
(Dé)tourner Sa Langue à La Bordée | Une réflexion brouillonne sur le français d’ici et d’ailleurs
Dans le cadre intime de la salle de répétition de La Bordée, transformée en lieu de rencontre conviviale pour la formule 5 à 7, Klervi Thienpont présente son spectacle (Dé)tourner sa langue, à l’affiche jusqu’au 12 septembre. Seule sur scène, mais non sans une volonté d’échange, l’artiste monte sur scène après avoir traversé la salle, saluant chaleureusement les spectateurs comme si elle retrouvait de vieux amis. La mise en place annonce déjà la couleur: ce sera une conférence-spectacle hybride, entre confidences personnelles, extraits sonores, diaporamas et bribes d’histoires de la langue française. Une heure pour réfléchir, rire parfois, mais aussi s’interroger: qu’est-ce qu’une « bonne » façon de parler le français?
Née en 1981 à Arthabraska d’un père québécois et d’une mère belge, Klervi Thienpont a été formée au Conservatoire, où cohabitent l’enseignement du français normatif et celui du français québécois. Sur scène, elle endosse à la fois le rôle de conférencière et celui de performeuse, naviguant entre anecdotes de parcours, références culturelles et petites capsules musicales. Le tout est agrémenté par une consommation et des collations offertes au public, fidèle à la formule de La Bordée qui transforme l’expérience théâtrale en moment social autant qu’artistique.
Rapidement, la question de la norme linguistique devient centrale. L’artiste parle de son mémoire universitaire, un projet auquel elle revient souvent, au point de laisser planer le doute : s’agit-il d’un véritable sujet de fierté ou d’un petit besoin de reconnaissance mal assumé? Elle convoque dans sa démarche des figures marquantes comme Michel Tremblay, rappelant que Les Belles-Soeurs, est né d’un pari en 1964-1965, ou encore Céline Dion, qu’on entend en entrevue « parlant à la française ». Elle nous partage Yves Duteil avec La Langue de chez nous, mais aussi Vigneault et Rose Laurens avec Africa. Autant de références qui dressent un portrait éclectique de notre rapport à la langue, mais qui ne trouvent pas toujours un fil conducteur solide.
* Crédit : Nicola-Frank Vachon.
Certaines trouvailles amusent, comme cet extrait d’entrevue où Christine Beaulieu raconte qu’on lui a souvent reproché de mal parler. D’autres intriguent, à l’image d’un hommage inattendu aux « disparus », où s’affichent successivement des visages et des noms, avant qu’une photo du chat de sa psy ne s’invite dans la série. Un décalage volontaire, un clin d’oeil humoristique, mais qui laisse perplexe quant à la pertinence du moment.
La faiblesse principale du spectacle réside dans ses longueurs. Les segments où l’artiste raconte son parcours personnel occupent une place disproportionnée, au détriment du sujet annoncé: la langue française et ses multiples visages. Or, comme Klervi Thienpont n’est pas une figure médiatique connu du grand public, ces confidences suscitent peu d’intérêt. Le spectateur venu chercher une réflexion nourrie sur la langue, son évolution, ses enjeux politiques et culturels, repart avec l’impression d’en avoir appris bien peu.
Un exemple frappant, Les Gens De Mon Pays de Vigneault, passé longuement, s’étire interminablement. Plutôt que de renforcer le propos, le moment alourdit la dynamique de la représentation. Même constat pour l’utilisation de Africa de Rose Laurens, qui aurait pu servir à faire participer la salle mais qui, faute d’animation, tombe complètement à plat. L’énergie collective qui aurait pu naître de la chanson demeure au point mort.
* Crédit : Nicola-Frank Vachon.
Malgré ces écueils, quelques éléments méritent d’être soulignés. D’abord, la maîtrise impeccable du texte et du jeu. Klervi Thienpont ne cherche jamais ses mots, enchaine avec assurance, sans hésitation ni cafouillage. Le professionnalisme est indéniable, et sa présence scénique, bien que sobre, reste solide du début à la fin. Elle termine en rappelant une vérité incontournable: au Québec, la langue est éminemment politique. Ce rappel donne une conclusion plus ancrée et percutante, qui aurait gagné à être davantage développée tout au long de la représentation.
Enfin, impossible de passer sous silence la qualité de l’accueil à La Bordée. Les employés, disponibles et chaleureux, contribuent à faire de cette formule 5 à 7 une expérience agréable, même si le contenu de la pièce, lui, demeure inégal.
En somme, (Dé)tourner sa langue oscille entre conférence intime, spectacle théâtral et récital de références culturelles, mais peine à trouver une cohérence et à livrer une véritable réflexion sur la langue française. L’intention de départ, riche de promesses, se dilue trop souvent dans des détours autobiographiques et des choix musicaux étirés. Le résultat laisse une impression mitigée : un moment sympathique, porté par une artiste disciplinée et investie, mais qui manque de densité pour marquer les esprits.
- Artiste(s)
- (Dé)tourner sa langue
- Ville(s)
- Québec
- Salle(s)
- Théâtre de la Bordée
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