
Yung Lean au MTELUS | Innover sans délaisser ses fans
Le rappeur et chanteur suédois Yung Lean a livré au MTELUS hier soir la dernière performance de sa tournée « Forever Yung », mettant en valeur Jonatan, son plus récent album qui marque un virage se distanciant du rap. L’artiste a offert un concert qui plonge dans cette nouvelle ère, aux accents rock et à l’imagerie lugubre, sans toutefois oublier les morceaux qui ont fait de lui un rappeur si influent.
C’était comme si le Suédois, aussi connu sous le nom de Jonatan Leandoer, avait concocté le parfait spectacle pour le mois d’octobre. Avant qu’il entre sur scène, un jeu d’ombrage aux figures médiévales sinistres est projeté sur un grand rideau suspendu sur scène. L’influence gothique montre d’un cran lorsque Lean arrive sur scène, vêtu d’une veste militaire blanche, du style Black Parade de My Chemical Romance.
Dès la deuxième chanson, Forever Yung, le rideau blanc s’abaisse pour révéler un batteur, un bassiste et un guitariste, qui ont accompagné le rappeur de façon intermittente au long du concert. L’ajout d’instruments acoustiques a complimenté sa performance à merveille, sans tomber dans l’excès ou dans le pastiche.
Si le nouvel album se prête assez bien à cette interprétation plus rock, Lean propose aussi des versions adaptées de ses anciennes chansons. Par exemple, son interprétation de Yayo, chanson tirée de son album Starz paru en 2020, échangeait hier ses douces percussions électroniques pour une batterie percutante.
Ce concert semble être un moment d’indulgence artistique pour l’artiste, qui explore pleinement ce nouveau son sur scène. C’est toutefois réussi pour Yung Lean, peut-être parce qu’il a toujours su faire preuve de vision lorsqu’il s’agit de repousser les limites du rap.
Une expérience théâtrale
Le concert est divisé en quatre actes, chacun annoncé par un visuel d’ombrages et de texte annonçant le prochain « akt ». Le premier est celui qui arbore le plus d’éléments tirés du nouvel album, qui gagne une touche plus punk sur scène.
Le deuxième acte est un retour dans le temps. On y retrouve le Yung Lean d’autrefois, avec un mashup de Kyoto, Ghosttown, Yoshi City, Gatorade et Hoover, de grands classiques de sa discographie. Les amateurs de longue date du rappeur ont assurément été satisfaits par cette partie du spectacle. Les projections colorées, à l’allure d’un capteur thermique, contrastent avec les images en noir et blanc qui apparaissent derrière l’artiste pour le reste du concert.
Le band, qui s’était éclipsé pour le deuxième acte, est de retour pour le reste du concert, qui se veut plus émotionnel. Les chansons Red Bottom Sky et Agony sont chantées en chœur sous les feux des briquets et des lumières de téléphones. C’est à la fin de cette performance, accompagnée par une foule visiblement émue, que les applaudissements ont retenti le plus bruyamment.
Une attention particulière a été accordée à chaque détail de la mise en scène de cette performance, ajoutant à l’aspect théâtral du tout. Pour la chanson I’m Your Dirt, I’m Your Love, des visuels de campagne style « vieux film » s’accordent parfaitement à l’ambiance, comme pour chacune des autres chansons interprétées ce soir-là. Pareil pour Horses : le cheval au ralenti en arrière-plan est si majestueux et l’émotion avec laquelle chante Yung Lean est si palpable que le tout est réellement émouvant.
Même lorsque le concert se termine, après un rappel pour Ginseng Strip 2002 et Miami, les lumières se rallument au son de Forever Young d’Alphaville, clin d’œil au nom de la tournée et de la chanson du même titre.
L’intention et le raisonnement derrière tous ces éléments du spectacle étaient évidents, faisant de ce concert une réelle expérience artistique. Cela n’a rien d’étonnant de la part d’un artiste qui a toujours eu un bon sens de l’esthétique, même à l’époque du vaporwave et du thé glacé Arizona.
Conserver son influence, presque 15 ans plus tard
Si le rappeur s’est fait connaître en 2013 et a été reconnu pour l’immense influence qu’il a eue dans le développement du genre du cloud rap, il n’a toujours pas perdu son sens de l’innovation à ce jour. Ses projets continus avec Bladee ou ses collaborations récentes avec Charli XCX et FKA Twigs prouvent le respect qu’il a acquis auprès de ses pairs et qu’il conserve à ce jour grâce à sa créativité.
Lorsque Lean est retourné sur scène pour jouer Ginseng Strip 2002 devant son vidéoclip original, dans lequel il n’avait que 16 ans, le parcours impressionnant du rappeur se dessinait presque devant nos yeux. Ce parcours se poursuit d’ailleurs, alors que l’artiste vient de sortir un nouveau projet de rap sombre avec Bladee le 10 octobre dernier, intitulé Evil World.
Exclusivité canadienne en première partie
Le duo électro ear, composé de Yaelle et Jonah, accompagnait Yung Lean pour les dates de Toronto et Montréal seulement. Derrière une table et un ordinateur portable, ear faisait jouer des morceaux électros grondants aux paroles introspectives. Les deux membres du groupe chantaient en harmonie, avec un effet d’écho qui ajoutait à l’ambiance mystérieuse du duo et de sa performance. L’absence de mixage en direct était cependant décevante pour une performance 100 % électro, mais la qualité de leur musique elle-même a quand même permis de compenser pour cet aspect.
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