Bailey Eng + Alexandre Morin

Breach d’Alexandre Morin à Tangente | L’Océan à bout de souffle

Alexandre Morin, danseur et chorégraphe formé à l’École de danse contemporaine de Montréal, présentera son nouveau spectacle Breach à Tangente, du 7 au 10 mars 2019, en programme double avec Look de Bailey Eng. Dans l’Espace Vert de l’Édifice Wilder, au cœur d’un espace rectangulaire, véritable «aquarium lumineux », se produira une chorégraphie unissant les corps de cinq danseurs et un performeur sonore à des épaulards [orques ou killer whales] gonflables. Les spectateurs découvriront une mise en scène inspirée des Marinelands, dans laquelle ils seront invités à rentrer.

Le spectacle, né d’une fascination du chorégraphe pour les espèces marines et une réflexion sensible sur l’état des océans, les transcende par la création d’une chorégraphie qui scrute le potentiel infini du corps, grâce à un travail sur le souffle. Nous en avons discuté avec le chorégraphe, qui définit son œuvre comme une « invitation à plonger dans une expérience sensorielle et à réfléchir à notre relation à la nature et au monde animal ».

 

Un spectacle politique 

Lors de notre entrevue dans un café de la rue Jarry, Alexandre Morin nous fait part de sa joie de présenter la version aboutie du spectacle déjà montré en 2017 à Danses Buissonnières. Ce sont les travaux de la biologiste marine Ingrid Visser et de l’anthropologue Jane Desmond qui sont à l’origine de ce spectacle. La première s’intéresse particulièrement aux répercussions physiques et psychologiques de la captivité des mammifères marins, tandis que la seconde étudie en détail les mécanismes chorégraphiques des spectacles d’épaulards à Seaworld. Pour remettre en question la hiérarchie existant entre le monde animal et humain, Alexandre Morin a créé une chorégraphie qui réunit humains et épaulards gonflables.

D’où lui est venue cette idée ? Tout d’abord, confesse-t-il en riant, c’est un souvenir du film Mon ami Willy, mais surtout une attirance pour l’aspect ambivalent de l’objet. L’épaulard gonflable représente l’animal mais c’est aussi un objet kitsch, qui rappelle le monde de l’enfance. Il est aussi fait de matière synthétique, ce qui n’est pas sans rappeler la présence massive de plastique dans les océans. Ce spectacle fait donc de la danse un espace de réflexion, en évoquant la captivité des épaulards et les abus du tourisme marin. La chorégraphie toute en lenteur qui invite à un état méditatif crée également un rythme qui « privilégie la lenteur face au rythme de la société capitaliste ».

Breach en pleine répétition

« Développer sa signature chorégraphique »

Tangente est une « plateforme pour pouvoir s’affirmer comme jeune chorégraphe et développer sa signature chorégraphique », affirme Alexandre Morin. Celui-ci explique que Breach lui a permis de développer sa méthode de travail.

Alors que sa dernière pièce, en 2013, partait de la notion de « mémoire kinesthésique » et plongeait ses racines dans l’enfance, Breach cherche la « stimulation d’une mémoire plus collective, par le souffle (…), souvenir de notre vie embryonnaire, naissance de notre vie collective dans l’océan. »

C’est en voyant un épaulard gonflable branché à une pompe à air, se gonfler et se dégonfler, que l’idée d’une chorégraphie explorant le souffle est née. « La respiration est le point de départ », affirme Alexandre Morin. Il a travaillé, avec son équipe de danseurs, à mettre les spectateurs en contact avec « cet outil qui permet de plonger à l’intérieur du corps, de sentir les volumes et les organes bouger, pour rentrer en contact avec le corps fluide ».

Breach en pleine répétition

Le titre du spectacle, Breach , renvoie au saut qu’effectuent les épaulards pour sortir de l’eau et reprendre leur souffle. Étant des mammifères, ils ne peuvent respirer sous l’eau et passent la plupart de leur temps en apnée. Les danseurs ont cherché à apprivoiser cette apnée, et plus généralement « toutes les couches subtiles du souffle ».

En réunissant les animaux et les humains, l’idée n’était pas celle d’une rencontre, ni d’une confrontation, mais d’une fusion, afin de nous faire réfléchir à la domination de l’homme sur l’animal. En plus de la danse, Alexandre Morin accompagne le spectacle d’un « écosystème sonore » riche grâce à la conception de Jonathan Goulet. Revenant sur ces propos, le chorégraphe explique ce qu’il conçoit comme un « écosystème sonore » : un micro contact vient capter le souffle d’un performeur ajoutant ainsi des couches à la trame initiale. Le spectacle présente en quelque sorte une « nature recomposée » par le son.

Alexandre Morin déclare avoir appris énormément lors de la conception de ce dernier spectacle, mais insiste sur le fait que le mérite est partagé. Pour construire cet ensemble, il a fait appel à aux dramaturges Sophie Michaud et Mathieu Leroux. Les autres danseurs, le compositeur et le concepteur d’éclairage ont aussi façonné le spectacle. Breach est bel et bien un « point de pivot » dans la démarche de Morin afin de développer une pratique de mouvement qui lui est propre et de la transmettre.

À noter que le spectacle sera partagé avec l’œuvre Look de Bailey Eng, d’une durée de 25 minutes. Plus d’informations ici.

 

Les répétitions de Breach en 11 photos

 

 

Crédits

  • Chorégraphie : Alexandre Morin
  • Interprétation : Ivanie Aubin-Malo, Noémie Dufour-Campeau, Alexandre Morin, Chloé Ouellet-Payeur, Simon Renaud
  • Composition & performeur sonore : Jonathan Goulet
  • Conception lumières : Hugo Dalphond
  • Dramaturgie : Sophie Michaud & Mathieu Leroux
  • Conseillère artistique : Angie Cheng

 


* Cet article a été produit en collaboration avec TANGENTE

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