
Festival international de Jazz de Montréal 2025 – Jour 1 | Triomphe clownesque et autres tribulations funk (Clown Core, Karneef, Bilal & Azmari)
Gros programme pour débuter cette nouvelle édition du très couru festival en ce 26 juin! Si Bilal constituait une valeur sûre pour lancer la soirée, le reste aura réservé plus de surprises, pour le meilleur et pour le pire comme vous le verrez dans les prochaines lignes.
Bilal
L’Américain se présentait à Montréal dans une drôle de position. Sans être tout à fait un headliner ou un gros vendeur de billets, le chanteur maintient tout de même une solide base de fans partout où il passe, chez nous ne faisant pas exception. Ce statut vient toutefois avec un gros avantage : pouvoir s’en permettre. Pas d’attentes, pas d’impératifs de vente, le gars peut un peu faire ce qu’il veut sur scène sans courir derrière des approbations de l’organisation.
Le résultat lui ressemble : un spectacle varié, techniquement très bien, et surtout souriant. La foule sourit, Bilal sourit, ses musiciens aussi. Il y a une ambiance bon enfant indéniable qui plane sur le Parterre du Quartier des spectacles pendant toute l’heure de la prestation et ça fait du bien. Le public profite de cette musique cérébrale qui ne l’est pas trop non plus, et si il pourrait y avoir eu plus de monde, les personnes présentent se montrent généreuses en applaudissements et en écoute qui permettent de nourrir le chanteur et ses accompagnateurs, tous d’excellents interprètes ayant leur propre pedigree bien rempli. La chanson Spiraling, écrite aux côtés du grand Adrian Younge sera certainement le meilleur exemple du talent de l’ensemble. Chapeau!
Karneef
Plus ou moins annoncé à l’avance, le Montréalais se retrouvent à ouvrir pour Clown Core, gros défi surtout considérant que, comme il le répètera à chaque intervention, il est un énorme fan du duo. L’autre défi, c’est de présenter une variété de nouvelles chansons sur scène, lui qui a lancé son dernier opus en avril dernier et semble avoir besoin de rodage encore un peu. Ponctués de problèmes techniques aux effets de voix, les premiers moments du set laisse planer un certain doute, autant chez le public que chez l’interprète lui-même, un petit moment d’égarement qu’il parviendra éventuellement à surmonter.
Il faut dire que son groupe est particulièrement solide. Le saxophoniste Evan Shay vient agir comme une sorte de chef d’orchestre, pierre d’assise d’une formation aux arrangements fournis. La choriste et tromboniste Teddy Kadonoff fait aussi très bien dans ses interprétations versatiles, questions de mieux mettre de l’avant la voix de Karneef lui-même. Pleine de groove, bien électronifiée, la musique qui nous est présentée finit par plaire, se révélant dansante. On aurait pris un peu du petit côté punk de certaines compositions, question de mieux balancer le rendu avec la puissance de ce qui suivra, mais le chanteur et sa bande s’en sortent assez bien à la fin de leurs trente quelques minutes de présence scénique.
Clown Core
Tabarnak que ça a brassé. Le duo américain meme-core et fusion métal a répondu exactement aux attentes d’un public peu nombreux, mais énergisé comme pas un, malgré les risques inhérents à la performance en soi.
Le spectacle commence, et ce sera l’une des lignes directrices de la soirée, sur le public. Un caméraman se promène d’un bord et de l’autre de la scène, filmant l’assistance avec des images transmises en fond de scène et accompagnées de messages variés. Un enregistrement demande éventuellement au public de se taire pour se propre sécurité, consigne difficilement écoutée parce que ponctuée de klaxons de clown fusant de la crowd.
S’ensuit le début de la performance, et j’utilise vraiment ici le mot performance dans son sens usuel artistique. Un accompagnateur cagoulé (qu’on présuppose projectionniste) vient prendre place sur une chaise placée au centre de la scène, le temps de se griller une tope sans trop bouger, laissant le public y voir ce qu’il veut bien. Le procédé est déjà hilarant, ça ouvre bien la porte à ce qui suivra.
Avec des projections de planètes et d’espace qui continuent de rouler, le mystérieux homme masqué fait des tours de la salle avec la sécurité pendant que les deux clowns entrent sur scène sous un tonnerre d’applaudissements. Heureux de constater encore une fois les pouvoirs d’internet. La performance débute sur un seizure warning, une inclusion que je salue grandement, parce que oui, dire que les risques étaient présents serait un solide euphémisme. Y’a pas beaucoup de moments où les projections du groupe seront tranquilles. Quelques images des rues de LA au petit matin, une mystérieuse planète en steak… Ça va loin. Dans ses moments les plus intenses, le groupe tente plutôt de choquer grâce à des successions d’images générées par IA très rapides, ponctuées de porn, avec des femmes devenant tour à tour des pénis ou des chevaux. C’est un peu gratuit, mais la vibe est là et les quelques personnes de sexe féminin à qui j’aurai parlé suivant la performance ne s’en formaliseront pas, donc tout est bien qui finit bien.
Musicalement, on a droit à une masterclass de jazz. Pour décrire un peu l’ambiance aux néophytes : imaginez Black Midi, mais rapide. C’est un peu ça Clown Core : du jazz sur de la poudre cheap achetée sur un coin de rue au centre-ville de Los Angeles à 2h de l’après-midi. Ça bouscule autant le public que les conventions et c’est très bien comme ça. Le saxophone est technique, les percussions millimétriques. Tout fonctionne dans un parfait synchronisme, chose très satisfaisante vu le danger de jouer une telle musique en duo : impossible de cacher ses imperfections derrière qui que ce soit d’autre. Les plages plus planantes fonctionnent bien, mais ce seront vraiment les moments les plus énérgisés qui marqueront les esprits, culminant avec un très court rappel (1:30) axé sur une unique composition : l’infâme Hell, pièce qui aura fait la notoriété du groupe. La foule, emplie de musiciens et de pros, ressort comblée, moi y compris.
Azmari
Je triche un peu ici sur le concept : le groupe Belge ne connaît le FIJM ni d’Ève ni d’Adam. J’ai plutôt attrapé son set par pur hasard en me rendant au Quai des Brumes prendre « une » dernière bière de fin de soirée.
La formation prend beaucoup de place, autant sur scène que dans les enceintes. Avec une trâlée d’instruments, allant des plus classiques du jazz (guitare, basse, batterie, saxophone…) aux plus folkloriques et mondialistes. Il en résulte une musique particulièrement prog, en furieuse cavalcade constante visant à faire danser autant qu’à impressionner. Le processus est chose réussie, la musique se faisant constante et virtuose, interprétée par des musiciens à l’écoute l’un de l’autre.
Grosse première soirée pour ma part donc. Quatre artistes, quatre réussites malgré d’inévitables petits pépins en cours de route. On remet ça de mon côté dès ce soir avec Azymuth, Natalia Lafourcade et Makaya McCraven, sélection qui n’a rien à envier à celle de la veille.
- Artiste(s)
- Azmari, Bilal, Clown Core, Karneef
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Le Parterre du Quartier des spectacles, MTELUS, Quai des Brumes
- Catégorie(s)
- Deathcore, Festival, Indie jazz, Jazz, R&B,
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