Viqueens : saga nordique au Théâtre d’Aujourd’hui | Une comédie qui met en lumière l’apport souvent ignoré des femmes dans l’histoire
Dès notre entrée dans la salle Jean-Claude-Germain du Théâtre d’Aujourd’hui, nous sommes immédiatement plongés dans l’atmosphère aride et mystique des nuits islandaises. On entend le son d’un vent glacial, et sur scène, dans une mare de roches volcaniques noires reposent cinq blocs de pierre disposés en demi-lune. La scénographie minimaliste, mais évocatrice, de Camille Walsh situe avec efficacité l’action de Viqueens : saga nordique près de volcan Hekla, dans le sud de l’Islande.
Et si les Vikings avaient plutôt été des Viqueens?
Une histoire bien réelle a inspiré les autrices Laurence Laprise et Laurie Léveillé, qui proposent un texte où, dans la tradition des sagas, la frontière entre la fiction et la réalité se brouille. Le récit déconstruit l’androcentrisme dominant en histoire, c’est-à-dire cette pensée qui envisage le monde principalement du point de vue masculin.
L’histoire qui a inspiré les autrices est celle de la guerrière viking de Birka, dont la dépouille fut découverte en 1878. Les artefacts de combats trouvés auprès d’elle dans sa chambre funéraire avaient conduit les archéologues à l’identifier comme un guerrier viking, conformément aux stéréotypes de l’époque. Cependant, des analyses génétiques réalisées en 2017 ont révélé que cette personne était en fait une guerrière, mettant en lumière la façon dont l’apport des femmes est souvent ignoré ou oublié dans les livres d’histoire.
La prémisse de départ de Viqueens : saga nordique est donc celle selon laquelle les vikings auraient été des femmes, des « Viqueens». Sans divulgâcher les éléments narratifs – car oui, cette pièce vaut la peine d’être vue – la pièce raconte l’histoire de Julien, un passionné d’histoire scandinave et de musique métal qui, par un concours de circonstances, se retrouve transporté dans le passé, au Viqueen Setür, un village viking entièrement constitué de femmes.
Sur l’île, Julien rencontre un trio de femmes fortes et attachantes : la cheffe de village Ulfhild (Isabeau Blanche), la cheffe de guerre Svanhilde (Élodie Maher) et la cheffe de commerce Frigg (Sally Sakho). Croyant d’abord vivre une expérience immersive en Islande, il réalise peu à peu qu’il a remonté la ligne du temps et rejoint l’époque des Vikings. Il découvre alors, avec stupéfaction, que les héros mythiques qu’il a toujours imaginés grands, forts et poilus sont en réalité des femmes. Pensant que cet homme qui a échoué sur leur île est l’élu destiné à les protéger du Ragnarhomme, la prophétie de fin du monde annonçant le retour des hommes, Ulfhild lui propose une série d’épreuves destinées à l’endurcir.
Un riche texte, magnifiquement interprété
Le texte des autrices Laurence Laprise et Laurie Léveillé est rempli d’anachronismes faisant référence à des éléments de la culture moderne, dans un style qui évoque vaguement (pour donner des repères) Astérix et Obélix contre César, le film de Claude Zidi. L’omniprésence de références à des chansons populaires, des expressions et des lieux connus de tous apporte une touche de modernité et de familiarité à cette histoire ancrée dans le Xe siècle, tout en créant un effet comique qui fait de Viqueens : saga nordique une pièce riche en humour. Les rires fusaient d’ailleurs sans retenue dans la salle lors de la représentation.
Les répliques rythmées et vivantes que les autrices offrent aux personnages d’Ulfhild, Svanhilde et Frigg n’auraient pas l’impact qu’elles ont sans l’excellent jeu des actrices. Elles alternent avec aisance entre émotions contradictoires, passant du sérieux à la comédie avec une grande fluidité, ce qui donne beaucoup de mouvement à la pièce. Isabeau Blanche dans le rôle d’Ulfhild rend avec justesse l’assurance, mais parfois aussi la vulnérabilité, d’une femme qui dès sa naissance était destinée à devenir cheffe.
Élodie Maher est effrayante, même si attachante, dans son rôle de cheffe de guerre courageuse et sanguinaire, et Sally Sakho transmet avec aplomb la ruse et l’espièglerie d’une cheffe de commerce qui conquiert et s’enrichit sans faire couler de sang. Les séquences où elles se donnent la réplique sont délectables. Thomas Derasp-Verge est également convaincant dans le rôle de Julien. Il réussit habilement à jouer sur deux niveaux, en interprétant un homme plutôt chétif qui tente tant bien que mal de s’imposer comme un homme viril capable de tous les défis.
L’ensemble de la pièce est drôle et captivant, mais la chute aurait pu être plus marquante. Bien que le peu de contraste entre les différentes scènes ait été bien camouflé par le rythme effréné des répliques et le caractère ludique du texte, il manquait un petit quelque chose pour que l’intrigue se construise jusqu’à une conclusion laissant une impression plus profonde sur le spectateur.
Pour se procurer des billets et aller voir Viqueens : saga nordique et rire un bon coup sur le dos d’un homme chétif découvrant un monde viking rempli de femmes viriles, c’est par ici, du 27 janvier au 15 février, au Théâtre d’Aujourd’hui.
Viqueens : saga nordique
Texte et mise en scène : Laurence Laprise
Texte et assistance à la mise en scène : Laurie Léveillé
Avec: Isabeau Blanche, Thomas Derasp-Verge, Élodie Maher et Sally Sakho avec la voix de Guillaume Tremblay
Scénographie et costumes : Camille Walsh
Lumière : Joëlle LeBlanc
Environnement sonore : Laure Anderson
- Artiste(s)
- Viqueens : saga nordique
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre d'Aujourd'hui
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