Buena Vista Orchestra (membres originaux du Buena Vista Social Club)

Buena Vista Orchestra au Palais Montcalm|La célébration de la musique cubaine à son meilleur

C’est de la visite rare au Québec! Le Buena Vista Orchestra, incluant quatre membres du collectif original Buena Vista Social Club, a réjoui deux salles combles au Palais Montcalm ces jeudi et vendredi soir. Onze musiciens issus d’au moins quatre générations offrent un concert sans entracte de 2 h 15, explorant un répertoire latin mondialement reconnu et apprécié.

Si la musique traditionnelle cubaine et latine a gagné en popularité à la fin des années 1990, c’est sans conteste grâce au disque et au documentaire Buena Vista Social Club (1997)!

Initié par le producteur britannique Nick Gold et le guitariste américain Ry Cooder, le projet réunit des légendes cubaines comme Compay Segundo, Ibrahim Ferrer, Ruben Gonzales, Omara Portuondo. Ensemble, ils dépoussièrent des classiques du répertoire populaire des années 1920 à 1950.

Le point commun entre ces artistes? Ils ont vécu l’âge d’or de cette musique et, au moment de l’enregistrement en 1996, la plupart avaient déjà plus de 65 ans. Compay Segundo, par exemple, avait alors 89 ans!

Le succès inattendu du projet (récompensé notamment par un Grammy Award) les amène à faire le tour du monde pour présenter l’album sur scène. Une consécration d’autant plus surprenante quand on considère le contexte politique et historique entre les États-Unis et Cuba (ou quand la musique est apolitique!). L’union des deux aura finalement donné naissance à un héritage musical unique.

Sans s’en rendre compte, le public étranger s’attache à des genres désuets comme le son cubano (présent dans la pièce Chan Chan), le boléro (Dos Gardenias), la guajira (Guajira en F), le danzón (Buena Vista Social Club) ou encore le guaracha (Candela).

 

Une tradition qui perdure

Même si plusieurs membres fondateurs sont décédés dans les années 2000, l’esprit de Buena Vista Social Club continue de briller dans des tournées mondiales à travers diverses formations.

Jesus Aguaje Ramos, tromboniste et directeur musical, a monté le Buena Vista Orchestra avec trois autres membres historiques (Emilio Senon Morales Ruiz, Fabian Garcia et Luis Betun Mariano Valiente Marin), ainsi que des musiciens de la nouvelle génération.

 

Le Québec a eu la chance d’accueillir cette formation pour la première fois sur plusieurs dates, dont deux dans la Capitale-Nationale. Seuls Compay Segundo et Omara Portuondo s’y étaient produits auparavant, respectivement au Capitole et au Palais Montcalm.

La richesse d’un orchestre, reflet de la musique cubaine

Dès les premières notes instrumentales de Chan Chan, le public voyage. On se laisse envoûter par l’élégance du piano, accompagné délicatement par les percussions, puis des cuivres puissants.

Les congas, bongo, timbales, basse et guitare sont à l’arrière tandis que trompettes, trombone, piano et chanteurs prennent d’assaut l’avant de la scène. Ça en impose « drette en partant »! Il est si rare de profiter du talent d’autant de musiciens internationaux en salle.

L’acoustique du Palais Montcalm est parfaite pour loger ce projet d’envergure et lui rendre justice. Le programmateur Nicolas Houle tenait à ce son digne et fidèle à la formation originale. Le projet de Ramos le permet!

Le maestro dirige l’ensemble avec vigueur et passion, rassemblant vétérans et jeunes talents… quitte à jouer en famille. Sa fille, Lorena Lazara Ramos Diaz, l’accompagne au trombone, perpétuant l’héritage avec brio.

Quand on pense à la musique latine, on pense à la fête. Pourtant, elle est aussi chargée de mélancolie et de douleur comme on a pu l’entendre dans Que Te Pedi, (équivalent d’une ballade) poignant sur l’amour perdu. Les spectateurs ne comprennent pas forcément les paroles, mais les émotions sont bien présentes et universelles dans la voix des chanteurs.

Le maître de cérémonie Rogelio Ricardo Oliva Orelly a incarné la jovialité et le romantisme du lyrisme cubain. Quant à Geidy Chapman, c’est la chanteuse virtuose par excellence qui porte à la fois force et douleur cubaine dans les graves de sa voix. Un timbre unique!

Si la première demi-heure du spectacle a été plus contemplative, les interprètes n’ont pas tardé à faire lever la salle pour entonner la célèbre chanson Quizás, Quizás, Quizás dans une version dynamisée et participative pour incarner l’appel désespéré de l’être aimé.

Un langage universel malgré la barrière de la langue

Bien que la formation s’exprime majoritairement en espagnol, la musique et les gestes suffisent pour embarquer les Québécois dans leurs folies. L’un des instants comiques de la soirée? Bésame mucho, où le public connaissait bien la mélodie, mais moins les paroles, provoquant une tentative de chant collectif un brin hasardeuse! Même effet avec Chan Chan, le plus gros succès de Buena Vista Social Club, qu’on connaît sans nécessairement comprendre les paroles.

Si on s’intéresse au contenu, l’auditeur serait surpris d’entendre des thèmes ou des histoires peu courantes dans le répertoire francophone tels que l’ambiance festive des marchés (Bodeguero), un incendie rocambolesque (El Cuarto de Tula) ou les bananeraies (Platanal de Bartolo).

Les moments forts du concert? Les solos!

El Trombon Majadero (Le trombone fougueux), composition de Ramos, a mis en lumière toute la fougue et l’exubérance de cet instrument sans oublier le souffle infatigable de l’artiste. Sa fille et le trompettiste Amaury Oviedo, représentants de la jeune génération, se greffent sans difficulté au rythme endiablé… La relève est assurée!

Mention spéciale à Luis Betun Mariano Valiente Marin et son bongo, qui ont électrisé la salle en jouant avec ses coudes avant de faire tester son instrument à des spectateurs audacieux. Rien de mieux pour créer la proximité. Et dire que les percussions africaines ont été réprimées sous l’esclavage à Cuba…

Un échange culturel précieux

On ne peut pas présenter de musique cubaine sans faire écho à la reine de la salsa Celia Cruz. Le Buena Vista Orchestra lui offre un bel hommage en reprenant Bemba Colora, une guaracha engagée et rythmée dénonçant les préjugés raciaux à Cuba. Là encore le public ne connaît pas les paroles, mais les chanteurs savent y faire pour le faire participer en répétant trois syllabes.

Après deux heures de voyage sans longueur, la formation vibre à l’unisson sur Carbonero (Charbonnier), de quoi se faire amplement désirer pour un rappel.

Le groupe revient sous un tonnerre d’applaudissements pour présenter deux dernières pièces résumant parfaitement l’essence de la soirée. Silencio, duo romantique entre Geidy Chapman et le maestro Ramos (cette fois chanteur), puis Candela, une explosion festive qui aurait pu se prolonger jusqu’au bout de la nuit.

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