En attendant le déconfinement #5 | Nick Farkas (Osheaga): un lâcher-prise de haute-voltige
On poursuit notre série hebdomadaire visant à donner la parole à des acteurs du milieu culturel qui ont été durement touchés par la pandémie et vise à mettre en mots les actions concrètes qu’ont dû poser les intervenants pour s’adapter à la crise. On se penche sur ce qui les occupe, ce qu’ils font (souvent dans l’ombre) en attendant le déconfinement culturel et comment ils permettent à la culture de survivre et de continuer à exister. Cette semaine, on discute avec Nick Farkas, fondateur d’Osheaga et vice-président concerts et événements chez Evenko.
* Photo en entête : Susan Moss
Quand le jeu en vaut la chandelle
N’importe qui connaît le domaine événementiel le dira, l’organisation d’événements est un milieu rempli d’incertitudes. Qu’on organise le marché aux puces du quartier ou un festival d’envergure internationale, ça ne prend qu’un orage trop menaçant pour devoir annuler l’événement sur lequel on travaille depuis des mois.
Parfois, c’est une pandémie qui vous empêche de recevoir des artistes des quatre coins de la planète…
Joint au téléphone, le fondateur d’Osheaga Nick Farkas avoue que la pandémie a eu ce drôle d’effet de ramener tout le monde au même pied d’égalité.
Tout le monde prend le même risque. On va mettre énormément d’efforts à produire des festivals en 2021 sans aucune garantie de quelle forme ils vont prendre. Les artistes sont dans le même bateau. Étonnement, les discussions pour booker des têtes d’affiche comme Post Malone ou Cardi B ont été vraiment vite.
Alors que la planète tourne à la vitesse imposée par la pandémie, Osheaga a pris le pari la semaine dernière de confirmer ses trois têtes d’affiche ambitieuses : Foo Fighters, Cardi B et Post Malone!
Certains facteurs permettent malgré tout aux artistes de confirmer leur présence potentielle à Osheaga. « Avec l’arrivée des vaccins, les artistes commencent à prévoir leur calendrier 2021 et répondent présents ou non. Plusieurs facteurs, comme les potentielles tournées qui sont planifiées autour des dates de festivals et les sorties de disque, leur permettent de nous donner une réponse. Au contraire, pas tout le monde est prêt à confirmer maintenant mais on ne pouvait pas être en attente jusqu’en février/mars pour confirmer nos têtes d’affiche, affirme Nick Farkas.
On avait une certaine pression de sortir des artistes, parce que 10,000 personnes ont décidé de nous faire confiance et de garder leur billet de 2020 pour 2021. On voulait donc sortir des noms pour que les gens aient envie de garder leurs billets. »
Pour ceux et celles qui voudraient attendre de voir la programmation complète avant d’acheter leurs billets, le fondateur d’Osheaga admet du bout des lèvres qu’il aimerait annoncer la programmation « autour de février ou mars, mais ça va vraiment dépendre d’où en sont les mesures à ce moment-là. » Pour les programmateurs de festivals, c’est un double défi d’organiser leur travail en fonction des mesures sanitaires locales et celles des pays d’où proviennent les artistes avec qui ils ont affaire.
L’Osheaga du futur
Visiblement désireuse d’organiser des éditions en personne, la direction derrière Osheaga a complètement annulé son édition 2020 plutôt que de la reporter ou d’en tenir une formule virtuelle comme les Francos ou le Festival international de Jazz de Montréal. Mais qu’arrivera-t-il à Osheaga s’il continue d’être annulé année après année? « On verra. On ne sait pas. Le côté digital [ndlr : numérique] va probablement devoir être considéré dans le futur. J’ai appris beaucoup sur le streaming dans les derniers mois et ces apprentissages-là vont nous suivre, mais, si on fait du numérique, on veut aussi faire du live. »
Une partie du succès des événements de l’envergure d’Osheaga est sans contredit le fait de pouvoir accueillir quelques 135 000 festivaliers. Fréquemment en discussion avec les organisateurs d’événements similaires à Osheaga comme Lollapalooza et Bonnaroo et qui ont décidé de tenir une édition virtuelle en 2020, Nick Farkas croit que sa décision pour 2020 était la bonne.
Le streaming ne remplacera jamais les revenus d’un festival en personne. On a essayé les drive-in et toutes sortes d’autres façons de se réinventer, mais en bout de ligne, c’est comme de remplacer le Canadien par une équipe de pee-wee. Les gens vont payer, mais moins cher. Par contre, ça peut protéger des emplois et ça, c’est une bonne raison de s’y intéresser pour le futur.
Crédit photo: Susan Moss
Changements en événementiel
Sur le plan personnel, l’année 2020 aura été éprouvante pour bien des gens. On se doute qu’être à la tête d’un festival comme Osheaga aura pris du sang froid, dont fait preuve Nick Farkas à l’autre bout du fil, lorsqu’on lui demande d’imaginer la suite des choses pour son domaine.
« Honnêtement, je ne sais rien faire d’autre que ce que je fais en ce moment. J’ai toujours carburé aux défis et j’ai toujours voulu que les festivals qu’on organise soient dynamiques et se réinventent. En quelque sorte, 2020 a été l’année ultime sur ces plans-là. Je suis chanceux de travailler dans une compagnie qui me fait confiance, comme quand je leur ai proposé l’idée de LASSO, un nouveau festival country à Montréal. »
Si le futur de nos événements n’est pas clair pour les petits comme les grands joueurs de l’industrie, on peut au moins se consoler en se disant que, comme nous, une partie du plaisir estival de Post Malone dépend des mesures de François Legault.
En rappel
Les articles précédents de la série En attendant le déconfinement:
- Comment Clément Turgeon a fait vivre le Festif en pandémie sans l’apport du virtuel
- Bonifier son offre pour survivre avec Sergio Da Silva du Turbo Haüs
- Reconnecter avec les gens d’ici et d’ailleurs avec Myriam Achard du Centre Phi
- S’imposer des balises pour mieux créer avec Karine Ledoyen du Studio Danse K par K
- Artiste(s)
- Osheaga
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Parc Jean-Drapeau
- Catégorie(s)
- Festival,
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