CMIM 2017 : Compte-rendu de la 1ère séance de la demi-finale

Première demi-finale du Concours Musical International de Montréal de piano. Tristement surpris par une sélection quasiment entièrement masculine (une seule fille, Yejin Noh, a passé les sélections pour onze garçons en demi-finale, alors qu’elles étaient six à concourir), on a assisté aux récitals de Jeungbeum Sohn (Corée du Sud), David Jae-Weon Huh (Corée du Sud) et Giuseppe Guarrera (Italie). Si les trois pianistes ont démontré pendant une heure chacun leur talent et leur technique, l’un d’entre eux a particulièrement surpassé les deux autres.

L’entrée en scène de Jeungbeum Sohn se fait sur la Sonate en la mineur (op. posthume 143) de Schubert, avec une interprétation en demi-teinte. Le pianiste joue un peu trop sur les contrastes, avec des forte extrêmement durs, faits plus avec force qu’avec poids. Il en résulte un son assez criard qui contraste beaucoup avec les belles couleurs de ses nuances plus piano. On regrette la même dureté de ton dans son interprétation de Gaspard de la Nuit de Maurice Ravel, où une fois encore les nuances les plus délicates – et les plus appréciées – ne suffisent pas à contrebalancer la force des moments plus brillants, rendus secs et trop vigoureux. En interprétant la pièce canadienne imposée, Laurentienne n°2 en do dièse mineur d’André Mathieu avec la partition, Jeungheum Sohn semble faire aveu de faiblesse : cette pièce et la suivante, Islamey, Fantaisie orientale de Milij Balakirev démontrent toute la technique dont est capable le pianiste mais pêchent par un côté très scolaire et peu musical. La performance du jeune coréen du Sud, si elle n’a pas démérité en termes de techniques et de vivacité, a cependant souffert d’un son très musclé.

Le deuxième candidat, David Jae-Weon Huh, également de Corée du Sud propose un programme en quatre parties avec un jeu assez similaire au précédent candidat – son clair, discours propre, grande technique digitale, forte très expressifs et rares piano. Il débute avec la Chaconne de Gubaidulina, très bien articulée, avec une énergie qui se développe au fur et à mesure et des tensions très allongées. Il poursuit avec la pièce imposée, enchainement quelque peu surprenant pour l’auditeur. Le pianiste joue beaucoup avec les dynamiques mais l’interprétation reste assez neutre. On aurait attendu plus de fantaisie et d’humour, en particulier à la fin. Il continue avec les Valses nobles et sentimentales de Ravel, dans lesquelles il semble se sentir vraiment à l’aise à partir du Modéré (3ème mouvement). Globalement, on constate le manque de caractère « sentimental » et le manque de douceur dans les piano. Il parvient néanmoins à réaliser de très belles textures graves dans l’Épilogue, en proposant une fin à la fois contrôlée, spontanée et ressentie. C’est dans le Carnaval op.9 de Schumann que le pianiste se dévoile notamment dans l’Aveu où l’on peut entendre un son très feutré et une douceur nouvelle. Bien que sa prestation affirme un peu trop lourdement sa maîtrise technique, le dernier morceau nous laisse plutôt enthousiastes.
Giuseppe Guarrera, italien, est le dernier candidat de cette séance. Il présente un programme qui semble lui aller parfaitement, et il l’agence de façon très pertinente. Il débute avec l’éloquente sonate en ré majeur, op.10 n°3 de Beethoven. Bien que les graves soient assez discrets dans le Presto, il se rattrape dans les mouvements suivants en travaillant énormément sur les résonances avec un son très propre et soigné, un toucher doux et profond, et un jeu subtile et touchant. Il continue avec Images, deuxième série de Debussy et transforme le piano en un véritable tableau coloré plein de finesse et d’honnêteté. On sent qu’il s’est approprié la pièce et qu’il veut nous la partager. Il garde les couleurs du Debussy dans la Laurentienne de Mathieu en proposant une interprétation très différente des deux candidats précédents. Les voix semblent plus singulières tout en communiquant de façon cohérente, avec beaucoup de textures et de contrastes. Il clôture la séance avec la Rhapsodie espagnole S 254 de Liszt en démontrant là encore une grande maturité, beaucoup de couleurs et de fantaisie. Bien que les trilles dans les aigus soient un peu trop vite saturés, il rend la pièce très vivante.
La première partie de ces demi-finales s’est donc achevée sur un brillant récital dont on aurait souhaité qu’il dure plus longtemps. On retient le nom de Giuseppe Guarrera et on souhaite le retrouver en finale ; pour le reste, on apprécie vraiment les répertoires romantique et moderne de cette deuxième partie de concours, qui donnent aux pianistes l’occasion de présenter les plus belles couleurs du pianoforte.

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