Critique | The Tashme Project – The Living Archives au MAI (Montréal, Arts Interculturels)

Du 7 au 17 mai 2015, l’élégant et puissant The Tashme Project : The Living Archives est présenté en première mondiale au MAI (Montréal, arts interculturels), en partenariat avec le Festival Accès Asie.

Présenté à la manière d’un documentaire, avec des reconstitutions d’entrevues que Julie Tamiko Manning et Matt Miwa ont réalisées lors des cinq dernières années auprès de dizaines de Nisei – Japonais-canadiens de deuxième génération – The Tashme Project a été créé à l’intention des Japonais-canadiens d’aujourd’hui et de demain, afin d’aviver le souvenir de leurs aïeux et de leur histoire commune.

Pendant 90 minutes sans entracte, Manning et Miwa dressent le vibrant portrait d’un épisode peu glorieux de l’histoire canadienne. Les acteurs de Montréal et d’Ottawa imitent sans les caricaturer quelques-uns des 30 Nisei qu’ils ont interrogés à propos des camps d’internement de Japonais-canadiens en Colombie-Britannique dans les années 1940.

L’excellente étude et maitrise des intonations de Manning et des physionomies de Miwa, doublées des paroles rapportées candides, sereines ou agitées d’Akiko, Jane, Harold, May et les autres, sont en parfaite complémentarité avec les récits des acteurs eux-mêmes par rapport à leur relation à leur héritage nippo-canadien.

Sous la mise en scène raffinée de Mieko Ouchi, Manning et Miwa, interprètes ainsi que créateurs du spectacle, offrent une performance très personnelle et sincère, à la fois drôle par son ingénuité et troublante par la lourdeur des déshumanisations évoquées.

The Tashme Project relate un drame national dont beaucoup n’ont même jamais entendu parler – on ne nous apprend pas à l’école que le gouvernement canadien a confiné les Japonais de première et de deuxième génération dans des camps d’internement quand il n’est pas parvenu à les déporter vers un Japon décimé par la Deuxième Guerre mondiale, où ils n’étaient de toute manière pas les bienvenus.

Miwa et Manning abordent la question de ceux ayant choisi de rester, qui ont éventuellement obtenu une compensation financière de la part du gouvernement canadien (avec le Japanese Canadian Redress Foundation) mais laissent quelque peu en suspens ce qui a pu découler de cette procédure. Le documentaire de la metteure en scène (M. Ouchi) intitulé Saiki:Regeneration, pourrait être visionné en complément de The Tashme Project à ce sujet.

The Tashme Project : The Living Archives est l’éclatant résultat des efforts harmonieusement coordonnés d’une vaste équipe de production, avec sa scénographie complexe quoique loin d’être tape-à-l’œil, ses jeux de projections, de lumières et de distorsions dans l’ensemble très réussis.
Un spectacle pertinent et sans lourdeur, qui happe et résonne.

* Une discussion avec les artistes est au programme après les représentations des 8, 10 et 15 mai.

 

 

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