Vadim Repin héroïque face à l’OSM
La dernière fois que j’ai entendu Vadim Repin, je devais avoir une dizaine d’années. Mes yeux de petite fille étaient ressortis du concert grands ouverts et mes oreilles enchantées au possible. Inutile donc de dire mon excitation mardi soir en entrant dans la Maison Symphonique de Montréal où j’allais renouer avec l’un des violonistes les plus prestigieux de notre temps.
Vadim Repin, c’est à la fois un son profond et puissant, une sensibilité incroyable et une grande intelligence dans la conception des oeuvres. Il faut préciser que le musicien a remporté le Concours International Reine Elisabeth de Belgique à seulement 17 ans en 1989, faisant de lui le plus jeune vainqueur de la compétition. Mardi soir, il interprétait, accompagné par l’Orchestre Symphonique de Montréal, le concerto pour violon de Chostakovich composé juste après la seconde guerre mondiale en 1947-48. Ce concerto, à la limite du nébuleux par moment, est d’une difficulté rare tout particulièrement dans son quatrième mouvement. D’une durée de 40 minutes environ, il exige de l’interprète une grande maîtrise de l’oeuvre et une énergie physique importante afin de ne pas perdre l’auditeur dans les méandres parfois obscurs.
Si quelques petits problèmes de justesse ont fait leur apparition ici et là, on ne peut cependant pas nier que le violoniste a une possession totale du concerto qu’il a déjà donné plusieurs fois en concert. Il a notamment livré un troisième mouvement d’une incroyable intensité émotionnelle qui nous a tenu en haleine d’un bout à l’autre et un quatrième mouvement absolument explosif.
Si l’on a pu avoir un peu de mal à rentrer dans l’oeuvre, il faudrait pointer du doigt Kent Nagano et l’orchestre qui ont attaqué le concert dans un flou total qui manquait grandement de pulsation. La technique de Vadim Repin lui permet de faire sonner son instrument sans jamais forcer mais il y avait tout de même une insuffisance au niveau du soutien orchestral qui a contribué au flottement général du concert. Bien souvent, les départs donnés par le chef d’orchestre sont incertains et cela conduit à des décalages qui rendent le soliste inconfortable. C’est à lui alors de tirer l’orchestre vers l’avant pour éviter qu’il ne s’enfonce dans un engourdissement plus prononcé encore. Ça a été tout particulièrement le cas au début du premier mouvement qui est d’une atmosphère glaciale et sombre mais qui, mardi soir, apparaissait trop stationnaire.
Dans la même filiation, la 3ème Symphonie de Beethoven fut particulièrement imprécise et en manque de pulsation, ce qui donna à l’oeuvre un désordre flagrant qui n’a pas sa place chez un compositeur comme Beethoven. Bien souvent débordé par une masse orchestrale confuse dont la polyphonie peine à ressortir, Kent Nagano n’arrive pas à révéler l’ampleur de cette grande symphonie, dite « Héroïque » et qui est un chef-d’oeuvre absolu. Le public se perd constamment dans une pièce rendue sans consistance et scolaire. La marche funèbre fut tout particulièrement touchée par cette imprécision dans la définition des thèmes qui furent interprétés par des musiciens pas vraiment inspirés. On a finalement eu un regain d’énergie et de caractère dans plusieurs endroits du Finale mais qui furent bien vite absorbés par une affluence orchestrale brouillonne.
Il est assez frustrant de voir que le grand potentiel de l’orchestre n’est jamais exploité au maximum par Kent Nagano qui fournit souvent le travail strictement nécessaire sans chercher à rendre l’expérience du concert unique. On aimerait voir un chef d’orchestre dynamique et concerné, donnant de vrais départs aux différentes sections et qui pousse sans cesse ses musiciens au meilleur d’eux-mêmes à chaque représentation. Il faudra tout de même saluer le premier violon, Andrew Wan, qui réussit à lui seul à tirer la section des violons I de manière plus que satisfaisante. On aurait cependant souhaité un Orchestre Symphonique plus investi et habité pour accompagner un soliste du calibre de Vadim Repin.
* Photo d’entête : © Gela Megrelidze
- Artiste(s)
- Andrew Wan, Kent Nagano, Orchestre Symphonique de Montréal, OSM, Vadim Repin
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Maison Symphonique de Montréal
- Catégorie(s)
- Classique, Classique,
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