The Holy Body Tattoo

The Holy Body Tattoo et GY!BE : monumental | Une soirée mémorable

Après 10 ans d’absence, la compagnie de danse contemporaine de Vancouver The Holy Body Tattoo est de retour accompagnée de la musique live du groupe post-rock montréalais Godspeed You! Black Emperor. Il reste encore une date de représentation à la Place des Arts, ce soir (mardi 12 avril), ainsi qu’une autre au Grand Théâtre de Québec ce vendredi 15 avril.  Sors-tu.ca a envoyé deux de ses collaborateurs – une spécialisée en danse et l’autre spécialisé en musique – à la première montréalaise du spectacle afin de supputer la valeur de celui-ci sur les deux fronts.

Point de vue de Céline Stoquart, collaboratrice danse

Monumental – un titre très approprié pour ce spectacle – est la dernière pièce chorégraphiée par le duo Dana Gingras et Noam Gagnon pour la compagnie de Vancouver The Holy Body Tattoo. Créée sur la musique de Godspeed You! Black Emperor, avec projection de textes existentiels de Jenny Holzer, Monumental vient explorer l’angoisse rencontrée dans nos cultures urbaines. Créée en 2005 pour illustrer nos combats quotidiens, notre besoin de se conformer ou non à la société, et notre recherche d’identité, le thème de la pièce est encore complètement d’actualité.

Après sa création, le manque de financement avait eu raison de la compagnie dissolue peu de temps après Monumental. À l’époque, la pièce n’avait pas eu la médiatisation qu’elle méritait. En 2015, le duo de chorégraphe s’est reformé pour remonter Monumental avec de nouveaux danseurs et surtout, avec cette fois un accompagnement live par le groupe GY!BE lui-même.

Il est impossible de rester indifférent à ce spectacle, que l’on soit venu pour la danse, ou pour Godspeed You!, ou encore pour les 2.

Au départ, le groupe de 9 danseurs bouge mécaniquement. Positionnés sur des piliers blancs, habillés en tenue de bureau ordinaire, on y reconnaît alors des mouvements familiers (lissage de cheveux). Véritables interprètes, les danseurs traduisent l’anxiété par des mouvements frénétiques et répétitifs.

Le spectacle va ensuite monter en intensité, et en brutalité. Les danseurs convulsent, se battent, les projections de textes énigmatiques laissent dubitatif.

À la danse, s’ajoute la présence live des membres du groupe Godspeed You!Black Emperor. GY!BE joue à l’arrière de la scène, surélevé, derrière un écran semi-translucide. Le mur sonore créé vient alourdir de sens l’ambiance générale. Tout comme le groupe, les danseurs ne vont jamais perdre en intensité, en explosivité, c’est épuisant et fascinant à la fois, et une vraie prouesse physique.

La probabilité de revoir ensemble Godspeed You! Black Emperor et the Holy Body Tattoo est faible. La bonne nouvelle est qu’il sera encore possible d’assister à une représentation de ce fantastique spectacle à Montréal ce soir (12 avril) au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, ou encore ce vendredi 15 avril au Grand Théâtre de Québec.

 

Point de vue de Théophile Hladky, collaborateur musique

Il y avait bien longtemps que l’on avait pas vu Godspeed You! Black Emperor à Montréal. Les enfants du pays étaient de retour lundi soir dans la Belle Province pour un spectacle conceptuel original, mêlant danse et musique, accompagné par la troupe de Vancouver The Holy Body Tattoo.

Tout portait à la rencontre de ces deux entités, monumental, la pièce montée pour la première fois en 2005 par Dana Gingras et Noam Gagnon, revoit le jour sur la musique du groupe Montréalais. La réunion revisite cette œuvre engagée, principalement construite sur les sonorités cataclysmiques de l’album mythique F♯ A♯ ∞, qui marqua d’une pierre l’œuvre musicale contestataire de Godspeed You! Black Emperor.

Tandis que la trame sonore commence doucement à investir le Théâtre Maisonneuve, les lumières s’évanouissent progressivement. Elles dévoilent les danseurs et danseuses du Holy Body Tattoo qui ouvrent la soirée, esseulés sur une dizaine de piliers posés sur le devant de la scène. Les musiciens de Godspeed You! Black Emperor apparaissent discrètement quelques minutes plus tard, dans la pénombre, sur une estrade posée en arrière de la scène.

La combinaison des deux médiums dévoile ainsi plusieurs lignes de fuites. La profusion d’énergie de la troupe est soutenue en ouverture par une marche guerrière tribale, qui voient Sophie Trudeau la violoniste, venir répondre sur un tom aux deux batteurs, Aidan Girt et Timothy Herzog. Les fabulations oniriques de Godspeed You! Black Emperor poétisent et intensifient l’expression des danseurs et des danseuses. Les constructions longues en crescendo propres au groupe québécois exacerbent les potentialités de la chorégraphie qui s’accorde parfaitement à la musique.

Lourde, viscérale et déchirante, la musiques des montréalais nous plonge dans une posture contemplative qui pousse à la réflexion. L’atmosphère angoissante posée par les musiciens agit sous forme de catharsis face au message que véhicule la pièce.

Un écran posé dans le fond de la salle diffuse des extraits de Living de l’artiste américaine Jenny Holzer, qui entrent en résonance avec le propos de monumental : anxiété, isolement social, hyperinformation, les maux du 21e siècle fascinent et questionnent.  Cette association artistique semblait ainsi plus qu’opportune pour faire vibrer ces problématiques.

Événements à venir

Vos commentaires