Pro Musica – Série Pierre-Rolland | Lukas Geniušas, ce génie

Récital inspirant lundi soir au Théâtre Maisonneuve par le jeune pianiste russe de 26 ans, Lukas Geniušas. Médaille d’argent du concours Chopin en 2010 et Second Prix du concours Tchaikovski à Moscou en 2015, c’était lundi le premier concert du pianiste sur le sol montréalais et on espère le revoir très prochainement si son agenda le lui permet.

Lukas Geniušas a une incroyable maîtrise des tempi et du son, il possède une palette de couleurs incroyable et une maturité exemplaire pour son jeune âge. Il n’est donc pas étonnant qu’il soit considéré comme l’un des pianistes les plus talentueux de sa génération, voire du 20ème et 21ème siècle.

Avec une grande humilité dans son jeu, Lukas Geniušas a présenté un programme de quasiment deux heures, dont la première partie à elle-seule faisait près d’une heure quinze. Et pour cause, il a d’abord interprété les vingt-quatre études de Chopin d’une main de maître.

Après une entrée en matière un peu délicate pendant les deux premières études, probablement à cause d’un piano un peu fatigué et difficile à maîtriser, le jeune homme nous a offert une version très distinguée des études, privilégiant avant tout l’expression et les phrasés, refusant de tomber dans un excès de démonstration technique. Avec une volonté de rendre ces pièces intimes, comme s’il les interprétait dans un salon, ses études de Chopin furent vingt-quatre tableaux très différents mais gardant quand même une unité à travers la richesse de sa palette sonore.

Jamais superficiel, c’est justement par la simplicité de son jeu qu’il a réussi à conquérir le public de ce soir. Si l’on pouvait parfois lui reprocher certains partis-pris au niveau des tempis et des nuances choisies, son interprétation cependant honnête et gracieuse ne peut que nous transporter dans son monde imagé et sincère. Lukas Geniušas est avant tout un poète et il met son incroyable technique au service de la musique. Chaque note est réfléchie, pesée et jouée avec un contrôle incroyable ; son jeu perlé n’est jamais trop maigre ou trop lourd.

En deuxième partie, quelques préludes de Rachmaninoff ont précédé une 2ème sonate de Prokofiev absolument incroyable. Les quatre pièces de Rachmaninoff étaient encore une fois empreintes de douceur et de beaucoup de lyrisme sans tomber dans l’excès de romantisme que l’on peut parfois rencontrer. Parfois passionnées, parfois recueillies, elles ont rendu justice à ce compositeur que l’on qualifie parfois de compositeur fleur-bleue.

La 2ème sonate de Prokofiev fut aussi une grande réussite : alliant un rythme percussif à une autorité musicale très juste, Geniušas est passé au travers de cette oeuvre sans se perdre dans les lignes polyphoniques quelquefois complexes et obscures. S’extirpant des pièges techniques avec une grandes facilité et sans jamais en faire trop encore une fois, il a ainsi pu nous prouver qu’il est possible de jouer du Prokofiev avec beaucoup de rondeur dans le son et qu’il ne suffit pas seulement de taper le piano.

Devant un public l’acclamant debout, il a proposé deux rappel très contrastés, afin de démontrer une nouvelle fois ses multiples habiletés devant son instrument. Toujours inspirant, proposant de la grande musique, Lukas Geniušas a tout d’un grand : la maturité, la technique et surtout une facilité à manier les timbres du piano sans jamais forcer le son. Nul doute qu’avec un talent pareil, une grande carrière l’attend.

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