Mireille Mathieu à la Salle Wilfrid-Pelletier | Convenue, mais émouvante
Mireille Mathieu, un monument de la chanson française, était de passage à Montréal pour deux soirs, après 35 ans d’absence au Québec. Avec près d’une trentaine de titres, elle a donné un aperçu de son vaste répertoire à un public conquis d’avance et qui lui a offert plusieurs bouquets et ovations tout au long de la soirée pour saluer sa voix toujours aussi puissante.
Semaine bien remplie en aventures musicales : jeudi, c’était l’excellent post-rock bruyant des Britanniques de Squid, le vendredi était accompagné des projections 360° au Planétarium avec le rock psychédélique de Dark Side of the Moon et ce samedi, c’est une soirée de Saint-Valentin en compagnie de ma douce pour écouter la variété de Mireille Mathieu.
J’avoue être venu avec une certaine dose d’ironie et de second degré à la Place des Arts pour écouter Mireille Mathieu, celle qui a bercé ma jeunesse par son omniprésence à la radio et à la télévision française, pas toujours avec mon consentement d’ailleurs. Est-ce qu’on allait être charmé par la chanteuse aux 60 ans de carrière et à l’iconique coupe de cheveux ou rire à gorge déployée devant tant de quétainerie?
Le spectacle commence dans la Salle Wilfrid-Pelletier, pleine à craquer, bien avant le lever du rideau, car un grand nombre de personnalités québécoises ont fait le déplacement ce soir, de Michèle Richard à Pierre Lapointe. À ma grande surprise, le public n’est pas seulement composé de têtes argentées, il y a de tous les âges et j’ai pu noter la présence de différentes communautés culturelles. L’impact de Mireille va bien au-delà de ce que l’on imagine.
* Photo par Jean-Charles Labarre.
Le concert débute avec une longue introduction musicale qui accompagne des projections vidéo vraisemblablement tirées de populaires émissions françaises produites par Maritie et Gilbert Carpentier dans les années 70 et 80. Par la même, on se rappelle qu’à ses débuts, Mireille Mathieu était un méchant pétard qui n’avait rien à envier à Sylvie Vartan ou à Françoise Hardy, avant que Mireille n’opte définitivement pour sa coupe de cheveux invraisemblable et une tenue de scène toute noire plus proche de la pleureuse sicilienne que d’une chanteuse de divertissement.
Le grand rideau rouge s’ouvre enfin pour laisser place à la chanteuse de 77 ans, qui s’amène tranquillement sur le devant de la scène dans une robe noire couverte de brillant d’inspiration Paco Rabanne. Avec une démarche mesurée, elle entonne son premier titre de la soirée, Quand la nuit vient sur la ville. Surprise, la voix est toute là, tout en présence et en force. La diction est très marquée et les « R » roulent avec force et vigueur, comme un curé dans une émission des Soirées canadiennes.
* Photo par Jean-Charles Labarre.
La scène est bien remplie : la chanteuse a une grande partie de la scène centrale qui lui est réservée, tandis que quatorze musiciens l’entourent, avec notamment un joueur de saxophone et de flûte traversière, un accordéoniste plutôt discret, trois choristes et un quatuor de cordes.
Sans étonnement, nous sommes très loin des grandes productions à la Madonna, il n’y a aucun danseur qui s’est frotté lascivement à la chanteuse tandis qu’un autre lui lèche les genoux. Et bien sûr, il n’y aucun lyp sinc, ni aucune présence de télésouffleur. Mireille est de la vieille école, avec un micro à fil et des retours de scène tout autour d’elle. À part d’excellents jeux de lumière, dynamiques et colorés, il n’y a aucun artifice ce soir.
Avec un spectacle en deux parties entrecoupé par un entracte, ce n’est pas loin de 30 chansons que nous livre Mireille Mathieu en un peu moins de deux heures. Comment est-ce possible? Ses titres sont tous très formatés pour la radio, autour des 3 minutes avec des titres très directs, qui proposent quelques alternances de couplet/refrain, le tout sans fioritures musicales. Le principal thème de ses titres est l’amour triste, souvent décevant, désabusé ou impossible. Il n’y a pas d’amour heureux chez Mireille, pour paraphraser Aragon.
Et pourtant, le public présent ne manque pas d’amour pour la chanteuse, avec de multiples ovations, que ce soit après l’entrée en scène de la chanteuse ou tout au long de titres plus célèbres que d’autres. Il y a aussi eu de multiples bouquets offerts à l’artiste par des fans émus.
* Photo par Jean-Charles Labarre.
La liste des hits interprétés par la chanteuse ce soir est fournie, toujours avec une superbe voix et une prononciation exagérée, accompagnée de gestes secs et pleins d’assurance, finissant régulièrement sur une note maintenue : Il pleut toujours quand on est triste, Pardonne-moi ce caprice d’enfant, Mon credo, Tous les enfants chantent avec moi et les forts appréciés Santa Maria de la mer et Acropolis adieu, pour n’en citer qu’une poignée.
Pour revenir à ses sources et promouvoir la sortie d’un énième album hommage à Piaf, celle qui avait été lancée comme la « nouvelle Édith Piaf » en 1965 nous interprète l’Hymne à l’amour et Non, je ne regrette rien, dans des versions impeccables aux arrangements proches des originaux. Je regrette cependant une ligne finale de guitare électrique sur l’Hymne à l’amour, qui n’est pas vraiment bienvenue ni du meilleur goût.
Mireille nous propose une version touchante d’Un dernier mot d’amour, simplement accompagnée par le piano et rejoint par le violoncelle sur la fin. Et on se pose alors la question de ce qu’aurait pu être son répertoire si elle avait choisi de s’éloigner quelque peu du carcan castrant de la variété et de prendre davantage de risques musicaux…
* Photo par Jean-Charles Labarre.
Il y a eu un moment plein d’émotions lors d’un hommage appuyé à sa mère, morte en 2016, avec le titre Maman, la plus belle du monde, titre notamment popularisé par Luis Mariano. La chanteuse entonne les premiers mots avec le moton dans la gorge. Tout cela est bien touchant, accompagné d’images projetées de Mireille et de sa mère, si ce n’est que ça ressemble à un mauvais PowerPoint fait par votre neveu au secondaire…
Le spectacle se termine avec l’adaptation du titre d’ABBA Bravo tu as gagné, où la chanteuse commence à forcer la voix mais reçoit en retour une dernière ovation très fournie. On regrettera de ne pas avoir entendu certains titres tels qu’Une femme amoureuse ou Together We’re Strong, le duo de 1983 avec Patrick Duffy. On a tout de même entendu Mille Colombes, repris par quelques fans dans le hall en sortant. L’occasion de la mort de l’opposant Alexeï Navalny ce jour même aurait pu permettre à la chanteuse de se prononcer et de se distancier enfin de son fan encombrant et néanmoins dictateur Vladimir Poutine. Mais elle ne fait pas de politique…
Du haut de ses 5 pieds, Mireille Mathieu reste une grande chanteuse de la variété française avec des chansons très formatées. Elles manquent parfois de surprises, mais rejoignent un large public heureux d’entendre sa voix toujours impressionnante pour une prestation convenue, mais fort réussie. Quelques heures après le concert, Tous les enfants chantent avec moi est encore dans ma tête, alors que ma douce reste accrochée sur Santa Maria…
On peut retrouver Mireille Mathieu ce dimanche 18 février à la Salle Wilfrid-Pelletier, puis à Québec le 20 février et à Sherbrooke le 23 février.
- Artiste(s)
- Mireille Mathieu
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Salle Wilfrid-Pelletier
- Catégorie(s)
- Chanson, Francophone,
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