Critique théâtre | Deux au Théâtre La Chapelle

Deux est l’explication du questionnement identitaire de l’auteur Mani Soleymanlou, immigrant  iranien, qui a passé sa vie occidentale à Paris, Toronto, Ottawa et Montréal. Et si, habitant la métropole québécoise, il refuse de se dire Canadien, l’auteur ne se considère pas pour autant séparatiste – ce que de nombreuses personnes n’habitant pas le Québec n’arrivent pas à comprendre.

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Photo de courtoisie, par Jérémie Battaglia

Les premières minutes donnent le ton : franc et convivial, ce deuxième épître de la trilogie de Soleymanlou est un bijou de réflexion identitaire, que les deux acteurs/créateurs ont très habilement su envelopper d’auto-dérision.

Si les premières scènes sont un peu étourdissantes, dû aux noirs – douches de lumière – plein éclairage qui alternent fréquemment, laissant au spectateur peu de temps pour reprendre son souffle, le rythme se régularise avant le premier tiers du spectacle.

La pièce, construite sur le modèle d’une répétition de théâtre entre un acteur (Emmanuel Schwartz) et son metteur en scène (Mani Soleymanlou), avec les reprises de scènes, les corrections et les moments de camaraderie que cela implique, est très prenante car le spectateur se sent vite proche de ces deux acteurs qui jouent leur propre personnage.

D’autant plus qu’ils nous font suivre au courant du spectacle le processus de création de Deux. La pièce adopte majoritairement une facture humoristique, mais le questionnement, lui, est réel. Un point est d’ailleurs le reflet des tensions et des inconforts causés par la problématique identitaire qui ont entouré la création de Deux, notamment dû au refus qu’a exprimé Schwartz à Soleymanlou d’exprimer son expérience de Montréalais «entre deux chaises», c’est-à-dire de père Juif anglophone et de mère (Catholique) francophone.

L’inconfort identitaire

De nombreux Montréalais peuvent s’identifier au sentiment d’incertitude et d’impuissance qu’exprime alors Schwartz.

Photo de courtoisie, par Jérémie Battaglia.

Photo de courtoisie, par Jérémie Battaglia.

Cette difficulté que l’acteur décrit à formuler une opinion politique est un effet du métissage culturel important qui caractérise les métropoles : notre réalité culturelle individuelle existant côte à côte avec de nombreuses autres, celle dont nous avons hérité n’a manifestement pas autant d’aplomb que si nous vivions dans un environnement monoculturel.

La fin, aussi épique que le combat ralenti entre les deux acteurs plus tôt dans la pièce, est marquée par de lourds coups de canons et d’explosions, juxtaposés à des battements de coeur. Les deux acteurs se font face, en silence, réconciliés après une querelle résultant de leur inconfort, continuant la réflexion qu’ils nous ont lancée.

Deux sera présenté en première mondiale jusqu’au 5 octobre, au Théâtre La Chapelle.

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