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Critique | Keith Kouna et son impressionnant Voyage d’hiver à la Place des Arts

L’ambitieux Voyage d’hiver de Keith Kouna prenait enfin vie sur scène à la Cinquième Salle de la Place des Arts, ce week-end. Splendide et percutante, l’aventure périlleuse en aura valu la chandelle.  

Ça fait du bien de voir un punk de Québec aller au bout de son idée. De voir un artiste indé oser s’aventurer sans complexe dans un genre d’opéra glauque à 10 musiciens et une danseuse, aux mélodies obliques et à la théâtralité assumée. De viser le spectaculaire, et d’y parvenir.

C’était un pari risqué. Kouna aurait pu se la péter solide. En tant que créateur ou en tant qu’interprète. Mais le résultat est tout à fait convaincant.


Schubert vu par Kouna 

Pour ceux qui l’ignorent, l’ex-Goule – 3 fois nommé au Gala de l’ADISQ 2013 – ne donne plus dans la chanson rock trash ces jours-ci. Nenni. Pour le Voyage d’hiver, Keith Kouna a adapté les 24 lieds du Winterreise de Schubert à une réalité plus moderne et personnelle, tout en conservant les thèmes originaux. Il les a réécrits dans sa poésie hallucinée, évoquant la mort, les regrets, l’ivresse, l’amour, le sexe avec son tact pour l’écriture dadaïste…

L’album qui en résultait, paru en décembre 2013, était sombre, un peu lourd, mais certainement séduisant. On y plongeait à la fois dans l’angoisse et la joie, la beauté et la laideur, la vie et la mort.

Sur scène, l’univers tout en paradoxes du Voyage d’hiver se déploie en trois dimensions. Le décor est simple et efficace : une petite scène inclinée vers l’avant, un lit parterre, un frigo qui sort du plancher, le tout ceint par de longs troncs d’arbres à la verticale, jusqu’au plafond. La mise en scène d’Antoine Laprise est inventive, truffée de flashs brillants, et somme toute assez sobre pour éviter les complications inutiles. La scéno de Véronique Bertrand est à l’avenant.

Photo par Richard Mercier.

Photo par Richard Mercier.

Il ne faut perdre de vue un élément important : la voix un brin nasillarde de Keith Kouna n’est pas pour tous les goûts. Graveleuse par moments – avez-vous dit Tom Waits ? – elle s’aventure dans un registre étonnant par moments, des envolées dans les aiguës. Les mélodies complexes des lieds expose un peu ses limites sur le plan du chant. Mais un interprète trop appliqué, trop académique, ne donnerait pas au personnage son « charme » d’ivrogne à la dérive. Sans surprise, Kouna lui donne un esprit un peu punk, qu’un gars de théâtre n’arriverait pas à incarner de la même façon.

La musique, elle, est sublime, rien de moins. Chapeau à la direction musicale de Vincent Gagnon, qui forme la colonne vertébrale de ce spectacle. L’interprétation, complexe, réussit à ne pas tomber dans le trop clinique.

Et dire qu’il s’agisse que d’une première mouture… En entrevue avec nous, l’artiste admettait considérer l’évolution du spectacle, voire diverses mises en scène au fil des ans.

Pour un point de départ, la version 2015 du Voyage d’hiver est tout à fait réussie. C’est le moins qu’on puisse dire.

* À voir au Grand Théâtre de Québec les 18 et 19 février 2015. 

Concours | KEITH KOUNA à Québec
Concours | KEITH KOUNA à Québec

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