Race

Race au Théâtre Jean-Duceppe | Le nécessaire débat

Avec les récents papiers qui ont circulé sur la quasi absence des minorités visibles dans nos médias et le tollé à propos des accommodements déraisonnables du blackface,  le sujet de la pièce Race de David Mamet s’inscrit plus que jamais dans l’actualité.  L’adaptation québécoise de ce débat d’une heure trente atteint sa cible ; nous faire philosopher au-delà du racisme et nous ramène à ses fondements : l’hypocrisie générale.

Pour citer l’auteur, la pièce traite de « race et de tous les mensonges qu’on se raconte sur le sujet. »   Sortie en 2009 sur Broadway et dirigé par Mamet lui-même, la vingt-troisième oeuvre du prolifique auteur et metteur en scène a connu des critiques mitigées lors de sa sortie, à cause, a-t-on dit, du ton verbeux et le manque de réelle tension dramatique.  Pourtant, le rythme effréné des dialogues et les pièges sémantiques que se tendent chacun leur tour les personnages suffisent à tenir l’auditoire en haleine, si bien qu’on ne voit pas le temps passer.  À condition, bien sûr, de ne pas perdre un mot de la joute verbale, tantôt d’une finesse intellectuelle, tantôt d’une vulgarité assumée, souvent d’un humour sarcastique et cinglant.

Le langage Mamet

Ces contradictions, Benoit Gouin et Frederic Pierre les maitrisent parfaitement.  Ils ont fait leur travail d’appropriation de la langue de Mamet qui, force est d’admettre, demande un temps d’adaptation pour le spectateur.  Dans une traduction fidèle et fluide, le niveau de langage n’était, par contre, pas assez unanime, et créait un décalage entre Pierre, plus nonchalant, et Gouin, plus tonique et soutenu.  Henri Chassé, en accusé milliardaire, est convaincant d’incertitude ; nous n’arrivons pas à déterminer de sa culpabilité.  Myriam De Verger, la seule femme du quatuor, et non la moindre, tire bien son épingle du jeu, sans toutefois briller comme le personnage aurait dû.

La mise en scène, la scénographie et les costumes d’une sobriété presqu’ennuyante laissaient place aux vrais enjeux philosophiques du texte.  Dans ce cadre juridique à l’américaine, dans l’intimité du bureau de deux avocats se joue une controverse plus grande que la cause à défendre ; l’auteur n’a pas choisi l’espace judiciaire au hasard.  Ce cadre lui permet de poser les vraies questions à propos du préjugé de race, même le favorable.  Ces questions justement qu’on ne formulerait ou n’avouerait pas directement dans un autre contexte, de peur d’être accusé de juger ; les avocats le peuvent, parce que c’est leur job.  Ce qui offre un contexte idéal à l’auteur pour adresser ses réflexions.

La pièce trouve sa nécessité chez chacun, du plus ouvert au plus fermé sur « l’autre », car elle ouvre des débats qu’elle ne clôt pas, qu’elle laisse flotter, créant un irritant pour le cerveau paresseux qui préfère se faire dire quoi penser.  Ou même pire : quel camp choisir.

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