
POP Montréal 2025 – Jour 3 | TEKE::TEKE, Holy Fuck et Angine de Poitrine offrent une soirée de contrastes et de décibels
Troisième soirée de butinage automnal dans le Mile-End, alors que le festival POP Montréal se poursuivait vendredi soir. Parmi les multiples options intéressantes offertes, nous avons opté pour une veillée électro-punk-prog-surf-japonaise au Rialto avec la troupe montréalaise TEKE::TEKE et les légendaires Torontois de Holy Fuck, juste après un apéro féérique sur le toit d’Ubisoft… avec Angine de poitrine!
Que reste-t-il à dire au sujet des frères Khn et Klek de Poitrine que nous n’avons pas déjà écrit au courant de l’été (ou de la dernière année et demie, même)?
Angine de poitrine a le vent dans les voiles. Au terme d’un été faste avec 26 shows en trois mois, dont des présences remarquées au Festival de Jazz de Montréal, au FEQ et au Festif!, le duo de jam rock dadaïste s’apprête à aller séduire les Européens lors des Trans Musicales en décembre. Le vieux continent ne sait pas ce qui l’attend…
Entre-temps, un petit arrêt s’imposait au festival POP Montréal, lors d’une prestation exclusive en mode 5 à 7 sur le toit d’Ubisoft, qui a plutôt tendance à accueillir des jolies concerts posés, intimes, souvent acoustiques. On pense aux spectacles mémorables d’Avec pas d’casque, Keith Kouna, Andy Shauf ou Safia Nolin ces dernières années. Mais un duo de math-rock microtonal? Pas exactement ce à quoi le lieu de spectacles semi-secret nous a habitués!
Dès notre arrivée, on voyait bien que ce n’était pas comme d’habitude : le sympathique ami du band qui vend la merch nous jase abondamment du tout nouveau casse-tête à l’effigie d’Angine qui imite un peu le style des puzzles Ravensburger. « Trois heures de torture », nous partage-t-il, faisant référence aux motifs qui se répètent et se ressemblent.
Les t-shirts et vinyles, eux, partent comme des petits pains chauds, signe que le duo est vraiment en train de se transformer en petit culte. Pas trop mal pour un duo extraterreste. Raël doit être en train de prendre des notes (et d’apprendre à jouer de la pédale de loop).
Dès leur arrivée parmi la foule touffue, on sentait un buzz extraordinaire, amplifié par la beauté à couper le souffle du lieu, surtout à cette heure-là, à ce temps-là de l’année. La golden hour de septembre à son apogée! Et question d’ajouter de l’étrangeté à l’étrangeté, POP Montréal (ou Ubisoft?) a engagé l’humoriste Michel Kunta pour « animer la soirée ». Ceux qui vont souvent voir des matchs du Canadien au Centre Bell le reconnaîtront sans doute comme l’un des animateurs de foule du l’amphithéâtre, et il tente à sa manière de hype la foule avec un trop plein d’entrain, mais son micro passe par les pédales à effets du guitariste/bassiste Khn de Poitrine, qui n’hésite pas à étirer et distorsionner sa voix.
Et là, après cette étrange (mais parfaite) introduction, ça part pour une heure de savoureux jams de rock expérimental microtonal inventif, avec plusieurs nouvelles pistes qui ne se retrouvent pas sur le fameux et tough-à-trouver-en-vinyle Vol. 1. On se doute que Vol. 2 ne doit pas trop tarder…
Les sympathiques musiciens picotés en mettent plein la vue, et un moshpit surgit même au parterre!
Tout un moment pour les quelques chanceux qui ont pu assister à ce spectacle semi-VIP.
On ne le dira jamais assez : il faut absolument vivre l’expérience Angine de poitrine dès que possible. Et aussi souvent que possible. Prochaines opportunités : le 14 novembre pas trop loin de leur patelin, à Saint-Prime en première partie de Mononc’ Serge, puis le 21 novembre en doublé avec Patche au Ausgang Plaza lors du festival M pour Montreal.
Holy Fuck et TEKE::TEKE
La noirceur est désormais installée et c’est le temps de se diriger vers le Théâtre Rialto pour le plat principal : une double-affiche TEKE::TEKE / Holy Fuck. Rien de mieux pour une soirée où contrastes et complémentarités s’entremêlent pour donner un spectacle vibrant, profondément ancré dans l’expérimentation musicale, tout en restant accessible et généreux envers le public.
Quand Holy Fuck est monté sur scène avec ses 20 ans de carrière derrière la cravate, l’atmosphère s’est vite installée. L’électronique devient frontale, les synthés grondent, les séquenceurs pulsent, les rythmes martèlent. Solide travail des deux Matt d’ailleurs du côté de la section rythmique : le bassiste Matt « Punchy » McQuaid et le batteur Matt Schulz n’attirent peut-être pas tous les regards, mais ils sont la colonne vertébrale de cet efficace dance-punk.
On reconnait le travail de Holy Fuck sur la saturation du son, sur la répétition, sur les contrastes soniques : moments de silence ou presque, suivis de coups de bélier musicaux. Le groupe, qui n’a pas besoin d’agréments visuels pour faire vibrer le Rialto, joue sur la dynamique, l’intensité, mais aussi sur les effets — delays, filtres, basse — qui rendent l’espace presque concret.
Holy Fuck confirme sa réputation de groupe capable de rendre palpable la puissance de l’électronique live, sans perdre l’aspect humain de la performance. Les montées sont souvent abruptes, les descentes rares mais bienvenues, comme pour laisser respirer. Et quand le son atteint ses moments les plus saturés, le théâtre vibre : les enceintes semblent saturées, la basse envahit l’espace, mais jamais au point de noyer les détails, ça reste calibré. Mais fort. TRÈS fort.
Le volume ne va pas diminuer pour la deuxième prestation. On le comprend dès les premières notes de TEKE::TEKE qui dessine à grands coups de décibels son univers psychédé-pop-rock-eleki où se mêlent guitares surf, flûte, synthétiseurs discrets, percussions variées et ce chant si habité par Maya Kuroki, dont le charisme et l’extravagance fascinent.
À l’instar de ses récents albums, le sextet mené de front par les guitaristes Serge Nakauchi Pelletier et Hidetaka Yoneyama, la chanteuse Maya Kuroki et la flûtiste Yuki Isaminous — qui présentera d’ailleurs le contenu de son charmant premier album solo lors d’une tournée de 14 dates qui s’étendra de l’automne 2025 au printemps 2026 dans diverses salles et maisons de la culture — bifurque de plus en plus de son style original très axé sur le surf rock japonais des années 1960 et 1970 pour se diriger davantage vers un prog rock légèrement psyché et très certainement exotique.
Mais puisque les étiquettes importent peu, disons simplement que le groupe nous transporte dans un paysage sonore aussi rêveur que nerveux, oscillant entre moments d’introspection et envolées instrumentales où chaque souffle compte. Parlant de souffle, la bande a invité la saxophoniste Elyze Venne-Deshaies sur scène pour ajouter du sax aux titres Setagaya Koya et Kurutta Hono, ce qui vient un peu compenser la perte du tromboniste Étienne Lebel, qui ne semble plus faire partie du groupe. Elle reviendra plus tard pour ajouter à d’autres titres, et ça fonctionne toujours très bien.
La section rythmique est également renouvelée, mais rien n’y paraît : le groove demeure impeccable, et les compositions complexes du groupe sont parfaitement maîtrisées par leurs nouveaux camarades de jeu.
Visuellement et dynamiquement, le groupe ne cède pas à la facilité : les transitions entre les morceaux, les crescendos, la montée progressive de l’intensité, tout cela est pensé pour fixer l’attention et emporter l’auditeur. On sent chez TEKE::TEKE une grande confiance dans l’espace musical : pas besoin de surenchère (sauf au niveau du volume!), mais plutôt de la précision et du soin dans la construction des ambiances.
Quand Serge prend parole aux trois quarts du spectacle pour partager en toute transparence les réflexions du groupe qui sont tentés de retirer leur musique de Spotify, même s’ils en ont besoin pour mousser leur carrière, on prend pour eux, et on comprend totalement dans quel genre de dilemme impossible les groupes moins établis que Deerhoof, Godspeed ou King Gizzard se trouvent…
Bref, grosse soirée. Ensemble, TEKE::TEKE et Holy Fuck forment un parcours qui va de la rêverie sensorielle à l’urgence dansante, tout en restant fidèle à l’esprit d’avant-garde et de festivité que POP Montréal incarne. Très bon jumelage de la part du festival!
On en est ressorti électrisés, le cœur battant, et les oreilles qui bourdonnent malgré les bouchons!
POP Montréal se poursuit samedi soir avec une panoplie de bons plans de sortie, comme le concert de Fat Dog à la Toscadura, l’excellente U.S. Girls au Rialto, Pool Kids au Ritz P.D.B., ou encore Myriam Gendron et Cédric Dind-Lavoie au Théâtre Outremont.
Grille de chansons
TEKE::TEKE
Jinzou Maria
Meimu
Visible Lights
Meikyu
Gotoku Lemon
Setagaya Koya
Kurutta Hono
Mienai Iro
Doppelganger
Kodomonokuni
Michi
Garakuta
Hoppe
Onaji Heya
Rappel
Bankrobber (Reprise Des Clash)
Barbara
Photos en vrac
- Artiste(s)
- Angine de Poitrine, Holy Fuck, TEKE::TEKE
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Rialto, Ubisoft (terrasse)
- Catégorie(s)
- Art rock, Electro, Experimental, Progressif, Psychedelique, Rock, Surf,
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