Julien Sagot

Coup de coeur francophone 2014 – Jour 2 | Farouche Sagot

Si son plus récent album Valse 333 est un voyage exploratoire coloré et invitant, Julien Sagot se fait toujours aussi farouche sur scène. C’est du moins (une fois de plus) l’impression qu’il a laissée au terme d’un spectacle qui avait pourtant ses moments forts, au cabaret Lion d’Or vendredi soir, dans le cadre de Coup de coeur francophone. Un rendez-vous qui a visiblement plus plu au public qu’à l’artiste… 

Photo par Marc-André Mongrain.

Photo par Marc-André Mongrain.

« La prochaine fois, je vous ferai danser ».

C’est sur ces paroles que Sagot, visiblement un brin déçu, a quitté la scène du Lion d’Or au terme de 70 minutes de musique parfois désordonnée, mais souvent fascinante.

Déçu, pas parce que son spectacle était décevant. Ni parce que le public a été chiche sur les applaudissements. Mais plutôt parce qu’il n’est pas tout à fait parvenu à faire entrer la foule dans son univers, à faire adhérer totalement le public à son trip halluciné, rempli de percussions flyées, de sonorités étranges – chapeau à Martin Lizotte et Robbie Kuster, notamment – et de poésie beatnick.

Il y avait une certaine distance, comme un froid. Rien de très grave, mais assez pour déstabiliser l’artiste, qui rêvait visiblement de plus d’intensité, d’une communion totale, d’un trip de gang.

Il régnait plutôt un genre de quiétude, que Sagot a semblé interpréter comme de l’indifférence. Comme un premier rendez-vous doux qui ne mène pas au baiser. Un genre de « On va se revoir ? », suivi d’un « Oui oui, on se rappelle ». Mais le « oui oui » était pourtant sincère…

La configuration de la salle semblait l’affecter, ce qui n’aurait pourtant pas dû le prendre par surprise. Ça s’appelle le CABARET Lion d’Or, et c’est pourquoi cette jolie salle coin Ontario/Papineau propose des spectacles en formule… cabaret.

Ce n’est pas la Sala Rossa ou La Vitrola. Au Lion d’Or, on s’assoit et on observe, on absorbe, comme au cinéma, on sirote une bière, et on se laisse bercer. Sagot, lui, aurait souhaité qu’on danse. Mais danser sur quoi au juste ? Sur Le Trucifier ?  Sur un remix du Temps des vendanges ?  Sur Maux de Mars ?

Photo par Marc-André Mongrain.

Photo par Marc-André Mongrain.

Avec sa maladresse légendaire, Sagot a quelque peu heurté son public en lui demandant s’il avait 60 ans. Plus tard, il interprétait Katheline, courte balade sentimentale, sans détour. Moins weird que sur disque ; c’était, en fait, très joli. Le public l’a un peu plus applaudie que les autres. « Ah, vous aimez ça les petites tounes tranquilles, hein? », lance-t-il comme un semi-reproche…

On le comprend depuis longtemps : Sagot est une bête sauvage, un artiste brut comme on les aime, à l’imagination débordante, sans filtre et pour qui la force créatrice est un véritable moteur. Il explore, il sillonne, il ose. C’est précieux, et on apprécie grandement ce genre de vent de fraîcheur à une époque où la chanson se fait souvent beige.

Mais si Leloup a trouvé sa manière d’établir un pont entre son immense Dôme au coeur de la forêt et le quotidien terre-à-terre du grand public, Sagot devra ériger le sien. Nul doute qu’il pourra ensuite éclairer à des miles à la ronde.

Avec tout son talent déployé sur disque, en plus de son passé mémorable au sein de Karkwa, son public aura la patience d’attendre…

 

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