Out Innerspace

Rhino d’Out Innerspace à l’Agora de la danse | Et si on dansait autour d’une corne de rhinocéros?

Rhinocéros, matador, cafard et squelette entrent dans la danse ces jours-ci pour les représentations de Rhino, la nouvelle production de la compagnie vancouveroise Out Innerspace. En première mondiale à l’Agora de la danse jusqu’à ce samedi 26 octobre, cette curieuse production tombe tout a fait à point pour la fête des morts qui approchent.

Cette pièce se veut une réflexion sur l’avenir incertain de chacun des protagonistes. Le spectacle débute par le matador qui, dans des gestes précis, s’approprie les objets typiques de la tauromachie. Chapeau, cape et épée tournoient allègrement dans des mouvements exagérés afin qu’on saisisse avec quel sérieux le personnage aborde son rôle. Mais c’est quoi le rapport, me direz-vous! L’idée derrière cette œuvre tragi-comique était de soumettre le spectateur à une réflexion sur ce que ça prend pour traverser l’épreuve du temps (affronter les forces adverses comme le matador) et la menace d’extinction (de là l’idée du rhinocéros).Après cette prémisse gestuelle, un vieillard est apparu sur scène et tremblait. Il écrivait, réécrivait, recommençait son texte, mais quoi? Ses mémoires peut-être?

* Photo par Mark Kelly.

Le fond sonore de cette scène en était un d’insectes, de grillons plus précisément. Un cafard téléguidé se déplaçait ensuite sur scène, attirant l’attention de tous. Sous le regard médusé du vieillard qui se cherchait une raison d’être ou d’avoir été en écrivant, une projection en arrière-plan montrait des plans rapprochés du vieillard et du cafard téléguidé. On découvre dans l’utilisation de ce procédé qu’il ne s’agissait d’une projection différée en film plutôt que d’images en temps réel.

* Photo par Mark Kelly.

À mon avis, la tragédie était beaucoup plus présente que la comédie pendant les 75 minutes de ce spectacle sans entractes. Le personnage du squelette était celui qui venait détendre l’atmosphère la plupart du temps. Apparaissant dès les premières minutes et mimant parfaitement la rigidité cadavérique, la danseuse qui incarnait le squelette a su hypnotiser l’auditoire.  Le costume sobre mais très bien ficelé aidait à rendre l’ensemble de ses mouvements totalement fascinants.

Dans une danse empreinte de délicatesse les autre protagonistes de l’histoire manipulaient avec attention et douceur la danseuse squelette.  Cette image nous laissait croire qu’on fait attention à la mort pour ne pas attirer indûment l’extinction. Après cette danse, le squelette a lâché un cris de mort (c’est le cas de le dire) à la vue de la corne, emblème du rhinocéros.

S’est enchaîné ultérieurement une suite de tableaux tantôt en duo, tantôt en solo et parfois en groupe. J’ai retenu d’abord le duo sur une version de la chanson I put a spell on you dont les mouvements étaient très fluides sur une musique dramatique et poignante. Le tableau où tous les danseurs s’adonnent à une sorte de danse de la mort avec des mouvements inspirés du hip hop parait à certain moment un peu burlesque mais montre réellement l’ampleur du talent des interprètes de la troupe. Il y a eut par la suite un duo plutôt sobre et malheureusement très peu éclairé mais dont les portés étaient franchement spectaculaires.

 

* Photo par Mark Kelly.

 

Le plus flamboyant des tableaux fut celui du protagoniste qui personnifiait le rhinocéros. La chorégraphie débutait avec fracas  dans l’effondrement de tous les danseurs sauf celui personnifiant le rhino.  Un coup d’archet de contrebasse saisissant entamait ce tableau sur lequel planait une ambiance de jugement dernier. Ce solo était empreint d’une souplesse et d’une précision qui a su captiver les spectateurs par la gestuelle du danseur parfaitement maîtrisée.

On note par la suite un tableau intéressant visuellement du fait que la troupe joue avec les trois dimensions puisque l’éclairage, un faisceaux lumineux du plafond, donne l’illusion d’une pyramide dans le noir. Le solo du matador où sont placés des projecteurs rouges en cercle autour de lui s’avérait également intéressant visuellement. Le fait que les protagonistes modifiaient eux-mêmes l’éclairage sur scène en bougeant de façon autonome les projecteurs tout en dansant avait l’avantage d’attirer notre regard sur certains mouvements en particulier. Ce procédé nécessitait une précision extrême dans les déplacements des danseurs.

Je croyais que le spectacle allait se terminer dans une grand farandole autour de la corne de rhinocéros sous un fond de musique orientale (ce qui a pratiquement eu lieu). Cependant, le dernier tableau a laissé plus d’une personne dubitative je le crois bien puisqu’après avoir allumé la corne de rhino comme une chandelle, on a couvert un protagoniste de pétrole (avec forte odeur de mélasse) . L’extinction au sens littéral, peut-être? Bref, je pense que cette portion-là n’était pas nécessaire.

Il reste quelques représentation et ce jusqu’au 26 octobre à Montréal, puis du 31 octobre au 2 novembre à la Salle Multi de Méduse, présenté par la Rotonde à Québec.

Vos commentaires