Elinor Frey

Elinor Frey au Grand Théâtre de Québec | Avoir toutes les cordes à son arc

Entourée de six instruments à cordes aux allures de violoncelle, la soliste Elinor Frey, originaire de Seattle mais maintenant installée à Montréal, a lancé la saison 2025 de la série Croissants-Musique du Grand Théâtre de Québec, dimanche matin. De son propre aveu, la violoncelliste qui était venue à la rescousse de l’Orchestre symphonique de Québec pour un concert à grand déploiement il y a quelques jours à peine, souhaitait profiter de ce concert dans une ambiance plus décontractée pour partager avec le public son « obsession » pour le violoncelle.  Sans aucun doute, la prestation d’un peu plus d’une heure, incluant un rappel, a atteint la cible, le public exprimant son appréciation de manière enthousiaste dès que l’occasion se présentait.

La prestation était conçue de manière à permettre à l’instrumentiste de présenter un à un ses instruments de prédilection, tous dans la grande famille du violoncelle et occupant une place de choix dans son parcours musical. Son instrument coup de coeur du moment, un violoncelle baroque confectionné par le luthier parisien Chappuy en 1778, a permis à Elinor Frey de joliment lancer le concert avec un des Caprices de Giuseppe Clemente Dall’Abaco qui apparaît sur l’album qui lui a valu un prix Diapason d’Or en 2020 (Dall’Abaco: Cello Sonatas).

Toute en maîtrise et armée d’un violoncelle à cinq cordes fabriqué par l’un des meilleurs luthiers au monde selon la violoncelliste, un luthier français installé à Montréal, la musicienne a poursuivi sa prestation avec le 1er mouvement de la Sixième Suite pour violoncelle de Bach et une Gavotte qui ont permis de bien montrer l’amplitude de l’instrument.

En raison des effets sur les instruments des récents écarts de température ressentis à la suite de plusieurs déplacements et concerts dans les derniers jours, seul un bref extrait de la pièce Les Pleurs, tirée de la bande sonore du film Tous les matins du monde, visait à mettre en valeur le troisième instrument de son arsenal, la viole de gambe. Fascinée par la musique accompagnant ce film, Elinor Frey a d’ailleurs intitulé son récital en solo, toujours en tournée au pays, Tous les matins d’Elinor.

Devant un public très réceptif à sa proposition alliant musique et histoire, la musicienne a poursuivi en présentant une improvisation et une danse de De Falla à la Viola de Arco, un instrument aux sonorités médiévales se rapprochant même par moment, grâce à l’adresse d’Elinor Frey, de la cornemuse.

Puis, avouant avec une pointe d’humour une certaine jalousie envers les violonistes qui ont généralement la part belle des mélodies dans les pièces et qui n’ont que de petits instruments à transporter, la violoncelliste a enchaîné avec une pièce pour son violoncelle ténor, un instrument datant de 1770. Ce cinquième instrument lui permet d’interpréter des pièces pour violon puisqu’il est accordé de la même manière, le ténor étant un octave plus grave que le violon. Le public a grandement apprécié son extrait d’une Sonate de Giuseppe Tartini.

En deuxième moitié de concert, la présentation du sixième instrument d’Elinor Frey, a entraîné le public dans une brève incursion dans l’histoire américaine. Trois pièces – Bonaparte crossing the Rhine, Fellowship de Angles et La Bastringue – interprétées à l’aide d’un Yankee Fiddle (ou American Church Bass) ont mises en relief les racines historiques de cet instrument, conçu pour se substituer à l’orgue dans les églises puritaines de la Nouvelle-Angleterre lorsque celles-ci ont mis fin à l’interdiction de prestations musicales lors des célébrations religieuses.

Pour conclure sa prestation, reprenant les rênes de son instrument coup de coeur, le violoncelle baroque de 1778, Elinor Frey a ravi la foule réunie dans le foyer de la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec, grâce à son interprétation de la pièce la plus connue de la matinée, le Prélude de la Suite numéro 1 pour violoncelle de Bach. Profitant d’un rappel tout à fait justifié, le matin d’Elinor s’est conclu comme il avait commencé, dans le partage de sa passion pour la musique du 18e siècle, lorsque l’instrumentiste a choisi de faire découvrir au public une pièce méconnue, une Chaconne du compositeur Giuseppe Colombi.

Visiblement, la professeure de violoncelle baroque à l’Université McGill et à l’Université de Montréal et récipiendaire de plusieurs prix, dont le prix Opus de l’album de l’année en 2024 et deux prix Juno, dont plus récemment en 2023, a séduit le public par ses interprétations de grande qualité et par sa volonté de partager le fruit de ses nombreuses années de recherche afin de mettre en scène ses instruments et les pièces choisies.

Le Grand Théâtre de Québec présentera dix autres concerts gratuits d’ici juin 2025 dans le cadre sa série Croissants-musique. Bien que la prestation d’Elinor Frey a su ravir à elle-seule la foule rassemblée en ce dimanche matin et qu’il n’était pas nécessaire d’y ajouter quoique ce soit, si vous désirez profiter pleinement de l’opportunité en mettant la main sur une viennoiserie et un café offerts aux spectateurs, il vous faudra arriver tôt car les spectateurs assistent nombreux et avec enthousiasme à ces prestations gratuites.

Tous les détails au sujet de la série Croissants-Musique du Grand Théâtre de Québec se trouvent par ici.

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