crédit photo: Marie-Claire Denis
Queen symphonic

Queen Symphonic à la Salle Wilfrid-Pelletier | Mama, just killed Queen

Queen Symphonic était présenté pour la première fois au Canada jeudi à la Salle Wilfrid-Pelletier. Le spectacle ne révèle qu’un festival de clichés douteux et une direction artistique de mauvais goût, presque insultante envers l’immense héritage laissé par le quatuor britannique.

L’orchestre, sous la direction de Richard Sidwell, débute la soirée avec Flash’s Theme, poursuivant son intervention dans un medley purement instrumental. C’est agréable à l’oreille de revisiter le répertoire de Queen comme tel. Quelques minutes sympathiques s’écoulent, avant que quatre chanteurs ne foulent la scène. Oh non, ça commence…

Mauvais goût, quand tu nous tiens

Kitsch, ringard, cheesy, « quétaine », ce que vous voulez : les chanteurs de Queen Symphonic jouent tellement dans la caricature qu’il est à se demander, après les premières chansons, si ce n’est pas une parodie. Et malheureusement, non.

Les chanteurs sur scène s’apparentent à des personnages tout droit sortis du Strip de Las Vegas. Mais pas le beau Strip glamour, celui du Cirque du Soleil et des paillettes. Le Strip cheap, le Strip des contrefaçons, des mariages à 20 dollars et des sosies d’Elvis puant la cigarette.

Le choix des chansons interprétées est lui aussi, très discutable : si les classiques indémodables du groupe sont naturellement joués par les musiciens sur scène (Don’t Stop Me Now, Bohemian RhapsodySomebody to Love, Bicycle Race ou Love of my Life), d’autres morceaux auraient pu éviter de se glisser entre les lignes de la setlist.

Les inspirations pop et disco typiques des années 80 ont permis à Queen de façonner de plus belle sa gloire. Mais, entre nous, on retrouve également le pire répertoire du groupe dans cette période.

Interpréter A Kind of Magic ou Radio Ga Ga quand un orchestre est à disposition, ce n’est simplement pas intéressant. Pire, chanter Barcelona de Freddie Mercury est tout bonnement ridicule.

Donnez-nous le Queen des débuts, le Queen des quatre membres chevelus, plutôt! Le Queen baroque et folklorique de Sheer Heart Attack, le Queen des combinaisons moulantes de Freddie. Des pièces comme In the Lap of the Gods, My Fairy King ou The Prophet’s Song auraient été hautement plus intéressantes à revisiter avec orchestre. Des chansons nichées, oui, mais encore une fois, plus intéressantes.

De toute façon, l’ensemble est relégué au second plan durant l’entièreté de la performance. Pour un spectacle qui a la prétention de se prénommer Queen Symphonic, on peine souvent justement à l’entendre, cette fameuse symphonie. L’aspect pop des arrangements prend le dessus. Et ces envolées lyriques complètement à contre-courant de l’esprit du groupe aussi.

Le spectacle est en soi bien rodé, et les quatre chanteurs sont tous dotés d’une belle voix, il n’est pas question d’affirmer le contraire. Mais aborder des chansons résolument rock avec un tempérament digne de la performance la plus kitsch de Mariah Carey, ça ne peut qu’irriter les puristes.

Imaginez un participant de l’Eurovision (ou de La Voix, pour ceux qui n’ont pas la première référence) interpréter le répertoire de votre groupe rock favori à la sauce « montrez-moi-qui-a-la-plus-belle-voix ». Saupoudrez ça de l’attitude de votre Tremblay local au karaoké, incarnant après quelques verres dans le ventre des légendes comme Robert Plant ou Mick Jagger.

Agaçant, non?

Le spectacle est scindé par un entracte, qui laisse place à une deuxième moitié d’autant plus insupportable. 15 (oui, 15!) boules disco viennent ajouter de « l’ambiance » sur Crazy Little Thing Called Love, les artistes au regard inspiré se mordent les lèvres en chantant, font du air guitar, lèvent le poing en l’air sur une note finale tenue plusieurs secondes : tout y est.

S’attaquer au répertoire de légendes de la musique du siècle dernier est une tâche ardue, et il est aisé de tomber dans la caricature si on baisse la garde. Des concerts comme HEROES\BOWIE\BERLIN 1976-80, revisitant la trilogie berlinoise de David Bowie, ou Brel! le spectacle, tous deux joués à la Salle Wilfrid-Pelletier, en témoignent.

En ce qui a trait à Queen, seuls Marc Martel et Adam Lambert ont su effleurer le niveau de Freddie Mercury ces dernières années sans tomber dans le ridicule. Effleurer, parce que jusqu’à preuve du contraire, personne n’est encore arrivé à la cheville de la rock star anglaise.

Queen Symphonic aurait pu (dû) être un spectacle phénoménal si la direction artistique avait décidé de se concentrer uniquement sur le segment orchestral du produit. Le matériel y est, en plus. Mais avec des « si », on mettrait Paris en bouteille. Entre-temps, on va aller écouter les originaux pour se nettoyer les oreilles.

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