crédit photo: Pierre Langlois
Of Montreal

Taverne Tour | Of Montreal et Crasher au Théâtre Fairmount

On avait besoin d’une solide performance pour chasser la morosité du cocktail météo de jeudi soir, et c’est exactement ce que la bande de Of Montreal est venue nous servir la soirée d’ouverture du Taverne Tour. Vêtu d’un hoodie de chien labrador au motif de nuits tropicales et portant une perruque disco bleue, Kevin Barnes a balancé une énergie si contagieuse qu’il a maintenu la foule en extase pendant chacune des 75 minutes qu’a duré ce déferlement d’influences musicales bigarrées.

La gloire d’Of Montreal

Disons-le d’entrée de jeu, Kevin Barnes est une bête de scène. Une bête qui se nourrit insatiablement de l’attention que lui porte son public, mais qui lui redonne tout en double. Une sorte de réaction en chaîne qui exponentiellement augmente l’intensité de la soirée dans une formule Punk-ton-Disco/B’52Funk-ton-Bowie. Cette formule, en clin d’œil aux curieux titres de leurs 18 albums studio, décrit bien l’univers musical que nous ont servi les quatre musiciens, enchaînant en toute souplesse des titres de pop psychédélique, des hymnes discos, et du punk d’une énergie juvénile à rendre jaloux ceux et celles qui pensent qu’à l’aube de la cinquantaine on est bon que pour du rock détente.

Ce qui caractérise Of Montreal, sur disque comme sur scène, c’est cette aisance à briser les tabous musicaux et à détruire les normes, en toute bienveillance. Une aisance démontrée dès le titre d’ouverture, It’s different for girls. Alors qu’on penserait qu’un homme blanc, près de la cinquantaine, chantant les difficultés d’être une fille pourrait se faire reprocher de s’approprier une cause qui n’est pas sienne, Kevin Barnes en devient plutôt un allié par sa performance flirtant avec l’autodérision. On retrouve ainsi avec un véhicule de sensibilisation extrêmement puissant où les admirateurs de tout âge et tout genre dansent et chantent en cœur une série d’observations cyniques remplies d’humour sur les normes sociétales et les doubles standards auxquels font face les femmes encore trop souvent “agressively objectified”.

Nul besoin d’être un fin observateur pour remarquer que ce leitmotiv (conscient ou inconscient) qui consiste à détruire toutes frontières musicales, générationnelles ou de genre se reflète dans la foule diversifiée s’étant déplacée au Théâtre Fairmount. La foule comptait autant de jeunes lesbiennes vingtenaires extravagantes, que des trentenaires androgynes gothiques et des soixantenaires probablement sympathisants du mouvement punk dans leur jeunesse.

Côté musical, Of Montreal a joué que trois titres de leur plus récent album, Freewave Lucifer f<ck f^ck f>ck, paru en 2022. Le premier, Marijana’s A Working Woman, une courtepointe de segments rappelant parfois la musique d’un cocktail branché, parfois la trame sonore d’un film d’horreur, suivait tout juste le titre d’ouverture. Son intro à l’orchestration théâtrale aurait d’ailleurs servi une excellente entrée en scène.

Suivant la très dynamique Paranoiac intervals/body dysmorphia, avec son refrain résolument dance-punk, le deuxième extrait de leur dernier opus nous amenait dans une ambiance beaucoup plus sombre et proche de la musique industrielle des années 90. On comprend à la réaction de la foule que ce titre aura une place privilégiée dans toutes les prochaines tournées de Of Montreal. Le troisième extrait, Blab Sabbath Lathe Of Maiden, est le plus dansant de leur dernier album et arrivera à mi-chemin du spectacle avec son rythme indie-disco et ses intermèdes new wave.

Apparaissant parfois comme une version maniérée de Bowie, Kevin Barnes se métamorphosait et affichait une véritable dégaine de punk rocker lorsqu’il prenait sa guitare électrique, comme ce fût le cas sur Polyaneurism. Sa fougue juvénile n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de Laura Jane Grace, une musicienne transgenre américaine de punk rock.

La dernière venue de Of Montreal, nom donné au groupe en honneur à une montréalaise qui aurait brisé le cœur de Barnes il y a très longtemps, remontait à une dizaine d’années. Espérons que l’enthousiasme incontestable de la foule pour ce groupe aussi excentrique qu’attachant les convaincra de revenir dans un avenir rapproché.

Crasher … de Montréal

Crasher, c’est du thrash métal pour les uns, du punk électronique pour les autres. En écoutant leur microalbum Street Cleaning Machines of the World, paru en 2021, on est tenté d’ajouter à ce mix de sonorité le rock garage, la new wave et le rock industriel.

Le trio composé de Airick Asher au chant, Tyrin Kelly à la batterie et de Kai Thorpe à la basse, semblait chercher ses repères jeudi soir. Du moins, c’est l’impression qui s’est dégagée de leur prestation, probablement biaisée par le fait que mes attentes étaient assez élevées : leur microalbum a tourné en boucle dans mon téléphone depuis quelques jours et on m’avait dit que leur passage au festival Distorsion en mai dernier avait été remarquable. Il faut dire que la foule était bruyante jeudi soir et que le réglage du son semblait avoir besoin d’amour: il manquait de netteté pour saisir la qualité des compositions. Sur scène, le clavier semblait aussi prendre trop de place dans les arrangements des titres comme Nice Guise et Degeneration, pourtant très efficaces et accrocheurs dans leur version post-punk sur l’album.

Quant à sa présence sur scène, le chanteur Airick Asher a un charisme indéniable qui gagnerait à être mis davantage au service de la conquête d’un public. Dès qu’il lâchait sa quincaillerie électronique, on sentait rapidement l’intensité montée et la connexion avec la foule opérée.

Il serait étonnant que cette apparition au Taverne Tour ait permis à Crasher de se créer un contingent important de nouveaux fans, et pourtant, c’est un trio qui a le potentiel de faire exploser la scène locale. Il y aura d’autres occasions, certainement.

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