Critique album | Marketa Irglova – Muna
“Muna” est un mot islandais qui signifie “se rappeler”. Ce deuxième album de Markéta Irglová tourne autour des thèmes de la mémoire ainsi que du mystère de la foi. L’artiste tchèque de 26 ans, ancienne membre de The Swell Season et actrice principale du film culte Once en 2007, a concocté un disque qui, bien qu’il ne se définisse pas comme un album concept, comporte tout de même un semblant de trame narrative. C’est un peu flou, mais on y décèle une certaine évolution au fil des questionnements exprimés par les chansons.
D’ailleurs, ces chansons se présentent souvent sous forme de dialogues. Dans la première moitié du disque, Irglová met en textes ses interrogations face à Dieu, exigeant de lui des réponses, lui demandant comment le prier, abordant au passage les beautés de la vie (The Leading Bird) et les horreurs de la guerre ainsi que de la nature humaine (Time Immemorial).
La première pièce, Point of Creation, s’ouvre sur les cloches d’une église, suivies par une chorale qui entonne un chant religieux (en français), et puis la voix douce de Markéta Irglová, qui évoque sa naissance (sa création) et demande à Dieu de lui parler. C’est suivi par un chœur qui lui répond, rapportant vraisemblablement les paroles du Créateur. Ce genre de va-et-vient entre la chanteuse et ses choristes est répété souvent au fil du disque.
Et si ces « bondieuseries » ne vous disent rien qui vaille, sachez que l’album en est rempli, sauf que « Muna » vaut grandement la peine qu’on s’y attarde d’un point de vue strictement musical.
Depuis son premier disque, « Anar », lancé en 2011, la voix d’Irglová a pris en maturité. Son style musical n’a pas changé – il s’est peut-être bonifié, mais en gros, ça reste semblable : voix et piano sont au cœur de l’ensemble et forment la base de chaque chanson. C’est parfois augmenté de guitare (Seasons Change), ou dans un cas particulier — Fortune Teller — , la chanteuse et son groupe créent un rythme flamenco (clappements de mains, guitare, etc.) qui s’inscrit très bien au sein de l’album, et qui met en vedette l’extraordinaire voix de la chanteuse et musicienne perse Aida Shahghasemi.
La première moitié du disque culmine majestueusement dans Without a Map, pièce quasi épique dont l’intensité augmente à chaque instant. On peut y entendre le Notre Père interprété par les chœurs à la fin, concluant ainsi le premier chapitre de Muna.
La deuxième partie traite davantage des relations amoureuses. D’ailleurs, on y retrouve l’une des meilleures chansons de l’album, Phoenix, où deux amoureux discutent et où l’un dit à l’autre de ne pas lui donner de fleurs (des fleurs mortes), mais propose plutôt de planter ensemble un arbre qui poussera et représentera leur amour. Simple, mais joli.
Tout au long de l’album, les textes sont d’une grande beauté, malgré leur apparente naïveté. Les thèmes abordés ne sont peut-être pas du goût de tous, mais la musique de Markéta Irglová s’élève au-dessus de la mêlée. Ce que la chanteuse et musicienne propose, c’est un voyage spirituel riche et dense, qui demande plusieurs écoutes. C’est une musique automnale, douce et apaisante. Et c’est surtout un deuxième album qui démontre une grande assurance et une originalité dans le style. Markéta Irglová a créé en deux disques son propre langage musical musical, et c’est sublime.
- Artiste(s)
- Marketa Irglova
- Catégorie(s)
- Folk,
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