4.48 Psychose

4.48 Psychose de Sarah Kane | Voir rouge

4.48 Psychose de Sarah Kane brûlera les planches du Théâtre Prospero jusqu’au 22 mai, après avoir carbonisé celles de La Chapelle en 2016 et du théâtre Paris-Villette en 2018. Les mots « In Yer Face » de l’autrice, le jeu puissant de Sophie Cadieux et la vision pop du metteur en scène Florent Siaud s’y rejoignent dans une œuvre transcendante.

TW : suicide, troubles mentaux

Cette pièce, traduite efficacement par Guillaume Corbeil, marque d’ailleurs la dernière du mandat de Carmen Jolin à la direction générale et artistique du Prospero et s’inscrit fièrement au registre de la compagnie des songes turbulents.

Un monologue de 55 minutes écrit à l’aube du suicide de Kane.
4.48 indique une heure qui obsédait Sarah. Semble-t-il qu’il s’agissait du moment de son réveil d’insomniaque. C’est aussi l’instant où elle semblait vouloir faire sonner le glas sur sa mort, si l’on se fie au texte… qui nous fait vivre sa psychose dépressive, sa tergiversation (qui penche beaucoup plus vers le refus) à prendre de la médication, sa colère envers la vie et la dépendance amoureuse. On croirait assister à la performance d’une lettre de suicide.

Le spectacle commence et termine rideau fermé et public éclairé, brisant le quatrième mur. Ce n’est pas une des seules conventions brisées dans cette pièce. Son écriture même ne comprend pas de notes scéniques ou de personnages définis. Avec presqu’une heure de texte à livrer, les artistes de la scène montréalaise ont donc eu la mission de dynamiser, structurer et imager la poésie crue de Sarah Kane. Mission accomplie par la comédienne, le metteur en scène et toute l’équipe technique.

Sophie Cadieux a donné vie à cette femme mourante qu’elle interprète. Ses performances corporelles et vocales se sont avérées presque militaires, tant l’exploration de leurs registres était totale et sportive. Une voix passant d’aigueë et cristalline à rauque et glauque, un corps souple et gracieux aux membres crispés et tordus; la présence viscérale de Sophie Cadieux passait aussi par son regard provocant et joueur qui ramenait le public à l’ordre et à la raison avant de l’ensorceler par son art.

Il fallait alléger toute cette lourdeur du poids de la vie exprimé par Kane. La mise en scène et les décors (Romain Fabre) y ont aussi veillé. Siaud et Fabre signent ce passage vers la lumière de façon éclatée avec des espaces temps fantomatiques, utilisant différentes textures au décor qui se meut, se déconstruit et se traverse. Des projections s’y reflètent et ajoutent au délire hypnotisant et cauchemardesque. Le tout était illuminé d’éclairages (conçus par Nicolas Descôteaux) aux tons éclectiques, mais surtout rouges.
Rouge passion? Rouge sang?

Ce qui est certain, c’est qu’on voit rouge. Comme Kane.
Cette dernière œuvre pourrait être qualifiée de revendication humoristique et macabre.
Pas pour la mort, mais contre la vie.

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