Anne Bonny

SXSW 2015 – Jour 4 | Christine and the Queens, Kate Tempest, Mumiy Troll et autres exotismes

Pour la dernière journée de SXSW 2015, Sors-tu.ca s’est offert rien de moins qu’un buffet multiculturel comme on en trouve rarement dans une même ville par un même soir. Chanteuses britannique et française étaient au menu, suivies de groupes sud-coréens et taïwanais, puis d’une légendaire formation russe ; ça voyageait sur un moyen temps samedi soir !


Les échos favorables de la veille – au Maggie Mae’s, dans le cadre de la vitrine POP Montréal – nous ont portés à rattraper une découverte impressionnante : la Britannique Kate Tempest. Après quelques prestations au cours de la semaine, la rappeuse rousse-blonde en remettait en après-midi avec une dernière présence, cette fois sur une scène extérieure érigée dans la cour arrière de l’Hôtel San Jose du quartier SoCo (South Congress District).

Au milieu d’antiquaires, de snack-bars aux looks rétro et de magasins de bottes de cowboy, le showcase de l’Hôtel San José prenait des airs de fête de quartier, ouverte à tous. Tempest s’inscrivait dans un menu qui comptait aussi sur des artistes de la trempe de The Church, The Ting Tings, Surfer Blood et Milo Greene.

Photo par MAM

Kate Tempest. Photo par Marc-André Mongrain.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Kate Tempest est d’une rare intensité, mais également d’une sincérité bouleversante. Sa musique est somme toute assez simple : des rythmes électro, contrôlés par deux musiciens à l’arrière-plan, et des mélodies assez directes, en boucles. Il faut dire qu’elle flirte avec le spoken word.

À ses côtés, une choriste et danseuse lui tient compagnie. Tempest, elle, est tout sourire, même si ses textes, qui défilent à un débit imposant, ne sont pas toujours jojos. Genre de mélange entre Janis Joplin et Grimes, elle s’exprime avec un enthousiasme engageant, véhicule des messages positifs, sollicite un éveil de la conscience : « Soyez fous ! Abandonnez vos craintes ! Mordez dans la vie parce que c’est la seule que vous avez… » Sans tomber dans le « fleur bleue » des messages de type « pensée du jour », Kate Tempest entend brasser la cage avec sa musique et ses interventions, et son coeur est à la bonne place. Difficile de rester de marbre devant une telle démonstration d’humanité. Très belle découverte.

Photo par MAM

Christine and the Queens. Photo par Marc-André Mongrain.

Plus tard, en début de soirée, on avait rendez-vous avec Christine and the Queens, qui concluait son tout premier voyage dans l’Amérique de l’Oncle Sam avec une prestation d’une demi-heure au Empire Garage, dans le centre-ville.

C’était plein à craquer pour accueillir la vedette de la pop française. Sans trop de flafla côté éclairages, Christine and the Queens a épaté la galerie avec sa voix d’une justesse notable, ses chorégraphies bien dosées et son charisme fou. Avec son répertoire mi-français, mi-anglais, les portes sont grandes ouvertes pour une percée aux États-Unis. Ce sera à surveiller.

En ce qui nous concerne, on pourra la revoir à l’oeuvre au Parc Jean-Drapeau lors de la prochaine édition d’Osheaga.

 

Soirée asiatique / exotique

Question de se dépayser un peu plus encore, nous avons terminé la soirée dans le Rainey Street Entertainment District.

Vieux quartier à la déroute avant d’être racheté maison par maison par une entrepreneuse il y a quelques années, la petite rue Rainey propose un petit coin de ville fort différent de la bordélique 6e rue, où l’on peut butiner de bar en bar. Tous les lieux sont en fait des anciens bungalows – la plupart date des années 1920 et 1930 – dont les devantures ont été conservées intactes, mais dont l’intérieur a été rénové afin d’en faire des estaminets branchés, avec terrasses arrière aménagées pour accueillir des spectacles.

Une touche d'humour, sur Rainey Street. Photo par Marc-André Mongrain.

Une touche d’humour, sur Rainey Street. Photo par Marc-André Mongrain.

Samedi soir, l’un de ces lieux nommé icenhauer’s (avec un petit i) proposait une soirée toute taïwanaise, où l’on pouvait y voir notamment une formation nommée OVDS, genre de Linkin Park plus techno et plus hardcore. Très bruyant et intense, mais pas si pertinent. Le rock-pop un peu kitsch qui suivait nous a convaincus d’aller voir ailleurs… Désolé Taiwan : on se reprendra.

Sur la terrasse du bar voisin, le Banger’s, nous avons été été attirés par un autre party de cour non-officiel de SXSW, où un groupe local nommé Sour Bridges interprétait une version rythmée de Hotel Yorba des White Stripes. Le terrain boiteux mais chaleureux accueillait un party dansant country-western-bluegrass qui levait comme une veillée du jour de l’An. Le fun était pogné, comme on dit. Plus tard, le quintette a fait danser la foule encore plus avec une autre relecture, cette fois de Gin & Juice de Snoop Dogg.

Sour Bridges. Photo par Marc-André Mongrain

Sour Bridges. Photo par Marc-André Mongrain

À deux portes de là, un endroit nommé Lucille’s proposait un menu tout aussi exotique, mais beaucoup plus intéressant. Parrainé par le festival V-Rox, qui a lieu à chaque mois d’août dans la ville portuaire de Vladivostok, sur la côté pacifique de la Russie, le showcase nous annonçait ses couleurs avec un groupe rock’n’roll sud-coréen nommé YB.

Fort divertissant par son énergie, on sentait tout de même une volonté de faire dans le hard rock à l’Américaine, en anglais de surcroît, ce qui donnait un résultat un peu convenu. Mais la coupe de cheveux du chanteur au perfecto rouge en valait le coup à elle seule.

YB. Photo par Marc-André Mongrain.

YB. Photo par Marc-André Mongrain.

C’est toutefois vers minuit qu’on est passé aux choses sérieuses avec les « parrains du punk sud-coréen », un groupe nommé No Brain.

Si l’énergie de YB était entraînante, on montait d’un cran avec No Brain, dont la philosophie est à l’image du nom : perdre la tête et se laisser aller. Le groupe naviguait du punk au ska, en passant par le rock’n’roll, et la foule en a pris plein la gueule.

À un moment, le chanteur a annoncé la venue du « Motherfucker », sous les cris tonitruants des spectateurs, qui semblaient familiers avec ce petit numéro. Le « Motherfucker », c’est le batteur du groupe. Et quand il quitte la batterie pour empoigner le micro pour une chanson, « No Brain » prend tout son sens : il beuglait, se frapper la tête, se renversait le drink d’un spectateur en première rangée sur la tête… La foule est virée crackpot pour cette prestation frénétique fort appréciable.

No Brain en action. Photo par Marc-André Mongrain

No Brain en action. Photo par Marc-André Mongrain

La soirée se concluait par les instigateurs du festival V-Rox : les vétérans de Mumiy Troll.

Ce groupe formé en 1983 est un fier porte-étendard de Vladivostok, et connaît une carrière fructueuse, dont l’impact est fort bien documenté dans divers articles sur le web. Ça paraît d’ailleurs dès les premières notes : mené de front par le charismatique et théâtral Ilya Lagutenko, le groupe est soudé, semble en plein contrôle de sa prestation, et transmet bien son rock alternatif presque Britpop, aux arrangements plutôt créatifs. On comprend que dalle des paroles (en russe), mais les mélodies vocales sont intéressantes, et l’énergie dégagée par le quintette est rafraîchissante.

« Vous êtes tous la bienvenue à Vladivostok, quand vous voulez! » de s’exclamer Ilya Lagutenko à la toute fin de la généreuse prestation d’une heure. Après une telle soirée, on aurait presque envie de le prendre au mot…

Mumiy Troll. Photo par Marc-André Mongrain.

Mumiy Troll. Photo par Marc-André Mongrain.

* Nous remercions LOJIQ, dont le soutien financier a permis la réalisation de ce reportage.

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