Coup de cœur francophone 2018 | Lancement saisissant pour Antoine Corriveau
Pour entamer la dernière fin de semaine du Coup de cœur francophone, Antoine Corriveau prenait possession du Club Soda vendredi 9 novembre. Exit la scène habituellement occupée par Les Hôtesses d’Hilaire ou Philippe B durant le festival, Corriveau et ses techniciens ont monté hier soir une estrade installée au cœur du public pour ce lancement d’album pas comme les autres.
C’est tout récemment que le Québécois a sorti son nouvel EP Feu de forêt chez Secret City Records, maison tournée habituellement vers les artistes anglophones. Or, avec Antoine Corriveau, le label tient pourtant entre ses murs un artiste francophone accompli et minutieux qui n’hésite pas à explorer des mondes sonores incompris pour certains, mais fabuleux pour d’autres. Et que ce soit à l’écoute de ses titres en studio ou en spectacle, la musique du long chevelu est empreinte d’une profonde mélancolie. Elle exige chez l’auditeur le développement d’un sens auditif nouveau, celui de s’imprégner d’un univers folk inhabituel à l’heure où de joyeux lurons jouent sous des éclairages ensoleillés plutôt que psychédéliques.
Une mise en scène réussie
D’emblée, la structure scénique faiblement surélevée au sein de la foule augure un concert statique. Or, de cet immobilisme naîtra ce soir là une fascinante observation. Sans mouvement distinct, Corriveau arrivera à développer un véritable voyage avec sa directrice technique Jenny Huot. Tout commence par une interprétation solennelle de Feu de forêt, titre phare de son dernier EP. « Tout ça est sous le socle de l’expérimentation », soulignera-t-il plus tard devant une foule clairsemé et malheureusement peu nombreuse à l’égard du talent du monsieur.
Ainsi, des séquences instrumentales plus affirmées s’inviteront davantage dès le second titre, Juste un peu. On découvre à cet instant une basse lourde qui accompagne la saturation des guitares. Le son est parfait, comme s’il se propageait de part et d’autre de la salle. Aucune saturation, des balances parfaites, on sent qu’un travail d’orfèvre a été réalisé en amont par Mathieu Colette et Jonathan Lafontaine. En fond de salle, le public distingue progressivement des formes sombrement colorées qui tournoient sur un écran. Elles ressemblent à s’y méprendre à des nervures de bois, peut-être en référence au titre de la dernière production de l’auteur-compositeur-interprète.
Du bruit tant maîtrisé
Ces formes élaborées par l’artiste visuelle Mathilde Corbeil accompagneront discrètement les effluves sonores tout au long de cette « rétrospective », selon Antoine Corriveau. « 10 ans de carrière… C’est drôle comme on se fait des hommages à soi-même, et là, c’est mon tour. Je suis prêt », dira l’artiste sous une franche rigolade. Car oui, derrière ces sonorités sombres se cachent un homme accessible, heureux aussi de partager avec ce public de multiples anecdotes de carrière comme l’histoire derrière la création de sa première pochette d’album. Un rendez-vous prit, qui sera effectif avec… Rendez-vous où la violoncelliste Marianne Houle s’accapare le piano avec brio avant que Corriveau interprète, à la guitare classique, la captivante Deux Femmes.
Revenant à Marianne Houle, la musicienne ne sera pas la seule à se distinguer ce soir-là, en témoigne l’enchaînement de 1982 et Parfaite. On découvre à travers ces deux chansons des interprétations puissantes qui mettent à contribution Stéphane Bergeron (batterie), Simon Angell (guitare) et Marc-André Landry (basse) sur fond de courbes multicolores encore une fois. À cet instant, l’ambiance sonore devient davantage psychédélique derrière ce rock qui martèle les fûts et chauffe les cordes des guitares. L’intervalle tranquille de Testament, nouvelle chanson exclusive, ne changera rien à la dynamique puisque Un par un et son introduction fascinante offrent à nouveau ce bruit tant maîtrisé. Le brasier se terminera par la sombre Croix blanche, dont la note finale concordera avec l’affichage des mots « Feu de forêt » sur l’écran… comme si les braises venaient de s’éteindre soudainement.
Antoine Corriveau reviendra sur scène interpréter magnifiquement Le nouveau vocabulaire, puis Mon cœur paré. Comme à l’extérieur de la salle, de fins flocons sur l’écran accompagnent l’artiste devant son piano.
Le feu de forêt s’est définitivement éteint.
Liste des chansons
- Feu de forêt
- Juste un peu
- Deux animaux
- Rendez-vous
- Je sors dehors
- Deux femmes
- 1982
- Parfaite
- Testament
- Un par un
- La ville d’où on vient
- Croix blanche
Rappel
- Le nouveau vocabulaire
- Mon coeur paré
- Artiste(s)
- Antoine Corriveau, Les Hôtesses d'Hilaire, Philippe B
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Club Soda
- Catégorie(s)
- Folk, Francophone, Rock,
Vos commentaires