Critique | Sauce brune au Monument National

Sauce brune de Simon Boudreault vous fers découvrir les derrières d’une cafétéria d’école. Ici, le sacre devient une langue à part entière, on l’exploite sous toutes ses facettes. Préparez-vous à entendre des gros mots, beaucoup de gros mots. Cet univers à la langue des plus colorés fait rire, parfois un peu jaune, et touche par moment mais ne laisse assurément personne indifférent.

Un décor tout en simplicité constitué de trois comptoirs faits de cabarets, des boîtes de conserve ornent le mur pour représenter cette cuisine de cafétéria. Cuisine dans laquelle quatre femmes s’expriment avec force sur leur vie, sur les parents de plus en plus exigeants à propos des menus qui ne sont pas assez santé à leur goût. Enrober le récit d’une guerre de pouvoir.

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Crédit photo : Maude Touchette.

Armande la « tabarnack de chef cook » ne comprend pas ce qu’on veut d’elle, pourtant elle suit le guide alimentaire canadien à la lettre. Des pâtes pour les céréales, bœuf ou poulet pour la viande et fish’n chips pour les substituts, que de demander de plus!

Cindy, l’extravertie du quatuor, pour sa part raconte avec moult détails ses nuits bien remplies et déplace beaucoup d’air. Tandis que Sarah, elle, ne rêve que de « crisser » son camp, elle passe sa rage sur la timide Martine en la prenant pour souffre-douleur.

 

Aucun tabous

Pas de faux-semblants entre ces femmes, elles parlent de sexe sans tabous et elles se disent leurs quatre vérités. Elles rient, elles pleurent et se chicanent sans porter de gants blancs. Bien que la qualité du jeu soit parfois inégale – un certain manque de fluidité dans le jeu —, il semble exister une réelle complicité entre les comédiennes, on ressent le plaisir qu’elles ont à être sur scène. Elles jurent avec aisance, ce qui paraît assez salvateur; elles mordent dans les « sacraments » et autres avec joie.

L’utilisation du sacre comme squelette du texte amène quelque chose d’original à la pièce, de novateur. On a déjà entendu des blasphèmes dans un théâtre, mais rarement autant dans un même texte. L’auteur conjugue les jurons, les utilise comme adjectifs, il en fait l’élément principal de ses dialogues, un peu à l’image d’une discussion entre schtroumpfs dans une version plus «trash». De voir ces cuisinières jurer sans vergogne surprend au premier instant et apporte aussi un rafraichissement, on fait exploser les bonnes manières.

Malheureusement, après un moment on se lasse et ça devient presque un irritant. Certaines montées dramatiques perdent de leur effet, elles deviennent plus effacées, l’effet de surprise n’y est plus. L’utilisation d’un « câlice » bien senti n’a plus vraiment d’impact tellement on l’a entendu souvent. Et on se rend vite compte des limites de cette façon de parler. Au final, un qualificatif bien choisi n’est-il pas plus puissant qu’un simple « osti »?

Petit bémol. La petite salle du Monument National, la Balustrade, ne permet pas de toujours avoir une bonne visibilité sur ce qui se passe à l’avant. Et il est difficile de rester attentif durant presque 2 heures, assis sur des chaises pliantes peu confortables et qu’il faisait chaud le soir de la première. Les conditions n’étaient pas des plus optimales pour bien apprécier le spectacle.

L’espace d’un instant, tous les sacres sont permis. Au-delà de la vulgarité de ces mots se trouve un texte intelligent et sensible qui donne la parole à des femmes que nous n’entendons que trop rarement.

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