crédit photo: Sebastian Sevillano
Fontaines D.C.

Fontaines D.C. au MTELUS | Au-delà du (post-)punk pour passer à la postérité

Le groupe irlandais Fontaines D.C. était de retour à Montréal samedi soir, un an après avoir assuré la première partie d’Arctic Monkeys au Centre Bell, deux ans et demi après leur propre dernier spectacle en tête d’affiche (au Corona en mai 2022) et à peine quelques semaines après la parution de leur nouvel album Romance. Comme si on avait besoin d’une preuve, le groupe nous a démontré une fois de plus pourquoi il mérite d’être l’un des plus gros phénomènes du rock des années 2020.

De tous les groupes associés à la nouvelle vague post-punk britannique/européenne de la décennie COVID — on pense à IDLES, Shame, Black Midi, Black Country New Road, Squid, Dry Cleaning, Viagra Boys, Sleaford Mods, Yard Act entre autres — peu ont réussi à se rendre à plus de trois albums en renouvelant leur pertinence sans perdre leur essence. C’est peut-être ce qui vaudra à long terme à Fontaines D.C. le titre de chef de file de ce renouveau spectaculaire du rock. Voire même de transcender la vague post-punk 2.0, à l’instar d’un Radiohead qui se démarquait complètement du mouvement Britpop des années 1990 pour éclipser toute comparaison avec les Oasis, Pulp et Blur de ce monde.

Romance y est pour beaucoup. L’album continue d’explorer avec tact leur vision troublée du monde par la poésie de son chanteur Grian Chatten, mais sur une musique plus accessible, où les mélodies pop sont assumées, tout comme les touches de nu-metal et les inflexions de rap, avec des orchestrations luxuriantes et des synthés ingénieux. Si le premier album, Dogrel, « donnait envie de kicker des poubelles », comme le soulignait avec justesse l’amie d’un ami à la sortie du MTELUS, le groupe a progressivement nuancé son approche sans devenir emmerdant, et Romance en est la culmination.

Restait à voir comment cette approche plus raffinée allait se transposer sur scène, et comment les nouvelles chansons allaient cohabiter avec celles des trois albums précédents dans un même setlist. La réponse est sans équivoque : le show de Fontaines D.C. est plus convaincant que jamais, plus mature mais sans perdre de mordant. D’ailleurs, pas question de présenter une production léchée, avec des projections haut de gamme ou des mises en scène spectaculaires. Fontaines D.C. demeure Fontaines D.C., avec un décor de base, un rythme soutenu de chanson en chanson, très peu d’interventions entre les titres, pas de flagorneries.

En fait, oui, peut-être UNE flagornerie… La bande a eu la brillante idée de mettre Montréal dans sa petite poche en soulignant son admiration pour la poésie de la légende locale Leonard Cohen en faisant jouer sa superbe chanson Avalance en guise d’introduction avant d’arriver sur scène. Et pas qu’un extrait : toute la chanson de cinq minutes au complet!

Le bassiste Conor Deegan III se pointe ensuite sur scène et joue les premières notes déjà familières de la première chanson du nouvel album, Romance. Ça débute tout en mystère, puis ça explose, et suivra ensuite l’excellente Jackie Down The Line. Quelle entrée en matière!

Fontaines D.C. enchaîne avec une sélection hétéroclite mais pertinente de chansons issues des quatre albums. De Dogrel, on n’aura que la courte mais punchée Big et une version endiablée de Boys in the Better Land. Big Shot, issue de Skinty Fia (2022), sera aussi remaniée avec plus de mordant.

Du nouvel album, on nous en présentera huit, dont les très bonnes Bug et Death Kink, mais surtout la très Smithesque Favourite, dédiée à Johnny Marr qui sera d’ailleurs en ville le lendemain, comme le souligne Gratten. Un retour d’ascenseur de la part du groupe que l’ex-guitariste de The Smiths a publiquement couvert de compliments à plusieurs reprises au cours des années.

Après une bonne heure bien tassée (14 chansons en 60 minutes!), le rappel démontre bien que son succès n’a rien de nostalgique en concluant sur la balade In the Modern World, plaidoyer pour trouver du réconfort et de l’apaisement dans le monde actuel, puis les deux titres qui se disputent le plus grand nombre d’écoutes sur Spotify, le single I Love You de l’album Skinty Fia, et le premier single de Romance, l’excellente Starburster. Cette chanson est en train de devenir l’hymne du groupe, et personne n’osera s’y opposer.

N’en déplaise aux fans de la première heure, qui ont adopté Dogrel dès sa sortie au printemps 2019 et qui étaient réunis devant la scène verte à Osheaga en début d’après-midi le dimanche, cet été-là — et ce n’est pas un reproche: on fait partie de cette catégorie! — Fontaines D.C. est rendu ailleurs, ratisse plus large, et porte son regard droit devant puisque son ascension n’a pas encore plafonné et on est là pour la suivre.

Certains pourraient reprocher au groupe la courte durée du spectacle, à moins d’une heure et demie, mais pour une formation qui ne s’enfarge pas dans les fleurs du tapis et n’a que faire des conventions, il faut apprécier cette performance de 17 grosses chansons pour ce qu’elle est.

Est-ce qu’on aurait pris un petit Sha Sha Sha ou Too Real pour le bon vieux temps? Bien sûr!

Mais pour ça, fallait être là quand c’était ça. Quand la musique du groupe, sans détour, donnait encore juste envie de kicker des poubelles, en plein après-midi à Osheaga, devant une cinquantaine de personnes.

Been Stellar et le renouveau du rock new-yorkais

Pendant que Fontaines D.C. s’occupe à convaincre le monde entier que le rock européen mérite notre attention, des groupes comme Been Stellar s’assurent que le rock new-yorkais se renouvelle aussi. La jeune bande d’étudiants universitaires s’étant rencontré à NYU aura trouvé une façon de se faire apprécier en première partie de Fontaines D.C.

Leur nom sonne comme celui de l’acteur américain Ben Stiller, et leur son sonne celui des Strokes et des Walkmen. C’est du moins leur réputation, confirmée en partie sur leur premier album Scream From New York, NY.

Mais sur scène, ça surprend: leur son est davantage infusé de shoegaze, avec des murs de guitares que les Strokes n’oseraient jamais tenter de créer.

Le chanteur Sam Slocum a de la graine de Casablancas dans le nez, par sa posture, sa gestuelle, son flegme, mais à part ça, on dirait plutôt un mélange de My Bloody Valentine et The Walkmen qu’une ixième tentative d’imiter le son brut et unique des Strokes.

La section rythmique nous a semblé particulièrement convaincante, surtout sur les titres Manhattan Youth (du premier EP homonyme mais nettement plus intense sur scène), Pumpkin et I Have The Answer.

Le genre de groupe qui pourrait grimper les rangs rapidement et se retrouver sur toutes les lèvres des adeptes de rock primal et intense avant longtemps.


Photos en vrac (Fontaines D.C.)


Grille de chansons

  1. Romance
  2. Jackie Down the Line
  3. Televised Mind
  4. A Lucid Dream
  5. Roman Holiday
  6. Big Shot
  7. Death Kink
  8. Bug
  9. Here’s the Thing
  10. Big
  11. Sundowner
  12. Nabokov
  13. Boys in the Better Land
  14. Favourite

Rappel

  1. In the Modern World
  2. I Love You
  3. Starburster

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