Rencontre avec Regarde les Hommes Tomber | Écoute les diables sombrer, en français ?
Dix ans après leur premier album, le groupe post-black métal nantais Regarde les hommes tomber s’est forgé un nom, imprononçable en dehors de la France et du Québec, mais reconnu sur la scène black metal internationale. Nous avons pu les rencontrer lors de leur passage à la dernière Messe des Morts, parler de la langue française dans le black métal, de l’importance des rituels scéniques, et de la grandeur de l’art qui peut dépasser les hommes.
La France et le Québec ont forcément un lien unique lorsqu’on parle de black metal, deux scènes qui se connaissent et se respectent, transcendées lors de réunions comme lors du festival montréalais de la Messe des Morts, qui verra d’ailleurs plusieurs groupes de l’Hexagone se produire en novembre prochain comme Seth, Pensées Nocturnes, Gorgon et Sotherion, aux côtés de groupes québécois comme Misere Luminis, Délétère ou encore Trépas.
Regarde les hommes tomber faisait partie des Français présents lors de la dernière édition. T.C, le chanteur du groupe, nous exprime sa fierté de se produire au Québec :
On est tous assez fans de la scène black métal québécoise, de Forteresse à Sombres Forêts, et je suis assez sensible à ce côté « défense de la langue française » dans la culture québécoise, donc c’est un honneur pour nous d’être ici.
Les Français étaient en Amérique du Nord pour la toute première fois lors de la dernière Messe des Morts, tête d’affiche de la première soirée du festival qu’ils ont dominé dans une performance remarquable.
On aborde justement la question de chanter en français, un aspect que RLHT explore seulement dans la dernière chanson de leur album Ascension, et on se demande si l’avenir pourra réserver plus de chant en français. « Oui certainement. Ça s’est révélé en studio que je prenais beaucoup plus de plaisir à chanter en français. Forcément dans sa langue natale, il y a une sensibilité différente, c’est plus incarné et plus fort. »
Et ce n’est pas tous les styles de musique, de rock ou de métal qui se prêtent à des langues différentes. « Finalement, c’est propre à la scène black métal de chanter dans sa langue d’origine. On pense aux Norvégiens ou aux Ukrainiens. » Ou encore en islandais, en espagnol, en polonais, et même en cherokee, la diversité qu’on peut trouver est aujourd’hui intéressante.
Se sacrifier pour plus grand que soit
La conversation aborde les performances scéniques, un endroit où RLHT s’est d’ailleurs démarqué sur la scène du Théâtre Paradoxe en novembre dernier, avec une certaine profondeur, une touche rituelle envoutante et un degré d’intensité très élevé.
L’histoire de ce groupe, c’est de se sacrifier pour quelque chose de plus grand que nous. Pour moi c’est ça le black metal : s’abandonner à quelque chose de plus grand, à une force supérieure.
On entend ici l’énergie que l’on peut ressentir et partager lors d’un concert, lorsqu’un artiste dégage quelque chose de plus, ce quelque chose d’impalpable. « Quand tu vois un bon concert, d’un groupe que tu aimes, tu peux sentir cette énergie, un truc qui se passe, qui n’est pas visible. » Malheureusement ce n’est pas le cas de tous les groupes, de faire l’effort de rechercher cette transcendance en spectacle. Le guitariste A.M confie :
Je trouve ça triste de voir que certains groupes ne font pas l’effort de se donner sur scène à 100%, alors qu’ils sont bons sur album, parce que pour moi le black metal ça dégage quelque chose de grand: il y a un aspect cérémonial dans cette musique-là.
« Pour nous, c’est hyper important de pouvoir donner un spectacle à la hauteur, y compris en son et lumières, et de ne pas être statique. C’est du rock’n’roll. C’est cliché peut-être, mais c’est vraiment sur scène que tu rentres en communion avec la musique. »
Un aspect qui se ressent aussi dans l’interprétation des chansons. Le guitariste affirme que les musiciens du groupe prennent un certain plaisir à changer les morceaux en concert, notamment en les jouant un peu plus rapidement que sur album.
Trop de black metal ? Quantité VS Qualité
Et sur cette question des groupes qui ne se donnent pas assez, de ceux qui se démarquent, on évoque alors l’immense quantité, l’infinité de groupes et d’albums de black metal qu’on trouve aujourd’hui sur Internet. T.C fait alors référence à une déclaration du fondateur de Behemoth, ayant affirmé qu’il ne servait à rien de créer de nouveaux groupes parce que le marché était sursaturé.
« Je ne suis pas du tout d’accord avec cette déclaration de Nergal, parce que cette musique doit vivre, et ça passe par la création. Ce qui compte c’est la qualité, et le public sait faire la différence. » Malgré les réseaux sociaux et Internet, est-ce que c’est toujours le public dans les concerts qui pourra être le dernier juge de la qualité d’un groupe ?
Dans cette quantité astronomique de black metal, comme dans beaucoup de sphères culturelles ou la production de contenu devient exponentielle, que restera-t-il au-delà des années, des siècles ? Selon le chanteur de RLHT, il y a aussi une perspective dans l’art qui dépasse nos existences humaines.
Pour moi la musique c’est une espèce de conscience hyper-aiguisée de la mortalité, du fait qu’on va tous mourir, et de pouvoir laisser une trace à travers l’art.
Seul le temps et les générations futures verront quelles œuvres traverseront le temps, et quels albums de métal noir et de black métal français resteront immortels, même lorsqu’on regardera l’humanité tomber…
D’ici là, on pourra aller voir d’autres groupes de black metal français lors de la prochaine Messe des Morts en novembre au Théâtre Paradoxe, notamment Seth, Gorgon, Pensées Nocturnes ou encore Sotherion, aux côtés de plusieurs groupes québécois, canadiens, américains et européens.
- Artiste(s)
- Délétère, Misere Luminis, Regarde les hommes tomber, Seth, Trépas
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Paradoxe
- Catégorie(s)
- Black metal, Death metal, Métal, Sludge metal,
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