Critique théâtre | Peter et Alice au Théâtre Jean-Duceppe

Le théâtre Duceppe ouvre sa saison avec Peter et Alice, pièce de John Logan mise en scène par Hugo Bélanger. Peter n’est nul autre que celui qui ne voulait pas grandir et Alice, celle du pays des merveilles. On y révèle une rencontre improbable entre Alice Liddell Hargreaves (Béatrice Picard), muse de Lewis Caroll et Peter Llewelyn Davies (Carl Poliquin) dont J.M Barrie a inventé les aventures.

Alors que Disney a présenté leurs vies sous forme de contes de fées, la vraie histoire d’Alice et de Peter est loin d’être magique. Tous deux en grandissant ont du faire face au lourd fardeau d’avoir inspiré un personnage mythique.

La mise en scène bien que conventionnelle sert bien l’intrigue soutenue par des personnages hautement verbomoteurs. Malgré que les deux comédiens discutent beaucoup, c’est lorsqu’ils sont rejoints par Lewis Caroll (Félix Beaulieu-Duchesneau) que les personnages prennent réellement vie. On découvre que l’auteur entretenait une relation affectueuse avec sa protagoniste principale qui trop jeune pour comprendre, ne peut que repousser ses avances. Même son de cloche chez Peter, J.M Barrie rôdait autour des frères Davies, devenant leur tuteur après la mort de leurs parents.

Impressionnante distribution

Peter et Alice regroupe une brochette de comédiens talentueux. Béatrice Picard présente une Alice désillusionnée et alourdie par sa vie, qui espère encore naïvement l’existence d’un pays des merveilles. Carl Poliquin interprète avec finesse les passages dramatiques où l’éloquence du gentleman se perd au profil d’un naturel qui donne au personnage toute la profondeur de son mal de vivre.

Pour balancer l’ambiance dramatique des confessions d’un passé trouble, Alice et Peter dans leur forme reconnue, interviennent dans le récit. Leur présence allège l’atmosphère alors que Sébastien René donne vie à un Peter Pan impeccable et Marie-Ève Milot présente une Alice dynamique et juste.

L’œuvre prend toute sa splendeur lorsque tous les personnages se regroupent et interagissent ensemble, enchaînant les répliques rapides et dévoilant les secrets et difficultés des protagonistes principaux. Alors que les deux femmes se complémentent par leur volonté de croire au bonheur, Peter et Peter sont aux antipodes en terme de caractères. Le jeune étant optimiste et bagarreur, Peter l’homme est amer et aigri, refusant de croire en ce qui est bon.

Peter et Alice ayant vécu longtemps dans l’ombre de leurs homonymes célèbres, les rôles sont dorénavant inversés. Peter Pan reprend par moment les gestes de Davies à la façon d’une ombre parfaite lorsque ce dernier se prend trop au sérieux.

Le pays des merveilles et Neverland

La scénographie impressionne par la splendeur des décors (signés Geneviève Lizotte) où les fenêtres d’une librairie anglaise deviennent subitement un grand miroir à travers lequel Alice regarde Caroll. Les décors changent discrètement et surprennent alors que les miroirs redeviennent translucides sans mouvement distinct.

Les costumes créés par Patrice Charbonneau-Brunelle sont marquants par l’élégance des tissus et la justesse des ensembles d’Alice (au pays des merveilles) et de Peter Pan. Détail intéressant les couleurs d’Alice vont de pair avec ceux de son homonyme de conte. La robe typique de la jeune Alice, d’un bleu très pâle, semble s’être assombrie en vieillissant, alors qu’elle a pris du vécu. Peter est également dans les mêmes teintes mariant les bruns de son ensemble au costume vert recouvert de feuillage du garçon perdu. Alors que les deux femmes se ressemblent grandement, les deux hommes sont à nouveau opposés par la forme fluide du costume du jeune homme versus la structure d’un habit pour Davies.

Peter et Alice est une pièce qui rappelle qu’un grand budget permet de faire des choses splendides à partir d’un récit simple. Malgré la tristesse constante des personnages, c’est réellement Peter Pan et la jeune Alice qui marquent la mémoire, par leur présence sur scène, leurs mouvements quasi cartoonesques et leur simple splendeur féérique.

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