L'Assemblée

Entrevue avec Amélie Grenier | L’Assemblée, une pièce révélatrice

La compagnie de théâtre Porte Parole présente à nouveau sa pièce L’Assemblée à l’Espace Go, une création de la dramaturge Annabel Soutar et de ses complices Alex Ivanovici et Brett Watson. Sors-tu a rencontré Amélie Grenier, l’une des actrices de la pièce, pour discuter de cette œuvre unique de théâtre documentaire, qui réveille les consciences et ouvre la discussion.

Une pièce comme on en voit rarement

L’Assemblée est une pièce de théâtre comme on n’a pas l’habitude d’en voir. Déjà donnée en octobre 2018, son succès la réinstalle sur le devant de la scène pour une nouvelle série de représentations. À Montréal, l’Espace Go affiche déjà une soirée à guichets fermés.

Dans L’Assemblée, on assiste à une discussion entre quatre femmes, de cultures et d’opinions différentes, qui cristallisent un débat politique indigné et puissant. Mais la particularité de la pièce réside dans sa construction : il s’agit en fait d’un verbatim, une véritable conversation qui a ensuite été retranscrite pour être jouée au théâtre.

*Photo par Maxime Côté.

Pour Amélie Grenier, c’est ce qui fait toute la singularité de la pièce : « Ce qui me plaisait beaucoup, c’est qu’enfin on va pouvoir discuter des vraies choses. Parce que ce sont des femmes qui existent. C’est pas un auteur seul chez lui qui est parti de son émotion, c’est sa vie, c’est là et le texte est écrit comme ça. C’est excessivement rare qu’on ait à jouer ça, jamais on va nous offrir ça, jamais… » Elle a donc accepté d’interpréter le personnage de Josée, une des quatre femmes qui s’exprime sincèrement sur un sujet qui prend aux tripes.

Différentes personnalités

Comment interpréter une personne qui existe réellement? Sans la juger, avec beaucoup d’amour et d’empathie. « Parce que ce sont des gens qui existent, le travail comme actrice est différent. L’implication émotive est aussi grande, sinon plus. C’est d’assumer ce que ces femmes sont, ce qu’elles ont dit, leurs positions qui sont souvent contradictoires les unes entre les autres », nous déclare Amélie Grenier.

« Dans le travail d’acteur, je ne peux pas juger un personnage. Si je la juge, je ne peux pas la jouer, je ne peux pas devenir ce personnage… Il faut que je lui donne le droit d’être ce qu’elle est, d’être comme elle est ». Et visiblement, c’est réussi : « Le plus beau compliment que j’ai eu en tant qu’actrice, c’était le soir de la première. Josée était là avec sa meilleure amie, qui m’a dit après la représentation : « t’es plus Josée que Josée est Josée! ». »

Susciter la discussion

Mais le point fort de cette pièce, c’est qu’elle révèle une facette que l’on oublie trop souvent : les personnes, les vraies, celles qui ne se résument pas à quelques commentaires trop courts sur les réseaux sociaux, sont pleines de contradictions. « Malgré le fait qu’on soit toutes différentes, que ces quatre personnages-là soient de pensées différentes, de lieux différents à la base, quand les gens sortent [de la salle], ils se disent : « J’étais d’accord avec elle sur ceci, j’étais d’accord avec l’autre sur ça… ». Donc ils ne peuvent pas prendre un parti pris pour une seule personne du début à la fin, ils se retrouvent à être en accord avec un peu tout le monde. » Pour Amélie Grenier qui nous dit tout ça avec un immense sourire, ce sont ces nuances qui font tout l’intérêt de L’Assemblée.

Il y aussi une incroyable décision de la part des auteurs : « On a toutes ces positions, toutes ces prises de becs-là pendant le spectacle, et ensuite on quitte la scène et on invite le public à s’asseoir à nos places pour discuter entre eux. C’est formidable. La table longue, il n’y a pas un soir, quand on l’a fait en 2018, où j’ai pas eu les yeux plein d’eau. Parce que les gens s’investissent, ils ont envie de ça, de partager, d’échanger. Et quand les gens sortent, ils ont envie de continuer, ils ont besoin de continuer. »

Car L’Assemblée crée du dialogue, d’abord sur scène, entre ces quatre actrices qui retransmettent quatre personnes réelles, mais aussi dans la salle, après la représentation. « On est vraiment sur l’échange, dans la possibilité d’amener les gens à avoir une réflexion au-delà du spectacle. Quand on l’a fait en 2018, j’ai jamais vu un lobby rester aussi plein de spectateurs après le show. Les gens ont besoin d’échanger. »

*Photo par Maxime Côté.

Ouvrir le débat

Loin d’affirmer une opinion plutôt qu’une autre, la pièce est au contraire un modèle d’ouverture et de présence. Pour l’actrice, cela vient avant tout des créateurs de Porte Parole. « Il y a dans cette gang une ouverture d’accueil de l’autre qui est phénoménale… Une envie humaine profonde, chez ces personnes-là, de faire évoluer la société dans laquelle on vit, d’ouvrir sur l’humain, d’ouvrir sur les échanges profonds, concrets, et c’est un mandat qu’ils se sont donnés, et qui en même temps transparaît dans le travail. »

Pour conclure, Amélie Grenier nous exprime son souhait le plus cher par rapport à L’Assemblée. « Les gens qui viennent voir cette pièce sont des gens qui se tiennent déjà dans cette ouverture d’esprit-là. J’aimerais ça qu’on invite les extrémistes d’un côté et de l’autre, pour justement ouvrir les horizons encore plus. » S’ouvrir au monde et à l’autre, c’est ce à quoi nous invite cette pièce de théâtre documentaire. Et pour Amélie Grenier, c’est la plus belle des raisons d’aller au théâtre. « C’est la première fois, en 25 ans de carrière, que je fais un spectacle où j’ai la sensation profonde qu’on va améliorer le sort du monde un peu. »

Quelques places sont encore disponibles pour les représentations de L’Assemblée à l’Espace Go, du 25 février au 8 mars 2020.


* Cet article a été produit en collaboration avec Espace Go.

Vos commentaires