Critique | Le vertige à l’Espace Go

Le Vertige présenté à l’Espace Go vous plongera dans une des périodes sombres de la Russie stalinienne. Le récit autobiographique d’Evguénia Guinzbourg, professeur d’université et communiste convaincue, vous propulsera dans la tourmente de l’emprisonnement. Une imposante distribution d’actrice donnera vie à ces femmes à qui l’on a tout enlevé, ne leur laissant que leur voix. Une voix puissante que rien ne peut arrêter.

Moscou 1937, Staline pourchasse massivement les ennemies du peuple, c’est le début des Grandes Purges. Evguénia Guinzbourg est arrêtée, on l’accuse de « terrorisme trotskiste » ce qui lui vaut une peine d’emprisonnement de 10 ans. À travers les interrogatoires musclés et les séances de tortures, la jeune femme fera la rencontre d’autres prisonnières. Comme elle, elles ignorent toutes ce qui les a conduits en prison. Elles uniront leur voix pour raconter leur histoire

Ce cœur de femme évolue sur la scène de grande salle du théâtre, plongée dans la pénombre. Des lits de métal — recréant l’espace contigu des cachots — s’ajouteront au fil des prisons dans lesquelles on entasse les prisonnières. À chacune des nouvelles cellules, Evguénia y rencontrera des comparses avec qui elle tissera des liens d’amitié, elles y discuteront politique, y affronteront leurs idéologies. Dans ces espaces clos, on s’y chamaille et l’on s’entraide. Au-delà de la souffrance et de la violence qui les entourent, ces femmes luttent pour garder en elles un peu de bonheur, elles tentent de rire et de se souvenir du passer à travers des chants joyeux, pour ne pas perdre le peu d’humanité qui leur reste.

Photo de courtoisie par Marie-Claude Hamel

Photo de courtoisie par Marie-Claude Hamel

Et les hommes? Bien peu nombreux, ils y tiennent le rôle de bourreau. Les 8 acteurs, malgré leur nombre inférieur, savent tout de même se faire remarquer, qu’ils soient enquêteurs ou gardiens. Pensons à Olivier Morin en enquêteur sadique qui donne froid dans le dos ou à l’intraitable enquêteur interprété par Daniel Gadouas. Tandis que Jean-François Casabonne amène un peu d’humanité dans cette noirceur avec son enquêteur Elchine plus insaisissable que ces acolytes, il acceptera d’offrir un peu d’eau à une Evguénia en grève de la faim.

Louise Cardinal, elle, offre une très belle performance touchante et sensible. Son Evguénia Guinzbourg est à la fois douce et combattante, on suit l’évolution du personnage avec tendresse et l’on ne peut qu’espérer la voir sortir vivante de cette épreuve. Difficile de parler de chacune de ces 22 comédiennes qui constituent cette imposante distribution. À travers les mots à la fois francs et crus de l’auteur d’où ressort une certaine poésie pleine d’espoir, les comédiennes donnent vie à des personnages complexes et profonds. Bien que le jeu soit parfois inégal, on a envie de les écouter jusqu’à la fin. Mention spéciale à Isabelle Miquelon qui risquera de vous faire monter les larmes aux yeux tant son jeu est vrai, sa Milda ne passe pas inaperçue.

De son côté, la metteure en scène Luce Pelletier y est allée très sobrement, l’accent est mis sur la parole des femmes. Lors des transitions de la cellule au bureau d’un enquêteur une musique angoissante accompagne la prisonnière, le tout agrémenté de grand éclat d’une lumière saisissante nous donnant l’agréable impression d’écouter un vieux film de guerre. Ici, on laisse la toute la place aux acteurs pour nous raconter ce triste moment de l’histoire de la Russie; l’histoire de ces femmes qui font preuve d’une grande force.

Le Vertige d’Evguénia Guinzbourg présenté à l’Espace Go du 9 septembre au 4 octobre.

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