Scène contemporaine autochtone 2017 | Exister par les arts vivants
« Scène contemporaine autochtone offre un espace de réflexion critique, permettant à l’art de devenir un outil pour éduquer, ouvrir le dialogue, et ultimement passer à l’action », dit Émilie Monnet, directrice artistique de SCA et des productions Onishka, à propos de la deuxième édition de cette manifestation artistique qui nous interpelle tous.
Montréalais du 375e, saviez-vous que vous habitez sur le territoire non cédé de Tio’tia:ke en langue mohawk? On peut bien passer par le créneau officiel de la Commission de vérité et réconciliation pour nous déculpabiliser, avec le peu de résultat atteint, reste que c’est en bonne partie par les arts vivants que les peuples autochtones nous disent qu’ils existent encore. « Comment parler de réconciliation alors que dans les faits, il n’y a jamais eu de conciliation au départ », ajoute Émilie Monnet.
Avec ses dix jours de performances par des artistes autochtones et d’ateliers de conversations sur des sujets sensibles, ou simplement pour apprendre à mieux nous connaître, SCA aura réussi à passer de la parole aux actes en investissant des lieux autrefois aussi inaccessibles que l’Agora de la danse, la Fonderie Darling, le Musée d’art contemporain de Montréal et le Pavillon Sherbrooke de l’Université du Québec.
Son spectacle d’ouverture, au titre révélateur de « Je me souviens », a attiré un public ouvert d’esprit dans un lieu aussi inattendu que le théâtre La Licorne. De plus, la production faisait partie de la programmation officielle du OFFTA.
« Speak Red » déclinait un des artistes provenant de Kahnawake, allusion faite avec justesse au fameux poème-cri du cœur « Speak White » de Michèle Lalonde. Les sept interventions performatives de la soirée ont donné lieu à des moments extrêmement touchants de vérité et de réalisme sublimés par la présence sur scène de ces témoins éloquents. « La reine? Quelle reine? Notre peuple n’a jamais eu de reine… », ironisait un autre participant pour qui la question de survivance et du sacré passe avant tout.
Le spectacle, si tant est qu’on puisse le désigner ainsi, plutôt le cérémonial donc, incluait un numéro où assis en rond autour d’un tambour sur lequel résonnait une vive douleur, cinq hommes à la voix plaintive et perchée haut ont chanté des incantations amérindiennes ayant traversé les siècles pour aboutir ainsi dans un petit théâtre de la rue Papineau à Montréal.
Le mythe de la réconciliation se sera transporté aussi bien jeudi soir au Théâtre Centaur avec Reckoning, que l’on peut traduire par Moment de vérité. Texte, conception et mise en scène par Tara Beagan, une Métis fière de son héritage ntlaka’pamux et irlandais, et Andy Moro, Omuskego Cri, ils sont depuis 2013 les co-fondateurs de la compagnie Article 11.
Cette fois, c’est la cruelle réalité des pensionnats autochtones, avec ses pratiques génocidaires que le gouvernement canadien a érigées en système, pour ensuite classer dans des dossiers muets portant de simples numéros les sévices sexuels et autres horreurs commises envers eux par les Blancs que nous sommes.
La production a été créée à Toronto l’année dernière, où elle s’est méritée des critiques élogieuses, dont celle de Karen Fricker du Toronto Star qui questionne notre méconnaissance des Premières Nations. Parmi la distribution d’ailleurs, se démarque Julie Tamiko Manning, comédienne, auteure de théâtre et productrice associée du Metachroma Theatre qui s’est donné comme mandat de remédier à la sous-représentation des acteurs de minorité visible dans le théâtre canadien en général.
Scénographe, concepteur d’éclairages, d’installations et de projections multidisciplinaires, Andy Moro est aussi un membre clé de l’équipe de création d’Indigenous Dance Residency du Banff Centre for the Arts en Alberta. À quand une équivalence au Québec?
- Artiste(s)
- Je me souviens, Reckoning - Moment de vérité
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- La Licorne
- Catégorie(s)
- Musique du monde,
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