One hundred more à l’Agora de la danse | Bousculer grâce à l’intimité
Il est fascinant comment deux interprètes investies et vulnérables peuvent faire passer 50 minutes en poussières. C’est ce qu’ont habilement accompli les deux chorégraphes et interprètes derrière le numéro de danse contemporaine One hundred more, Justine A. Chambers et Laurie Young.
Le tout petit Espace bleu de l’Agora de la danse était déjà occupé par les danseuses alors que les spectateurs et spectatrices prenaient timidement place. Légères, mais déjà d’une présence inébranlable, elles scannent la scène de leurs pas en comptant jusqu’à 100. Leurs murmures rapides s’étalent sur plusieurs minutes et insinuent qu’on ne s’apprête pas à assister à un projet uniquement composé de danse. Les regards des artistes sont perçants et porteurs. Comme l’avait expliqué Laurie Young à Sors-tu?, les lumières dans la salle ne se ferment jamais complètement. La danse est donc communicative et nécessite la présence de chaque personne qui y assiste.
Le public ne peut qu’être en posture de réception devant la gestuelle proposée par les deux complices, qui gravite autour des thèmes de la résistance et de la justice. Même quand la musique composée par Neda Sanai et performée par Victoria Cheong est débordante et résonne jusqu’au cœur, le moment demeure intime. Les toussotements et tressaillements du public sont à tout coup perceptibles et on sent un désir de la part de chacun et chacune de respecter l’intensité de l’interprétation des deux artistes.
Improviser, mais rester organisées
Toutes deux racisées et mères, les danseuses utilisent une gestuelle plutôt répétitive pour lancer aux spectateurs et aux spectatrices une impressionnante gamme d’actions et d’émotions. Tantôt elles reçoivent, tantôt elles rejettent, sinon elles invitent ou se débarrassent. De frustration, d’acceptation, de force – surtout de force. Et pas que mentale. L’intensité des mouvements et sa prolongation sont sans aucun doute extrêmement exigeantes, et les deux principales intéressées s’en sortent sans peine. C’est du moins ce qu’elles laissent paraître.
En discutant avec Sors-tu? avant la première montréalaise, les deux artistes avaient mis l’accent sur la liberté que le cadre de One hundred more leur permettait. En fait, bien que certaines cassures dans l’ambiance de la pièce soient très claires, on ressent la grande place qu’occupe l’improvisation. On décèle ainsi plusieurs différences entre Justine A. Chambers et Laurie Young, ce qui ne fait que rendre le tout plus riche. Les mouvements de la première semblent libérateurs et sont d’une amplitude envoûtante. Chez la seconde, on remarque plutôt un grand contrôle et une prestance à tout casser. Il y a autant de façons de faire vivre les enjeux véhiculés par One hundred more que de personnes sur scène, c’est certain.
Un décor sobre et souvent froid côtoie les artisanes du projet, qui deviennent son centre. Alimenter une présence et une énergie semblables pendant près d’une heure est loin d’être simple. Pour un public moins habitué à la danse contemporaine, l’expérience aura peut-être quelques longueurs, mais personne ne peut rester imperméable à la volonté de partage des deux chorégraphes, flagrante du début à la fin.
Pour les représentations du 20, du 21 et du 22 octobre, les billets sont disponibles juste ici.
Nos photos en vrac
- Artiste(s)
- Justine A. Chambers, Laurie Young, One hundred more
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Agora de la danse
- Catégorie(s)
- Danse,
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