Valence

Valence au Grand Théâtre de Québec | La nuit s’achève dans un écrin

C’était l’apothéose pour le premier lauréat de la Bourse Karim-Ouellet en 2024 : dans le cadre de son prix, Valence jouait pour la première fois au Grand Théâtre de Québec, devant un public (déjà) conquis. C’était aussi l’apothéose d’une tournée qui ne désemplit pas aux quatre coins du Québec, un an après la sortie de son troisième album La nuit s’achève. Après un lancement au Pantoum, les spectateurs ont assisté à une représentation sublimée de l’univers de Vincent Dufour dans l’élégante Salle Octave-Crémazie.

Les teintes de bleu annoncent le début du spectacle sur l’instrumentale Penchant (Thème No. 1), interprétée par le pianiste William Lévesque. Dans la pénombre, les cinq autres musiciens, vêtus (pour la plupart) de veston-cravate, s’installent à leurs nombreux instruments : les incontournables batterie, basse et guitare, mais aussi pedal steel, saxophones et flûte traversière.

Le ton de ce voyage nocturne est donné. On y contemple les lueurs d’un lampadaire de rue de style européen, de la brume, un éclairage chaleureux au sol, puis un banc où apparaît finalement Vincent Dufour pour sa première chanson, Petit singe. Quelle classe !

La nuit s’achève, c’est une invitation à une insomnie amoureuse de 1 h 20, où Valence nous emporte dans ses doutes, ses réflexions et ses désirs sur une trame pop-rock enivrante. Sur disque, l’écoute solitaire est planante et stimulante. Sur scène, la communion des écoutes est tantôt méditative, tantôt effervescente et dansante. C’est la beauté de l’univers de l’artiste de Québec, capable de tisser des mélodies aussi variées.

Le public de Valence n’a pas l’habitude d’être assis lors de ses spectacles. Après l’énergique Depuis Marseille et l’incontournable Sophie (premier succès de l’artiste), les spectateurs ne se font pas prier pour se lever et sauter sur le tube Rosier (issu du précédent album Pêle-mêle), qui s’insère très bien dans cette nuit mélancolique. Le refrain final de Rosier, c’est une ivresse sans fin pour clamer son pardon… tous en chœur :

So so sorry
J’ai craqué
J’ai menti
Pour des fleurs
Et des prix
So sorry


Un moment phare de la setlist de Valence, non seulement parce que le vers d’oreille est réussi, mais aussi car le saxophone en est une vedette… Surtout quand Antoine Bourque tient la note le plus longtemps possible sous les acclamations du public : engouement assuré !

En plus de cela, les mélodies sont tellement bonnes que les gens chantent les instruments. C’est particulièrement le cas sur Pruneau, où cette fois, c’est la flûte traversière de Raphaël Laliberté-Desgagnés qui est la cheffe d’orchestre de tous les chœurs. Du bonbon ! Il est d’ailleurs amusant de voir comment ce simple paru en 2020 est devenu un gros délire jazz rock dans lequel le public embarque allègrement.

De ces ambiances sautillantes, on passe à des moments de douceur musicale, comme sur Pêle-mêle ou Emmanuelle, où on aurait envie de s’enlacer sur ce fond de cordes romanesques.

Les pièces s’enchaînent rapidement dans cette ambiance cinématographique. Pas de blabla superflu, Vincent Dufour prend finalement quelques instants pour s’adresser plus longuement aux spectateurs : « Il y a tellement de choses qui se passent à Québec en ce moment. Merci d’être là ! Moi, je suis avec vous ici et maintenant… Je suis vraiment au maximum touché ! » Entre le défilé de nuit du Carnaval de Québec et la grande première de Lou-Adriane Cassidy au même moment au Capitole, il y avait en effet de l’action en Haute-Ville.

À l’image de l’album, après la mélancolie, la setlist s’en va vers des moments haletants avec À l’étang des roseaux, où le public n’hésite pas à se relever, puis les succès du précédent opus Pêle-mêle : La vie attend pas, Pruneau et América, tel un hymne euphorique (datant de bien avant les déboires américains).

J’apprends chaque jour
Le nom d’une couleur
Qu’ils passent vite
Les jours en plein cœur
De l’Amérique, America


Le spectacle a à peine duré une heure que c’est déjà le temps du rappel. Après Sophie et Emmanuelle, Valence nous a présenté une nouvelle chanson, visiblement toujours aussi inspirée par les prénoms… Marie, une belle balade imprégnée de deux saxophones et d’une mélodie, encore une fois, obsédante. La formation ne nous déçoit pas pour la suite !

La soirée s’achève avec la pièce titre de l’album, où l’artiste nous invite même à nous asseoir, comme une ultime contemplation tous ensemble. Un moment de pure beauté.

Le disque La nuit s’achève est déjà un bijou. Il représente ce qu’il se fait de mieux en pop-rock francophone actuellement au Québec. Le voir sur l’une des scènes du Grand Théâtre, c’est le savourer dans un écrin qui sublime l’univers à la fois sensible et rythmé de Valence. On ne peut que lui souhaiter d’avoir accès à de plus en plus de scènes prestigieuses comme celle-ci, tant dans la province qu’à l’international. Ça n’enlève rien aux atmosphères délurées des festivals ou de certaines salles où l’on se colle et pousse partout pour exprimer notre ferveur, mais pour un album inspiré de la nouvelle vague française, autant dire qu’il se retrouvait dans son élément (sans devenir élitiste non plus, au contraire !).

Valence le confiait en entrevue à CKRL : « Pour moi, 1 h 20, c’est la durée idéale d’un spectacle. Après ça, on n’a plus l’attention des gens… même en salle ! » Fidèle à cette vision, cette prestation a duré 1 h 20 pile. Et si pour l’artiste de Québec, c’est un critère de choix, pour le public, c’est passé bien vite et on en aurait pris assurément plus… à en voir la longue file qui attendait pour se procurer vinyles, t-shirts ou pour rencontrer le groupe à la fin du concert.

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