Blink-182 au Centre Bell | Redevenir des adolescents immatures pour un instant
Assister à un concert de Blink-182 implique forcément de ressortir, l’espace d’un instant, ce grand adolescent un peu niaiseux qui dort en chacun de nous. C’est la seule manière de pleinement apprécier le pop-punk des trois Californiens, qui, malgré l’approche de la cinquantaine, n’ont rien perdu de leur humour juvénile et de leur autodérision.
Contrairement à son dernier passage montréalais en 2016, Blink revenait cette fois-ci sur scène en compagnie de Tom DeLonge, le co-chanteur et guitariste original de la formation (désolé Matt Skiba, mais on préfère Blink avec Tom). Et malgré des prix de billets gonflés à l’hélium (pour ne pas dire carrément indécents), le Centre Bell était plein à craquer pour entendre les nombreux hits de ces pionniers de la pop-punk.
« Shit, piss, fuck, cunt, cocksucker, motherfucker, tits, fart, turd and twat. I fucked your mom! », chante Mark Hoppus sur la très courte Family Reunion pour mettre la table en début de concert, entre The Rock Show et Man Overboard. Certains diront que c’est puéril et immature, et pourtant, aucun des 17 000 spectateurs présents ne s’en plaindra! Après tout, on ne s’attendait à rien d’autre de la part du groupe, qui roule sa bosse depuis 1994.
Non, rien n’a vraiment changé avec Blink-182 : c’est toujours aussi infantile, nono… et diablement efficace! Malgré les conflits du passé, Mark Hoppus (bassiste et co-chanteur) et Tom DeLonge (guitariste et co-chanteur) sont encore très complices. C’est comme si les deux comparses ne s’étaient jamais laissés. Il fallait les voir s’échanger les moqueries et les blagues phalliques au fil du concert, à la manière de deux gamins inséparables, pour s’en convaincre.
On ne saurait trop dire pourquoi, mais il y a quelque chose de profondément rassembleur et authentique à les voir se tirer la pipe, se pogner les fesses et s’échanger des répliques insolentes entre deux chansons. Mark s’est notamment moqué de l’obsession de Tom pour l’ufologie avant Aliens Exist (Tom persiste et signe : il avait raison à propos des extra-terrestres!). Mais malgré son humour caractéristique, le groupe s’avère aussi capable d’aborder des thèmes plus sérieux, comme le suicide et la dépression sur Adam’s Song, ou le divorce parental sur Stay Together For The Kids, deux superbes morceaux particulièrement bien interprétés sur scène.
De son côté, le très tatoué et énergique Travis Barker demeure la force tranquille du groupe avec ses prouesses techniques à la batterie. « My drummer is better than your drummer! », nous a d’ailleurs rappelé Mark Hoppus pour vanter les mérites de Travis. Ce dernier insuffle en effet un niveau d’énergie contagieux aux morceaux de Blink-182, même les plus récents ou les moins connus, comme en témoigne notamment son furieux solo joué dans les airs à la fin de Ghost on the Dancefloor, que plusieurs fans ont dû apprendre à apprécier hier.
Un rapport particulier avec Montréal
Bien sûr, les fans n’étaient pas là pour entendre les albums récents, et les trois gars de Blink étaient assurément au courant. Ainsi, la moitié des 26 morceaux au menu étaient tirés des fameux albums Enema of the State (1999) et Take Off Your Pants and Jacket (2001). C’était surtout le cas en fin de concert, où le groupe nous a servi un feu roulant de hits en enchaînant coup sur coup What’s My Age Again?, First Date (avec une reprise des Ramones en introduction) et All the Small Things, pour le plus grand bonheur des amateurs, qui ne sont pas faits prier pour retomber dans la nostalgie de la fin des années 1990.
Évidemment, le groupe ne pouvait pas non plus oublier son album homonyme sorti en 2003, considéré par plusieurs comme leur meilleur album : Feeling This et surtout, la superbe I Miss You (définitivement devenue un hymne emo pour les fans du groupe), chantée à l’unisson par tous les spectateurs du Centre Bell, qui n’ont jamais cessé d’acclamer le groupe.
Oui, la cote d’amour de Blink est plutôt élevée à Montréal, et ce, depuis les tout débuts, comme nous l’a rappelé Mark entre deux chansons dans un discours bien senti : « À nos débuts, en 1994, on jouait devant une poignée de personnes aux États-Unis, ensuite, on traversait la frontière pour jouer devant des milliers de personnes au Vans Warped Tour à Montréal! ». Le bassiste nous a aussi remerciés d’être présents, nous rappelant au passage ses deux dernières années plus difficiles, où il a vécu le cancer et la chimiothérapie.
Avec un peu d’aide de l’autotune
Mais est-ce à dire que le concert était parfait : bien sûr que non (d’ailleurs, personne ne s’attend à la perfection avec Blink-182)! Le son était souvent mal calibré (autant pour les premières parties que pour le spectacle principal), si bien que les micros de Mark et (surtout) de Tom étaient parfois enterrés sous les instruments. D’ailleurs, Tom DeLonge a parfois recours à des bandes préenregistrées et à une touche d’autotune pour l’aider à compléter ses parties de chansons. Résultat : la voix du chanteur pouvait sonner étrange par moments.
On saura néanmoins pardonner au groupe ces quelques imperfections, notamment parce qu’ils s’en moquent ouvertement, notamment dans les nombreuses animations ludiques projetées derrière le groupe via deux grands écrans verticaux.
De Dammit… à Baby Shark(!)
Le groupe a clôturé sa performance avec Dammit, leur tout premier hit tiré de l’album Dude Ranch (1997), nous rappelant au passage leurs débuts plus punk, avant de renvoyer tout le monde à la maison sous un enregistrement de l’infâme chanson Baby Shark, probablement une stratégie pour s’assurer que tout le monde quitte rapidement!
Au final, le trio californien aura continué de cultiver la belle relation qui les lie à Montréal depuis pratiquement 30 ans avec un concert authentique, amusant et énergique qui aura réussi à satisfaire de nombreux nostalgiques (même si, avec des billets pouvant osciller entre 200 et 500 $, on peut dire que la nostalgie a coûté cher pour plusieurs!)
Quelques citations en rafale
« Je vais à la plage »
– Mark Hoppus qui lance la seule phrase en français de tout le concert (et probablement l’une des plus aléatoires à ne jamais avoir été dite sur scène au centre Bell)!
« Ladies and gentlemen… make some noise for Jesus Christ! »
– Tom DeLonge, se moquant gentiment d’un technicien aux cheveux longs.
« You know what I like about Montreal? It’s not fucking Toronto! »
– Tom DeLonge, faisant abstraction du que le prochain concert prévu de son groupe était à Toronto.
Turnstile en première partie
C’est le groupe de punk hardcore Turnstile qui avait pour mission de réchauffer la salle avant l’arrivée de Blink-182. Et malgré des problèmes de son (eh oui, encore une fois!) on peut dire que le groupe originaire de Baltimore a bien tiré son épingle du jeu.
Après avoir fait éclater le festival Osheaga l’été dernier, le groupe a repris là où il nous avait laissés avec une performance endiablée et énergique à souhait (surtout du côté du chanteur Brendan Yates), où leur excellent troisième album GLOW ON était à l’honneur! Le parterre du Centre Bell a ainsi pu pratiquer ses moshpits (somme toute assez gentils) devant les pièces courtes, rageuses (et parfois cacophoniques) de la formation, telles que MYSTERY, TLC, UNDERWATER BOI, BLACKOUT et HOLIDAY.
Avec le grand succès public et critique de GLOW ON, et de telles performances enflammées, parions que Turnstile a gagné plusieurs adeptes au passage!
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