crédit photo: Maria Baranova
Weathering

Weathering au FTA | Une performance de fusion des corps

La première représentation de Weathering de Faye Driscoll se produisait à l’Usine C hier soir dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA), qui continue de présenter des spectacles jusqu’à mercredi. Nous étions dans la grande salle de l’établissement pour assister à la création de danse théâtrale.

Une configuration comme on l’a déjà vue à l’Usine C : la grande estrade et les bancs entourant la scène sont tous occupés pour cette œuvre à l’image du FTA de par son côté unique et transgressif. On sent d’ailleurs un certain engouement puisque la foule se tait quelques minutes avant même que le spectacle commence. C’est après ce silence que l’œuvre débute avec des chants, ou plutôt des mots qui sont lancés par les artistes dispersés dans la salle. La thématique générale des paroles est liée aux parties du corps humain. « Tongue, scrotum, mouth » font partie des termes entendus sur les passerelles et sur la scène qui se remplissent tranquillement d’un flux constant de danseurs qui se déplacent vers une grosse plateforme amovible au centre de la scène.

Photo : Maria Baranova.

Perte de repères

Weathering, érosion en français, est ce que l’on pourrait qualifier d’une chorégraphie en un long mouvement. Néanmoins, la compréhension se fait au fur et à mesure de la pièce et n’est complète que lorsque le spectacle est terminé. La chorégraphe Faye Driscoll offre au public une vision sur la lente déconstruction de quelque chose. En effet, les dix artistes sont initialement indépendants les uns des autres, pour fusionner tranquillement et devenir une entité, une sculpture. Toutefois, on prend un moment à le réaliser, en raison du jeu physique d’une lenteur marquante. Cette cadence qui augmente petit à petit est d’ailleurs un élément principal de la pièce. Au début, les mouvements ne sont presque pas perceptibles si l’on fixe un seul artiste, mais c’est en bougeant son regard qu’on s’aperçoit qu’il y a une lente transformation qui se produit.

Ceux qui se tenaient droit devant nous rouillent et perdent leur posture de départ avec une certaine détresse. La lenteur demande un équilibre et une grande force sur la plateforme qui commence tranquillement à tourner sur elle-même grâce à deux techniciens qui font partie de la création. La chorégraphie prend lentement de plus en plus de rythme, et ressemble de moins en moins à la formation initiale. Des vêtements sont enlevés, des bouteilles d’eau sont sorties par les performeurs pour asperger le public ainsi qu’eux-mêmes. Du lubrifiant fait aussi son apparition pendant que les artistes s’entrelacent, s’embrassent et se frottent les uns sur les autres. Tous les corps sur scène sont différents, le spectacle devient une vitrine sur la diversité qui essaie de rester en équilibre sur ce qui ressemble à la déchéance de ce qui gardait tout le monde en contrôle. Certains danseurs tiennent presque dans le vide en étant retenus par leurs comparses. Les odeurs et les fluides deviennent les seules choses concrètes, réelles.

Photo : Maria Baranova.

Une cadence en crescendo

Le rythme est toujours très lent après plus de quarante minutes dans la chorégraphie. Une dame à la première rangée s’endort, tandis que son voisin regarde d’un œil intrigué le spectacle très particulier. Les sièges entourant la scène donnent un aperçu des différentes réactions qui émanent du spectacle. Les rires, les visages fascinés et les expressions incrédules se partagent les estrades. Le rythme commence à s’accélérer avec les respirations que l’on entend depuis le début. Doucement, on augmente la vitesse de la plateforme qui n’a toujours pas cessé de tourner et on accède visuellement aux différents corps qui se mettent à nu dans tous les sens du terme.

On est maintenant bien loin de l’introduction. Les personnages participent à une transe qui prend de l’ampleur. Le rythme est excessivement rapide et ceux qui se tenaient serrés sur la plateforme prennent d’assaut la salle au grand complet. Les performeurs dénudés sont maintenant dans une course effrénée qui nous garde en haleine. Les yeux sont rivés sur ce qui semble être le dénouement de la création. La plateforme bouge latéralement et frôle la première rangée. Un mélange de peur et d’excitation s’empare du public devant ce chaos contrôlé, comme si nous étions maintenant synchronisés avec ceux qui performent. Le rythme effréné donne finalement sur une fin magnifique où les performeurs quittent leur état de transe pour nous laisser reprendre nos esprits. Essayer d’assimiler tout ce qui vient se passer est difficile. La tempête d’émotions a fait des dégâts. Les dix artistes auront droit à une ovation de quelques minutes devant un public qui, pour le coup, ne ressortira pas indifférent de cette pièce spéciale de Faye Driscoll.

Weathering, c’est vraiment l’érosion provocatrice de dix individus qui entrent en symbiose pour essayer d’échapper à la perte de contrôle qui, elle, est inévitable. C’est une création qui ne donne pas sa place dans cette édition du FTA réussie encore une fois. Weathering, c’est un spectacle unique en son genre qui permet au public d’assister à quelque chose de bien différent.

Pour vivre l’expérience, visitez le site Internet du FTA pour réserver vos billets pour les représentations de ce soir ou de demain.

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