je ne peux que me réjouir d’apprendre qu’ils ont renoué », exprime Marr au bout du fil, avant d’admettre qu’il n’était pas du tout surpris d’apprendre la nouvelle. « Je n’ai jamais douté une seconde qu’ils allaient revenir ensemble un jour. Deux frères qui peuvent jouer devant des millions de personnes… Il y a toujours un moyen d’en arriver là. »

L’occasion était trop bonne pour éviter le sujet : si Oasis se reforme, et que le rock de Manchester déplace autant d’air, alors est-ce qu’on peut finalement espérer le retour de The Smiths un jour? On a posé la question du bout des lèvres, soucieux de ne pas embêter l’ex-membre avec une question mille fois posée. « Tu serais surpris à quel point on ne me pose plus vraiment cette question depuis des années! Je crois que les gens se sont tannés de la poser. Mais c’est une situation totalement différente… », offre-t-il en guise de réponse.

C’est assez clair : l’idée de se réunir avec Morrissey n’effleure visiblement pas l’esprit de Marr. D’autant plus que depuis le décès du bassiste original Andy Rourke en mai 2023, la possibilité de réunir tous les membres originaux de The Smiths n’existe plus…

Le retour du rock?

Pour en revenir au retour d’Oasis, Marr voit en cette nouvelle (et son engouement) la possibilité que le « rock à guitares redevienne à la mode un peu plus ». « Je n’ai rien contre ça nécessairement, mais les grands festivals, tant en Europe qu’en Amérique, se sont tournés davantage vers la pop et le rap depuis plusieurs années, et je sens que le vent pourrait bientôt tourner », espère-t-il à haute voix.

Si c’est le cas, ça tomberait à point pour Marr, qui part en tournée conjointe avec le groupe James, aussi de Manchester. Selon nos recherches, il semblerait que ce soit le tout premier concert à Montréal de James, eux qui ont joué au Bluesfest d’Ottawa en 2019 et à quelques reprises à Toronto au fil des ans.

« Ce sont des camarades de 1982, de jeunes garçons de la banlieue de Manchester », raconte-t-il au sujet du groupe qui avait justement suivi The Smiths sur la route lors de la tournée Meat is Murder en 1985. Les deux formations ont d’ailleurs fait paraître leur premier album dans la même période.

« À l’époque, nous étions tous à la recherche d’un son. Les villes ont souvent leur propre son. Les groupes californiens en sont un bon exemple. Le New Jersey a Bruce Springsteen et ses semblables. Manchester s’est fait connaître avec des groupes punk comme les Buzzcocks, mais dans les années 1980, avec The Fall, New Order, James et The Smiths, nous avons développé quelque chose. C’était la première vague de rock indépendant, qui a évolué au fil des ans. »

À Montréal, comme durant toute la tournée, James jouera d’abord durant environ une heure, avant de laisser place à Johnny Marr et ses musiciens pour les 90 minutes suivantes. Afin de convaincre ses fans d’arriver tôt pour voir ses collègues à l’oeuvre, Marr décrit le chanteur Tim Booth (membre original du groupe) comme « un artiste inusité et unique. Il est presque chamanique, tribal. Sur scène, ils sont neuf, et c’est comme une tribu. Si vous aimez les grandes mélodies et le gros son, vous serez servis. »

Marr, lui, sera de retour à Montréal deux ans après avoir assuré la première partie de The Killers au Centre Bell. Son dernier passage à Montréal avec sa propre tournée remonte à 2014, alors qu’il avait joué au Théâtre Corona. Un spectacle qui nous avait d’ailleurs bien plu.

« Ça fait déjà 10 ans? C’est fou! Je me souviens très bien de ce concert. Les gens à Montréal sont polis, accueillants, ils s’intéressent aux guitares électriques, aux bands de rock. Ils me rappellent un peu ma propre ville. »

Manchester est à Londres ce que Montréal est à Toronto, je crois. On vit dans notre propre bulle, un peu à l’ombre d’une autre grande ville, à faire nos choses à notre manière.

* Johnny Marr au Théâtre Corona en 2014. Photo par Nadia Davoli.

Bien qu’il ait une carrière bien remplie depuis la séparation des Smiths en 1987, Johnny Marr n’est pas dupe : il sait que le public s’attend à entendre des succès de son ancien groupe, et n’hésite pas à obtempérer.  « Je suis très fier que ces chansons soient autant respectées, admet le compositeur du groupe. Ça ne m’étonne pas que les gens veuillent les entendre en spectacle. Personnellement, si je vais voir un spectacle de David Byrne, je veux entendre ses versions des chansons des Talking Heads. Alors je n’hésite pas à faire la même chose. »

En 2014, il en avait joué six : Bigmouth Strikes Again, How Soon Is Now?, Panic, Still Ill, The Headmaster Ritual et There Is a Light That Never Goes Out.

Il n’est pas rare, lors de concerts récents, d’avoir droit à d’autres titres comme Please, Please, Please Let Me Get What I Want, Stop Me If You Think You’ve Heard This One Before, This Charming Man et You Just Haven’t Earned It Yet.

Marr insère aussi souvent des titres comme Get The Message et Getting Away With It de son projet des années 1990 avec Bernard Sumner (de New Order), Electronic, sans compter des titres solo de sa compilation Spirit Power, parue en 2023, qui regroupe des chansons de ses quatre albums solo des années 2010 et quelques titres inédits.

Marr est entouré des mêmes musiciens depuis 2012 : le batteur Jack Mitchell, le bassiste Iwan Gronow et le guitariste James Doviak. « Ce sont d’excellents musiciens et de bons chanteurs. Je crois que c’est le groupe de musiciens le plus stable avec lequel j’ai joué. En douze ans, nous sommes devenus amis et avons trouvé notre son. La formule à quatre fonctionne très bien pour nous : c’est aéré, solide, brut mais relevé », conclut-il.

Les billets pour le spectacle de Johnny Marr et James au MTELUS sont présentement en vente par ici.

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