Come From Away à la Place des Arts | Se souvenir des belles choses
11 septembre 2001 : 7 000 personnes se retrouvent bloquées dans la petite ville de Gander, à Terre-Neuve-et-Labrador, après que tous les vols à destination des États-Unis aient été déviés de leur trajectoire, et bloqués au sol avec interdiction de se poser sur le territoire américain jusqu’à nouvel ordre. Comment – à partir d’une prémisse aussi perturbante, triste et choquante que les attentats du 11 septembre – peut-on arriver à monter un spectacle musical enlevant, drôle et rythmé ? C’est pourtant le pari relevé et réussi de la comédie musicale Come From Away, petit bijou de Broadway, de passage à la Place des Arts jusqu’à dimanche.
Ce qui nous prend de plein fouet dès les premières minutes, c’est sans aucun doute l’énergie de la mise en scène, qui ne faiblit à aucun moment. La distribution comme l’orchestre sont sur un feu roulant permanent, qui comporte certes quelques nuances plus calmes, mais qui de manière générale, traduit très justement le sentiment de panique et d’urgence qui se saisit des quelques âmes vivant dans la petite bourgade de Gander.
Nous serions perdus pour moins que ça!
Imaginez un instant 7 000 personnes qui débarquent chez vous sans repères, ne parlant pas la même langue, déboussolées par le manque d’information. Come From Away, c’est exactement ça : se revirer sur un 10 cents pour aider l’autre, peu importe ses origines, ses croyances, son histoire.
Tout n’est pas si rose, tout de même. Au travers de quelques portraits d’habitants et de passagers de l’avion en déroute, certaines personnalités se révèlent. Peur de l’inconnu ou idée reçue, il ne fait pas toujours bon d’être d’origine arabe, même dans une ville d’apparence si accueillante.
Plus simplement, il y a aussi les aléas de la vie en (grosse) communauté. Rassembler vêtements et nourriture, garder les sanitaires décents, gérer les frustrations, les inquiétudes, les colères. Tous ces sentiments sont bien distillés tout au long du spectacle, d’une durée de 1 h 40 sans entracte.
Les interprètes à la fois habitants et réfugiés nous offrent une palette de jeu et de registre vocal qui nous permet de rentrer dans l’histoire, instantanément. Et c’est ainsi que l’on se met à suivre avec émotion le parcours de ce couple gay en plein questionnement, de cet amour naissant entre deux êtres que le destin rapproche, de cette mère de famille qui s’accroche à l’espoir que son fils pompier ait survécu là-bas…
Ce sont de vraies gens, des portraits dans lesquels nous pouvons nous projeter. Leurs réactions, nous pouvons les comprendre, parce que c’est un spectacle profondément humain. Aucune question à se poser : il y a un problème, Gander n’a peut-être pas la solution, mais elle va tout faire pour la trouver. Et c’est bien cette implication sans retenue qui émeut et qui réconcilie, sachant que cette histoire est inspirée de faits réels.
Le point fort de l’ensemble ? L’humour ! Des joutes verbales aux piques acerbes, des situations insolites aux incompréhensions langagières, l’équipe artistique a choisi de dédramatiser par le rire. Que ce soit l’escouade de nettoyage, les clins d’œil à la gastronomie locale ou l’immersion dans la culture terre-neuvienne, on rit franchement et l’on rebondit avec ferveur sur les insides parsemés ici et là.
D’un point de vue artistique, le niveau est fort, très fort. Nonobstant le rythme effréné déjà évoqué, on reste estomaqué par les répliques déclamées avec justesse et sans fausse note, les changements de costumes, simples, mais ô combien efficaces, et cette énergie, décidément le maître-mot.
Contrairement à bon nombre de comédies musicales de Broadway, les chorégraphies ne sont pas d’un calibre inatteignable pour le commun des mortels. En revanche, leur précision quasi chirurgicale et la variété des numéros – alors qu’ils sont bien souvent effectués sur une chaise – démontrent une volonté de rester accessibles, tout en prenant le défi à bras le corps. Comme les habitants de Gander en somme.
Seul bémol : le spectacle a le défaut de sa qualité. Si l’on ne peut qu’admirer la valse ininterrompue des différentes séquences, on aurait parfois besoin d’une petite pause, pour assimiler l’information reçue et ressentir l’émotion. Les moments plus tristes ne sont qu’effleurés, alors que bien souvent ils s’accompagnent d’une performance vocale et d’une intention de jeu qui mériterait que l’on s’y attarde un peu plus.
Parlant d’émotions, on retiendra la scène où les passagers apprennent la raison de leur détournement, la minute de silence, et le partage du lieu de prières. Et dans un registre plus festif, les scènes dans le bar sont définitivement à retenir.
Come From Away – encore peu connu dans le registre Broadway – mérite tous les éloges qui lui sont faits depuis sa création en 2015. Et après le temps des Fêtes, vous reprendrez bien encore un peu de bienveillance, de chaleur humaine et de rires, non ?
- Artiste(s)
- Come From Away
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Salle Wilfrid-Pelletier
- Catégorie(s)
- Comédie Musicale,
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